1958.03.01.De la Société française de transports pétroliers.Discours de lancement du Lorraine

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Discours de lancement du "Lorraine"

1er mars 1958 aux Chantiers Wilton (Pays-Bas)

Mesdames, Messieurs,

L'âge du pétrole n'est pas terminé, malgré la relève atomique : voici ce que signifient tous les lancements, qui se multiplient, de navires pétroliers.

Certes, d'ici vingt ans, l'énergie nucléaire bouleversera les données du problème énergétique mondial. Mais d'ici là les sources traditionnelles d'énergie conserveront leur importance et il y sera même fait appel d'une manière croissante. Pourquoi croissante ? Parce que le développement industriel, la modernisation de l'agriculture, la mise en valeur des pays sous-développés en Afrique surtout, provoqueront une demande de pétrole de plus en plus importante.

Sans doute les usages du pétrole changeront-ils. Sans doute la propulsion en exigera-t-elle de moins en moins et l'on considérera peut-être un jour qu'on gaspillait le pétrole en le faisant brûler dans un moteur. Au contraire, les industries chimiques en consommeront de plus en plus, puisque la chimie du pétrole n'en est encore qu'à ses balbutiements. Tout indique qu'on utilisera encore beaucoup de pétrole dans le monde pendant un grand nombre d'années.

Ce pétrole, il faudra toujours le transporter, et les réserves actuellement connues, les besoins sont à un tel niveau qu'on imagine aisément que la flotte pétrolière devra s'accroître encore.

Certes les frets ont subi dans ces derniers mois une baisse spectaculaire. Mais nous ne devons pas nous laisser impressionner par cette baisse même profonde. Elle n'est, au fond, qu'une des manifestations d'un ralentissement mondial de l'activité économique. Ces ralentissements sont périodiques.

Ils sont aussi essentiellement provisoires. Ils sont une des conditions du fonctionnement de l'économie mondiale, infiniment moins coûteux d'ailleurs que ne le seraient les gigantesques manipulations économiques et politiques par lesquelles un dirigisme trop ambitieux voudrait les remplacer. En outre, nous ne pouvons oublier que les frets avaient connu une hausse à bien des égards exceptionnelle, et que le choc en retour actuel est d'autant plus spectaculaire que nous sommes partis de plus haut. Nous ne devons pas nous laisser impressionner par l'amplitude de ces mouvements à travers lesquels les prix cherchent leur équilibre.

C'est donc en pleine conscience de la réalité économique d'aujourd'hui que nous continuons de mener à bien la modernisation et l'extension de notre flotte pétrolière.

Nous en aurons besoin, nous Français, plus qu'on ne l'imagine.

Il y a dans le monde en 1958, plusieurs centaines de milliards de barils de réserves reconnues de pétrole, et je voudrais ouvrir ici une parenthèse à leur sujet. Le Moyen-Orient en possède la part la plus importante et il n'est pas besoin d'être docteur en science politique pour comprendre les raisons de l'intérêt porté par les très grandes puissances, d'une part aux prodigieuses réserves recensées du Moyen-Orient, d'autre part aux réserves peut-être non moins miraculeuses du sous-sol africain, notamment du Sahara, qu'on est en train de prospecter.

C'est le Sahara qui nous donne confiance. Il est peut-être, je viens de le dire, l'autre grand réservoir mondial de l'or noir, duquel pourrait renaître une France plus puissante que jamais et se construire une Europe prospère et unie. J'ai plaisir à le dire ici, devant Monsieur Delavenne, directeur du Bureau de recherches pétrolières. Il appartient à une pléiade de hauts fonctionnaires et de chercheurs dont je salue l'admirable effort. Grâce à eux, la France vient de valoriser de manière prodigieuse l'héritage des générations précédentes. J'ajoute, et vous ne m'en voudrez certes pas de le rappeler, que notre salut reconnaissant va également à nos amis d'Esso Standard qui parmi les premiers, ont su faire jaillir le pétrole de notre sol métropolitain.

Tout ce pétrole, dont la France et l'Union française sont riches,

nous le savons maintenant, c'est, je le répète, la mission de l'armement pétrolier de le transporter, et nous voulons l'assumer, s'il est possible, mieux encore que par le passé.

Nous remercions les Chantiers Wilton de nous y aider dans le même esprit de coopération qui caractérise nos longues et toujours cordiales relations. Je salue amicalement le président Van Daele qui travaille à les développer. C'est donc à la permanence de cet esprit, à la prospérité de nos compagnies respectives, et aux Pays-Bas qui nous accueillent aujourd'hui et auxquels nous attachent tant de liens sentimentaux, que je lèverai mon verre et que je vous prierai de lever le vôtre.

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