1956.01.13.De Michel Leroy - Worms & Cie.A Louis Vignet.Brochure

Le PDF est consultable à la fin du texte.

 

[La date du 13 janvier 1956 est indiquée sur la première de couverture.]

 

A Monsieur Vignet

Cher Monsieur,

II y a quelques jours, j'évoquais devant votre personnel, certains traits de votre caractère qui ont marqué votre carrière à la Maison Worms, carrière certes longue puisqu'elle totalise 36 années dont 27 passées à la tête de notre Département.

Sans vouloir me répéter, je voudrais néanmoins, pour vos directeurs qui n'assistaient pas à cette réunion, résumer en trois phrases ce que j'exposais :

— Vous avez, tel un artiste, créé et façonné la direction générale de notre Département.

— Vous nous avez donné le meilleur de vous-même.

— Vous avez suscité au sein de notre Département, l'esprit d'équipe.

Puisque ce soir nous sommes entre nous, je voudrais, laissant parler mon cœur, rappeler certains autres traits de votre personnalité, au risque même de vous faire rougir.

Nul mieux que vous, Cher Monsieur, n'a incarné le mot « servir », ce mot qu'aujourd'hui tout le monde revendique et met fort rarement ou si mal en pratique.

Que ce soit au cours de vos années passées à la Maison Worms ou à la tête de nos organisations syndicales, ce mot a été votre guide, votre devise. Vous l'avez tellement vécu, mis en pratique dans votre vie quotidienne, que tous étant entraînés, étaient obligés de vous suivre, ou, s'ils étaient parfois de mauvaise foi — et je vise par là certains de nos confrères —, obligés de s'incliner devant vos décisions.

Si vous avez pu agir ainsi, Cher Monsieur, c'est que vous aviez la foi,

— foi dans le charbon,

— foi dans notre métier d'importateur,

— foi dans un combustible, qui, bien qu'étant sujet à de nombreuses vicissitudes, reste et demeurera toujours notre activité principale,

— foi qui se trouve aujourd'hui récompensée : alors que tout laissait à penser que l'importation était sur son déclin, un brusque retournement de la situation vous permettait ces jours derniers, d'augurer que l'année 1956 verrait à nouveau des tonnages importants de charbon arriver dans nos ports.

Que dirais-je enfin de votre sollicitude : qu'elle a été de tous les instants et le plus souvent ignorée de tous, car alliée à une discrétion sans égal.

Au hasard, j'en prendrai quelques exemples dans un passé pas très éloigné et qui concerne une période pénible : celle de l'occupation.

Votre intervention osée et non sans danger pour vous, pour « dédouaner » un de vos directeurs parmi nous ce soir, alors qu'il venait d'être arrêté par les Allemands.

Vos démarches répétées pour faire libérer des camps de prisonniers, deux autres de nos collègues, également ici ce soir.

Vos efforts de tous les jours et votre refus d'obtempérer aux ukases allemands pour que votre personnel ne soit pas envoyé au Service du travail obligatoire.

S'il fallait résumer en un seul mot tous les traits de votre caractère, je dirai que vous avez été un Chef, un grand Chef.

Quel honneur pour nous, mes Chers Amis, d'avoir pu servir sous les ordres d'un tel homme.

Vos directeurs, Cher Monsieur, non seulement ceux qui sont réunis autour de vous ce soir — mais encore ceux qui n'ont pu se joindre à nous (je veux parler de MM. Lecreux, Mc Ewen, Tomlinson) — vos directeurs, dis-je, voulant vous manifester leur attachement et leur reconnaissance, ont pensé qu'il vous serait agréable de recevoir un souvenir tangible de leur part.

Il s'agit d'une pièce d'argenterie : la voici. A volonté, elle peut, tel Frégoli, être utilisée comme panetière, coupe à fruits ou jardinière. Coïncidence sans doute, mais coïncidence heureuse, cette pièce porte des armoiries représentant un pélican donnant à manger à ses petits.

Sans vouloir tomber dans le mélodrame, ou vous réciter le poème d'Alfred de Musset, je crois, Cher Monsieur, que ces armes illustrent scrupuleusement ce que vous avez été pour nous tous : un père bienveillant, toujours sur la brèche, n'ayant qu'une pensée : nous inculquer ce que nous devions être, ce que nous devions faire.

Je vous remercie, Chère Madame, d'avoir bien voulu être des nôtres ce soir. Vous-même et Monsieur Vignet êtes l'image d'un couple très uni. Il était donc juste que vous soyiez associée à cette petite fête de famille et que vous sachiez publiquement ce que nous pensons tous de votre mari.

Avant d'en terminer, je voudrais vous faire remarquer, Chers Amis, que je me suis bien gardé de prononcer ce soir le mot de retraite. C'est à dessein, car pour moi, ce mot sonne mal : il est le synonyme d'adieu.

Or, ce n'est qu'un au-revoir que je voudrais vous dire, Cher Monsieur, sachant par avance que je réponds aux vœux unanimes de ceux qui vous entourent ce soir.

Puisque vous allez pouvoir enfin profiter de votre liberté et découvrir, m'avez-vous dit, la France, sachez — au cas ou cela serait sorti de votre mémoire — que vos succursales et filiales sont installées dans un grand nombre de ports. Si vos voyages vous amènent ainsi que Madame Vignet dans ces régions, soyez certains que tous vos directeurs seront toujours heureux de vous accueillir et de vous manifester leur attachement.

Mes Chers Amis, je vous propose de lever notre verre à la santé de Madame Vignet et de notre directeur général ; j'y ajouterai en mon nom personnel et aux vôtres à tous, mes remerciements pour ce qu'il a réalisé pour notre maison et fait pour nous tous.

Michel Leroy

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