1956.04.27.De La Vie française.Article

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27 avril 1956

La Vie française

Antar-Pétroles de l'Atlantique
Le plus ancien groupe français est à la tête du progrès
Visite à Donges : Une raffinerie en expansion

« Dans une tour de Nantes, y avait un prisonnier... » Nantes, nous n'en sommes pas loin : une trentaine de kilomètres à vol d'oiseau. La tour où nous sommes montés - telle sœur Anne, mais en ascenseur ! - est celle du cracking catalytique de la raffinerie de Donges : 88 mètres au-dessus de la Loire dans laquelle, plus heureux que le héros de la chanson, nous n'aurons pas besoin de sauter. Nous nous sommes, d'ailleurs, prudemment arrêtés à mi-chemin, au septième étage.
Jetons un coup d'œil autour de nous : un pays plat, à l'exception d'une rangée de collines qui ferme l'horizon à l'ouest, nous masquant Nantes ; le calme estuaire de la Loire flanqué, vers l'est, de grêles silhouettes : les grues des chantiers navals de Saint-Nazaire. Plus près de nous, à l'appontement qui borde la raffinerie, un pétrolier arrivé la veille du Moyen-Orient, décharge son brut.
Autres images habituelles en ces lieux : des alignements de cuves brunes ou argentées, aux dimensions inégales, des forêts de tubulures. Une tache verte, l'étang artificiel qui constitue une réserve d'eau douce. Voici encore, avec leurs toits de tuiles, des maisons d'habitation enclavées au milieu des unités de distillation ; c'est une cité destinée à disparaître, tel un village africain sous une végétation équatoriale dont les lianes seraient en tubes d'acier. Rançon de l'expansion.

D'un début modeste à la classe internationale

Mais contons brièvement l'histoire des raffineries de Donges. Le tout premier acte se passe en 1917, avec l'édification d'un appontement et d'un entrepôt de réception de charbon pour le ravitaillement - déjà ! des troupes américaines.
1928, la société Les Consommateurs de pétrole décide de construire une raffinerie pour fabriquer des produits spéciaux utilisés par les chemins de fer (huiles de graissage, notamment). La raffinerie, d'une capacité de 120.000 tonnes, entre en service en 1933.
A ce moment, une autre société - Pechelbronn Ouest - filiale du groupe Pechelbronn entreprend à son tour de construire à Donges une raffinerie orientée vers la fabrication de produits blancs (essence) pour compléter l'activité des installations de Merkwiller en Alsace. En 1935, l'unité démarre avec une puissance de traitement de 180.000 tonnes par an.
Au total, donc, à la veille de la dernière guerre, Donges abrite avec l'ensemble des deux installations, une capacité de raffinage de 300.000 tonnes par an.
Juillet 1944. Donges, comme Nantes, comme Saint-Nazaire, est écrasé sous les bombes. Le bourg est anéanti ; les installations industrielles sont détruites à 50%. Mais l'activité reprend rapidement, le raffinage redémarre en janvier 1947 pour Les Consommateurs de pétrole, en janvier 1948 pour Pechelbronn-Ouest.
Nous arrivons à l'étape décisive : la fusion des deux sociétés ; Les Consommateurs de pétrole faisant apport de leurs installations à Pechelbronn-Ouest qui devient la société des Raffineries françaises de pétrole de l'Atlantique (RFPA). Objectif essentiel : la constitution sur l'estuaire de la Loire d'une raffinerie de classe internationale.
Les RFPA devaient, en 1954, à la suite de l'apport des installations de distribution de la société Antar, prendre leur nouvelle raison sociale "Antar-Pétroles de l'Atlantique".
Le renouvellement des licences d'importation de pétrole brut en octobre 1950, augmenta fortement la part des RFPA : c'est le point de départ d'une progression qui se poursuit sans interruption : 700.000 tonnes de brut traitées en 1950, 930.000 en 1951, 1.385.000 en 1952, 1.500.000 en 1953, 1.809.000 en 1954, près de 2 millions en 1955.
C'est cette expansion - et cette extension - que l'on peut, en ce printemps de 1956, constater "sur le tas".

Menhir et cracking

Première donnée : l'espace. Les installations de Donges couvrent actuellement quelque cent hectares. La disposition des lieux, entre la Loire et la voie ferrée, a entraîné un étalement en longueur. L'extension actuelle de la raffinerie fait d'ailleurs éclater ce cadre ; les nouvelles installations débordent la voie de chemin de fer. Les bombardements, nous l'avons dit, ayant pratiquement rasé l'arrière bourg de Donges, celui-ci - sage décision - à été reconstruit à quelque distance de la raffinerie, si bien que c'est sur son emplacement même que sont édifiées les nouvelles unités.
J'ai pu ainsi assister à un spectacle digne des fouilles de la Haute Égypte : des terrassiers, en creusant les fondations destinées à une tour de pré-distillation, ont mis à jour des fûts de colonnes appartenant à la vieille et monumentale église de Donges. La raffinerie possède toutefois dans son enceinte dès vestiges d'un passé beaucoup plus ancien, puisque l'on peut y admirer, soigneusement respecté par les extensions successives, l'un des plus beaux menhirs de France.
Autre aspect : les hommes. La raffinerie en emploie 1.200 environ. Notons ici, à l'actif de la productivité, que cet effectif augmente sensiblement moins que les tonnages traités à Donges. II est vrai que l'entretien des unités - l'une des servitudes les plus lourdes de l'industrie pétrolière - est effectué par des entreprises spécialisées dans cette tâche ; elles opéraient le jour de notre visite au tracking catalytique arrêté pour cause de "révision périodique". Cette solution, jugée à l'expérience plus économique, a permis de ramener le nombre des ouvriers de la raffinerie occupés aux travaux d'entretien de 180 à 170, alors que, dans le même temps, la capacité de traitement progressait de 1,3 à 2 millions de tonnes, soit de 50%.
Les travailleurs de la raffinerie se recrutent dans les environs, dans un rayon de 30 à 40 kilomètres. Le logement du personnel d'encadrement et des équipes dont la présence continue sur place est indispensable, posait un problème délicat. Le nouveau bourg de Donges dépasse déjà l'ancien en importance grâce au centre d'attraction que constitue la raffinerie, mais il ne peut manifestement accueillir toute la main-d'œuvre. La société a donc entrepris un vaste effort de construction reposant sur l'accession à la propriété, et mettant en œuvre des techniques nouvelles pour l'édification de logements économiques et familiaux.
Passons maintenant à l'activité industrielle proprement dite. Et, d'abord, d'où vient le pétrole traité à Donges ? Du Moyen-Orient pour 95%, et plus précisément d'Irak. La raffinerie reçoit également du Venezuela des tonnages limités (100.000 tonnes environ) destinés à des fabrications particulières (lubrification notamment).
L'appontement de Donges permet d'accueillir - au prix parfois de certains allégements en rade de Saint-Nazaire des pétroliers de 30.000 tonnes. La Chambre de commerce de Nantes se préoccupe, pour sa part, de faire effectuer certains dragages pour faciliter l'accès de l'estuaire de la Loire en supprimant une barre rocheuse. La raffinerie possède, actuellement deux postes d'accostage en eau profonde pour les grosses unités, un poste pour les navires moyens et un poste pour les petites embarcations. Un troisième poste en eau profonde est en voie d'aménagement.
La raffinerie consomme l'équivalent du chargement d'un gros pétrolier en trois jours, mais, bien entendu, les arrivages sont beaucoup plus discontinus, ce qui met au premier plan le problème du stockage.
Donges dispose à cet égard, d'une capacité de stockage de 400.000 mètres cubes environ, dont 130.000 pour le brut, 150 à 200.000 pour les produits finis et 70.000 pour les produits intermédiaires. Cet équipement permet de "tenir" quinze jours sans recevoir de pétrolier (délai exigé d'ailleurs par la Direction des carburants) et une semaine seulement sans expédition de produits finis. La société se préoccupe actuellement d'accroître la capacité de stockage de la raffinerie en construisant en association avec la Compagnie française des Pétroles, son principal fournisseur, cinq réservoirs de 20.000 mètres cubes chacun qui entreront prochainement en service.
Précisons que les techniciens ont étudié de très près le problème des réservoirs de manière à lutter contre l'évaporation des produits particulièrement importante l'été. La solution est celle du stockage sous pression dans des cuves à calotte sphérique (réservoirs Ri-boud), ce qui a permis de réduire les pertes de 40 à 50%.
La raffinerie ravitaille, outre l'estuaire de la Basse Loire, un arrière-pays étendu qui comprend la Bretagne, l'Anjou, le Maine, la Vendée. Elle exporte également dans l'Union française et dans l'Europe du nord.
Les expéditions s'effectuent en majorité par voie maritime ou fluviale (35% par navire et caboteur, 18% par chalands) ; la route intervient pour 12%, le rail 5%. Les 30% restant représentent les soutes de navires à l'appontement et l'évacuation par pipe-line vers un entrepôt voisin.
Dernier volet de notre description : le tableau des unités en service.
La raffinerie comporte cinq unités de distillation atmosphérique traitant au total 6.000 m3 par jour : deux unités de distillation sous vide, dont une spécialisée dans l'élaboration d'huiles de graissage ; deux unités de reforming thermique ; une unité de cracking catalytique pouvant traiter 4.000 mètres cubes par jour ; deux unités de récupération et de traitement des gaz capables de livrer par jour 250 m3 de butane et 150 m3 de propane ; diverses unités de raffinage des produits obtenus dans les unités de distillation et - nous entrons ici dans le domaine de la pétrochimie - une unité de fabrication de cumène et d'essence polymérisée (15.000 tonnes par an).
Détachons de cet ensemble l'unité de cracking catalytique entrée en service il y a près de deux ans. On sait que ces installations ont pour but d augmenter la proportion de produits blancs (essence) obtenus en distillant le pétrole brut. A la vérité, la généralisation du cracking catalytique dans les raffineries françaises, justifiée par l'augmentation de la consommation d'essence, et la politique officielle de "pénalisation" du fuel au profit du charbon, mériterait d'être reconsidérée. La conjoncture, en effet, exige des tonnages croissants à la fois de charbon et de fuel ; l'abus de la fiscalité risque, d'autre part, de peser sur la vente des carburants.
Quoi qu'il en soit, Donges monte actuellement une tour de distillation pour améliorer le rendement du cracking catalytique.

La coûteuse mystique du degré d'octane

Une nouvelle étape d'extension des installations est en cours. Sa pièce maîtresse est constituée par l'unité de reforming catalytique Houdry-Proces destinée non pas à augmenter la capacité de traitement de la raffinerie mais à valoriser toujours davantage les produits. On obtiendra ainsi de l'essence à haut degré d'octane (91 en moyenne). L'unité en question qui entrera en service dans un an, sera d'ailleurs la plus puissante en Europe ; elle sera deux fois plus importante que toute autre installation similaire en France.
Les techniciens de la société, tout en constatant qu'ils seront très bien placés dans la "course à l'octane", reconnaissent cependant que des exagérations sont commises sur ce point. Coûteuse pour le producteur comme pour le consommateur, la mystique du degré d'octane a, au surplus, pour conséquence de réduire les possibilités de la chimie du pétrole. Elle utilise, en effet, des gaz qui seraient employés plus utilement par cette dernière.
Le reforming catalytique de Donges permettra, à cet égard, d'obtenir des "aromatiques" dont on extraira dans une unité de sélection (Udex) du benzène et du toluène. Le benzène est la matière de base de la fabrication du cumène, actuellement obtenu à Donges - pour le compte de la Société Apec (Atlantique, Progil, Électrochimie) - à partir de benzène fourni par les Houillères du Nord et du Pas-de-Calais. La raffinerie pourra donc s'affranchir à l'avenir de ces livraisons. De son côté, le toluène sera expédié au service des poudres.
Dans ce domaine d'avenir que constitue la chimie du pétrole, d'autres possibilités se présentent pour Donges, telles que l'utilisation de l'hydrogène du cracking catalytique pour la fabrication éventuelle d'ammoniaque et d'engrais et la récupération du soufre contenu dans les pétroles du Moyen-Orient et qui pourrait être, par exemple, livré à l'usine Kuhlmann de Paimbœuf.
L'ensemble des nouvelles réalisations à Donges entraînera une augmentation des tonnages traités qui atteindront, dans quelques années, 2,5 à 3 millions de tonnes, niveau suffisant pour faire face à l'accroissement de la consommation.
A partir de 1960, Antar-Pétroles de l'Atlantique devra, comme les autres sociétés pétrolières françaises, reconsidérer ses objectifs en fonction des besoins du marché à cette date. Les "responsables" décideront alors soit une extension supplémentaire de la capacité de raffinage de Donges, soit une participation éventuelle à la création d'une nouvelle raffinerie sur un autre point du territoire.

Jean Choffel

Brillants résultats en 1955 Bénéfices accrus de 47%

Créée en 1933 par Pechelbronn sous le nom de Pechelbronn Ouest en vue de construire et d'exploiter la raffinerie de Donges, la société n'a cessé de voir grandir sa place dans l'industrie nationale du pétrole. Devenue Raffineries françaises des pétroles de l'Atlantique, en 1948, à la suite de la réunion de la raffinerie de Donges avec celle contiguë qu'exploitaient Les Consommateurs de Pétrole (aujourd'hui pétroles Serco), la société a porté depuis l'avant-guerre la capacité de traitement de ses installations de 200.000 tonnes par an à 2 millions de tonnes. Cette capacité de raffinage situe Antar au cinquième rang parmi les raffineurs français.
Fin 1954, la société prenait sa dénomination actuelle en adjoignant à ses exploitations de raffinage le réseau de distribution que lui apportait Antar SAEP (aujourd'hui Socantar). Cette concentration à laquelle s'ajoutaient d'importants apports des Pétroles Serco et la reprise de diverses sociétés de distribution dotait Antar-Pétroles de l'Atlantique d'une organisation industrielle et commerciale parfaitement intégrée. La société franchissait une nouvelle étape de son expansion.
Les résultats de 1955, premier exercice de gestion commune des exploitations raffinage et distribution, ont confirmé les avantages de cette concentration. Le chiffre d'affaires global d'Antar s'est élevé à près de 65 milliards.
Avant d'analyser les résultats, voyons tout d'abord quels ont été Ies développements des différentes branches d'activité.

Antar, cinquième raffineur français

Antar ne possède qu'une seule raffinerie, celle de Donges, à l'embouchure de la Loire. Donges a raffiné en 1955 1.976.000 tonnes de pétrole brut.
Les installations, comme le montre le reportage de Jean Choffel, sont très modernes. Trois autres facteurs concourront à rendre les conditions d'exploitation encore plus favorables.
1. La construction du reforming catalytique constituera pour la société un précieux facteur d'expansion.
Cette installation est, en effet, destinée à la fabrication d'essences à hauf indice d'octane et de nouveaux produits chimiques (carbures aromatiques, benzène, toluène) dont les débouchés sont très prometteurs.
2. Du fait de sa localisation géographique, la raffinerie ne rencontre aucun obstacle pour développer ses parcs de stockage. Ce facteur d'extension est important. Il assurera à la raffinerie une grande souplesse de fonctionnement à mesure que sa capacité de traitement s'accroîtra.
3. Les contrats conclus avec la Française des pétroles garantissent à la société ses besoins d'approvisionnement en brut.
Enfin, les transports maritimes depuis les ports d'embarquement du Proche-Orient sont assurés sous pavillon français et en particulier par la flotte de tankers de la Société française des transports pétroliers, filiale du groupe Worms, avec lequel Antar a des liens étroits. La SFTP est de loin le premier armateur français de tankers.
Grâce à ces atouts, Antar est donc pleinement en mesure de profiter de l'accroissement rapide de la consommation nationale en produits pétroliers.
La capacité actuelle de Donges situe la production de la société tout de suite après celles de la Française de raffinage, de Shell Berre, des Pétroles BP et d'Esso Standard. La capacité optimum pourrait être portée jusqu'à 3 millions de tonnes en 1960.
71% du pétrole brut ont été traités en 1955 pour le propre compte d'Antar dans le cadre de son droit de raffinage, 15% pour le compte de tiers dans le cadre de l'obligation Atlantique et 14% à destination de l'exportation.
La production comporte, ainsi que nous le verrons plus loin toute la gamme traditionnelle des produits raffinés. Depuis août 1955, cette gamme s'est enrichie d'une nouvelle fabrication : les asphaltes routiers. Le tonnage de 5.000 tonnes obtenu en 1955 pourra aisément être porté jusqu'à 20.000 tonnes par an.

Débouchés croissants de la pétrochimie

La récupération des gaz produits par la raffinerie a tout naturellement amené la société à s'intéresser à la chimie du pétrole. De concert avec Progil Électrochimie, filiale commune de Progil et Ugine, Antar a créé une société, Atlantique Progil-Électrochimie, dont les installations ont été intégrées dans la raffinerie de Donges. Les deux sociétés fondatrices contrôlent à part égale le capital actuel de 350 millions d'Apec. Celle-ci produit depuis août 1954 du cumène, matière première essentielle à la fabrication du phénol et de l'acétone. Cette année, Apec sortira un nouveau produit, le tétramère de propylène, destiné à alimenter l'usine de détergents synthétiques que doit mettre en service la société Pétrosynthèse. Au capital de 500 millions, cette dernière société a été constituée sous l'égide de la Compagnie française de raffinage (participation de 35%), de la société américaine Oronite Chemical (35%) et d'Apec (30%).

Progression de 20% du chiffre d'affaires au cours du 1er trimestre 1956

Le réseau de distribution Antar a reçu une forte impulsion depuis fin 1954. Comme l'indique le tableau ci-dessous, les ventes de produits blancs, de produits noirs, de lubrifiants et de gaz liquéfiés ont enregistré en 1955 des progressions supérieures à celles de la profession.
Une expansion encore sensible des ventes peut être attendue en 1956. Antar profitera, en effet, pleinement cette année de la reprise d'un certain nombre de sociétés de distribution absorbées en 1955.
On sait que la distribution des essences est encore soumise en France au régime du contingentement qui attribue aux sociétés intéressées une autorisation d'importation et de distribution. Les six sociétés qu'Antar a absorbées en 1955 lui ont permis d'accroître de 14% ses droits d'importation. Le transfert de l'autorisation d'une autre société de distribution locale est actuellement en cours de réalisation. L'intérêt de ces absorptions est double. Outre l'extension du réseau de vente, elles ont contribué à rendre plus fortes les bases du circuit de distribution. La politique commerciale d'Antar peut ainsi compter sur des contrats stables de fournitures. Précisons qu'au 1er janvier 1956 les points de vente atteignaient 3.390 unités.
La marque Antar vient aujourd'hui au sixième rang sur le marché national des ventes d'essence plus super après Shell, Esso, Total, BP et Azur.
Les ventes de supercarburant ne représentent encore qu'un faible pourcentage des ventes de carburant auto, 28,2% en 1955, alors que pour la profession tout entière, la proportion est de 36% : certaines marques comme Shell et Esso vendent même à présent plus de super que d'essence. Avec la mise en route du reforming catalytique Antar doit être en mesure de combler rapidement son retard.
La société s'est acquis une place de choix par contre sur le marché des lubrifiants et des fuel-oils. En 1955, les ventes de ces deux catégories de produits ont accusé un taux de progression supérieur à celui de la profession : 12% contre 10,5% pour les lubrifiants, 15,7% contre 10,3% pour les fuel-oils.
Signe manifeste de l'expansion du réseau de distribution, le chiffre d'affaires de cette activité est passé de 38 à 47 milliards entre 1954 et 1955, soit 23% d'augmentation. Pour les trois premiers mois de 1956 le chiffre d'affaires global d'Antar ressortait à 16.265 millions contre 13.538 millions pour le premier trimestre de 1954. Il est évident que cette progression de 20% pour le premier trimestre de 1956 reflète beaucoup plus l'essor du département distribution que celui de l'exploitation raffinage.
Nous ne saurions clore ce chapitre des activités de la société sans dire un mot du développement d'Antargaz.
Antar n'a pas d'intérêt direct dans cette société de distribution de butane et de propane qui est une filiale de Socantar. Mais Antar est le fournisseur des gaz liquéfiés commercialisés par Antargaz. La société est donc indirectement intéressée à la belle réussite d'Antargaz qui se classe aujourd'hui au troisième rang des distributeurs de gaz en bouteilles, après le réseau butagaz exploité par la société URG, filiale de la Shell anglaise, et Primagaz.

Résultats très favorables en 1955, premier exercice de fusion

Les activités de distribution ayant été prises en charge par Antar Pétroles de l'Atlantique à dater du 23 décembre 1954, l'exercice 1955 est donc le premier exercice de la société intégrée. Le bénéfice net s'est élevé à 568.806.248 francs contre 385.695.404 francs en 1954.
La progression de 47% du bénéfice net ne reflète qu'en partie l'accroissement du potentiel d'activité résultant de l'opération de concentration. Le bénéfice brut d'exploitation a en effet plus que doublé d'un exercice à l'autre, passant de 2.273 millions à 4.946 millions.
Le montant des amortissements et provisions s'est accru dans la même proportion que le bénéfice brut. Il ressort à 2.861 millions contre 1.436 millions en 1954.
Fidèle à sa politique d'Intéressement des actionnaires à là prospérité de la société, Antar répartit la plus grande partie de ses bénéfices nets. Le dividende de 410 F net va être maintenu sur un capital plus important à rémunérer.
Ce qui frappe lorsque l'on compare les deux derniers bilans de la société, c'est la sensible amélioration de la situation financière d'une année sur l'autre sans qu'il ait été besoin d'élever le capital encore fort modeste de 5.038 millions. Au surplus, Antar a obtenu cette année un crédit d'équipement d'un milliard de francs et réalisé une émission d'obligations du même montant, ressources destinées à financer ses programmes d'extension.

Appréciation modérée de l'action Antar en bourse

Il ne semble pas que le public ait réalisé toute la portée de l'opération de concentration intervenue entre Antar et les Raffineries françaises de pétrole de l'Atlantique. Depuis le début de l'année, l'action Antar a progressé d'environ 20% de 12.530 à 16.400 ; en 1955, on cotait au plus haut 16.600.
Cette appréciation modérée de la bourse se reflète dans deux données. Le rendement net du titre, 2,5%, sur la base du prochain dividende de 410 F est supérieur aux revenus offerts par les actions de sociétés similaires comme Pétrole BP et Mobiloil. Pétrole BP qui a déclaré son dividende de 1955 (300 F net) rapporte 1,6%.
Entre ces trois valeurs la comparaison des capitalisations boursières est également probante (voir le tableau ci-dessous). Il apparaît que la capitalisation boursière des 1 million 7.600 actions Antar est inférieure de moitié à la capitalisation boursière de Mobiloil, bien que cette dernière société ait raffiné et vendu moins de produits pétroliers qu'Antar en 1955.
Doit-on imputer cette réserve de la bourse au fait qu'Antar ne s'est pas intéressé jusqu'à présent à la recherche du pétrole en France et dans l'Union française ? La société, il est vrai, n'a pas demandé jusqu'à présent de permis de recherches. Mais elle s'apparente à Pechelbronn qui a pris d'importants intérêts dans deux sociétés de prospection : la Compagnie des pétroles de la Guyenne et la Française des pétroles (Gascogne).
Si donc Pechelbronn venait à bénéficier de la découverte d'un gisement il est sûr que la raffinerie de Donges en profiterait.
Quoi qu'il en soit, une affaire en pleine croissance comme Antar-Pétroles de l'Atlantique mérite que l'on s'y attache. Les encourageants résultats de 1955 permettent de bien augurer dé l'avenir. La société saura tenir haut son rang face aux grandes compagnies de pétrole d'obédience internationale.

 

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