1989.00.De M. Gabreau - Worms & Cie Le Havre.Historique.Le Havre (1945-1948)

 

Le Havre (1945-1948)

Entretien avec M. Gabreau

 

Le Service charbons de la succursale du Havre conjugua les fonctions d'importateur, avec celles de fabricant, grossiste et détaillant. Il joua en outre un rôle majeur dans les opérations de manutention.

C'est-à-dire que la Maison Worms était présente dans tous les secteurs de l'activité charbonnière havraise, occupant le tout 1er rang parmi les sociétés d'importation et de manutention.

Les importations

Les témoignages les plus anciens de M. Gabreau se rapportent aux années 1940-1945. De son enfance, il a conservé des souvenirs relatifs à la Maison Worms provenant de son père qui travaillait dans les Services maritimes. C'est dans sa carrière personnelle qu'il puise les informations sur l'activité charbonnière, carrière qui débuta en 1945.

A cette date, la vie de la succursale se fond dans la destinée de la ville qui s'inscrit elle même dans le cadre général de l'histoire nationale.

De ce qui fut le premier port minéralier de France, ne reste qu'un désert de ruines. La ville basse est détruite à 90%.

La reconstruction s'engage, dès la fin des hostilités, pour répondre aux besoins de la population et remettre les installations portuaires en état. Cet effort est accru par la pénurie d'énergie qui paralyse tous les secteurs de l'économie. La production charbonnière intérieure, totalement désorganisée, est de 16% inférieure à celle des 1er mois de l'année 1940. Quant aux importations qui assuraient à la France, organiquement déficitaire en charbon, un complément indispensable, elles ont totalement cessé fin 1940.

Compte tenu de la désorganisation qui affecte l'exploitation des mines, la reprise des importations constitue un enjeu. Elle suppose la remise en fonctionnement du port du Havre qui, depuis le 19ème siècle, représente une des voies d'entrée principale des charbons étrangers.

Pour l'heure, le charbon est fourni par les alliés et principalement par les États-Unis.

Les cargaisons qui n'excèdent guère 20 à 30.000 tonnes, arrivent au Havre par Liberty-ships. Comme les épaves et les mines rendent très dangereuse aux navires de fort tonnage la navigation dans le port intérieur et du fait de la destruction des équipements terrestres, le déchargement s'effectue au Bassin des Marais par transbordement sur des péniches. Celles affrétées par Worms et Cie s'engagent ensuite dans le port pour accoster au quai Raverat où sont situés les chantiers de la Maison.

Jusqu'à la guerre, un portique servait au débarquement des bateaux. Mais celui-ci ayant été démonté par les Allemands, cette opération se faisait à l'époque avec les moyens du bord !

Les cargaisons avaient trois affectations. Les plus souvent, le charbon était destiné aux compagnies de gaz et d'électricité. Dans ce cas, il était chargé dans des wagons qui, grâce à un embranchement spécial de la SNCF, étaient directement envoyés des chantiers vers les centrales. Il servait également à approvisionner le dépôt situé quai Colbert, dépôt qui garantissait l'activité de grossiste et de détaillant de la succursale.

La vente au détail demeura soumise en 1945-1946 à la réglementation en vigueur durant l'occupation.

Aussi, les particuliers venaient-ils avec leur brouette jusqu'au chantier, chercher les 25 ou 50 K de charbon auxquels leur donnait droit leur carte de rationnement.

Enfin, les cargaisons de fine étaient employées à alimenter l'usine d'agglomération.

La remise en état du port du Havre se fit en 5 ans. S'amorce alors une période de redéploiement intensif des activités charbonnières.

Dès 1948, toutefois, l'exercice de la profession d'importateur se voit profondément transformé.

A cette date, en effet, l'État poursuivant sa politique de prise en main "des leviers nécessaires à la reconstruction économique du pays" complète, dans le secteur charbonnier, les mesures adoptées en 1946 instaurant la nationalisation des houillères, par des dispositions visant à contrôler les importations.

Un premier programme fixant le tonnage importé est établi, programme dont l'application est confiée à l'Association technique d'importation charbonnière.

En conséquence, l'association devient l'unique acheteur français de charbons étrangers, subordonnant l'ensemble des sociétés d'importation.

Celles-ci continuent d'exister mais cessent d'entretenir des relations commerciales avec leurs fournisseurs.

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