1951.06.27.De Hypolite Worms.Discours

Copie

Le PDF est consultable à la fin du document.

Monsieur l'Ambassadeur, Mesdames, Messieurs.

On parle beaucoup en ce moment de coopération européenne, et ce n'est pas nous qui le regretterons, bien au contraire. Mais en scrutant les possibilités d'avenir de notre continent, ne sommes-nous pas parfois amenés à sous-estimer ce qui existe déjà comme coopération concrète entre les peuples.
Une cérémonie comme celle d'aujourd'hui est le meilleur exemple que, sans manifestations bruyantes, des liens économiques se tissent entre les nations, et que, pour une part, les problèmes qui sont l'objet d'examens théoriques et de controverses politiques, se résolvent dans les faits.
Le magnifique bateau qui a été mis à l'eau aujourd'hui va venir renforcer la flotte de la Société française de transports pétroliers, dont j'ai l'honneur de présider le conseil d'administration. Cette Société est une société d'économie mixte, c'est-à-dire qu'elle associe dans sa gestion l'État et les armateurs privés, chacun y jouant son rôle et y remplissant sa mission dans le plein respect des droits des autres, et dans le plein exercice des responsabilités contractuellement acceptées.
Pour cette Société française, à la fois publique et privée, c’est un chantier hollandais qui a conçu et réalisé le pétrolier "Orléanais", comme il construira, dans les mois à venir, le "Camargue" et le "Poitou". Qu'on le prenne comme on le voudra, cet acte n'est rien d'autre qu'un geste de coopération économique entre l'économie française et l'économie néerlandaise.
Nous sommes venus en Hollande parce que nous avons pu, plus vite et plus économiquement qu'ailleurs, construire les bateaux dont la France a le plus urgent besoin, pour son développement industriel, comme pour sa défense nationale. Nous avons fait travailler l'industrie des Pays-Bas, pour pouvoir mieux, demain, faire travailler celle de la France. Nous avons noué de nouveaux liens entre l'économie de nos deux pays, et nous pensons ainsi avoir aidé, dans la mesure de nos forces et de nos moyens, à cette interpénétration progressive des activités européennes qui a certes besoin, pour s'effectuer, des lumières de la politique, mais qui sera d'autant plus réalisable que tous ceux qui le peuvent l'auront fait lentement avancer.
Notre présence en Hollande nous ravit d'autant plus que nous nous sentons beaucoup d'affinités avec nos constructeurs.

Fondés en 1854, les Chantiers Wilton sont quasi-centenaires. Et pourtant ils appartiennent toujours à leurs fondateurs, et ceux qui les dirigent et Ies animent aujourd'hui, descendants directs de ceux qui les ont créés au siècle dernier, y maintiennent toutes les traditions qui ont fait leur réputation. Au meilleur et au vrai sens du terme, cette maison centenaire est demeurée une maison de famille, et nous n'hésiterons pas à dire que là est sans doute un des secrets de sa prospérité.
Si j'ai tenu à m'arrêter sur ce caractère des chantiers Wilton, c’est parce que je ne puis oublier qu'en dehors des fonctions que j'assume à la Société française de transports pétroliers, j'en assume d'autres, à la tête d'une maison fondée par mon grand-père en 1848, maison dont nous avons fêté le centenaire il y a quelques années, et qui a gardé, elle aussi, cette marque familiale.

II me reste à dire maintenant le plaisir particulier des Français qui sont ici, à se trouver aux Pays-Bas. Depuis le Moyen Âge, l'histoire de nos deux peuples est parallèle, elle a toujours été faite de compréhension réciproque, et bien peu nombreuses sont les années au cours desquelles ils se sont opposés. Au contraire, innombrables sont les circonstances dans lesquelles les deux pays ont été unis pour le meilleur de leur activité.
S'il est vrai que les Français sont les fils spirituels de Descartes, comment oublier que Descartes a vécu aux Pays-Bas les années les plus fécondes de sa vie intellectuelle ?

C'est précisément parce que vous êtes, Monsieur l'Ambassadeur, le lien vivant entre la France et la Hollande, que je tiens à vous exprimer, avec nos remerciements pour votre présence, notre hommage reconnaissant pour l'œuvre que vous accomplissez ici. Je vous prie également de bien vouloir être notre interprète auprès de Monsieur Gaston Defferre, ministre de la Marine marchande. Je sais qu'il avait vivement souhaité être parmi nous, dans ce pays ami, si accueillant. Les événements politiques ne le lui ont pas permis, et nous interdisent par là même de lui dire directement notre gratitude pour la sollicitude qu'il témoigne a la Marine marchande française.

Je ne puis songer, en terminant ces quelques mots, à remercier toutes les hautes personnalités hollandaises et françaises qui honorent cette cérémonie de leur présence, pas plus que tous ceux qui ont conçu et construit le pétrolier qui nous réunit, et tous ceux qui auront demain la charge de le diriger. Mais, en levant mon verre à la prospérité de nos deux pays, je les associerai dans tous mes vœux et mes pensées, dans l'espérance de revenir bientôt, pour d'autres cérémonies pacifiques du genre de celle-ci, les seules manifestations internationales qui soient sans amertume, parce qu'elles ne sont que sources de vie et que génératrices de travail créateur.

[Note manuscrite : Deuxième rédaction au cas où l’ambassadeur ne viendrait pas.]

Nous aurions été particulièrement heureux d'avoir à nos côtés, dans ces Pays-Bas accueillants et amis, Monsieur Gaston Defferre, ministre de la Marine marchande. Il l'aurait lui-même désiré.
Mais les événements politiques français l’ont empêché de mettre à exécution son projet. Son absence ne m'interdira toutefois pas de rappeler la gratitude que lui vous l'armement français, à raison des efforts qu'il déploie pour qu'il se développe et se fortifie.
Je ne puis songer, en terminant ces quelques mots, à remercier toutes les hautes personnalités hollandaises et françaises qui honorent cette cérémonie de leur présence, pas plus que tous ceux qui ont conçu et construit le pétrolier qui nous réunit, et tous ceux qui auront demain la charge de le diriger. Mais, en levant mon verre à la prospérité de nos deux pays, je les associerai tous dans mes vœux et mes pensées, dans l'espérance de revenir bientôt, pour d’autres cérémonies pacifiques du genre de celle-ci, les seules manifestations internationales qui soient sans amertume, parce qu'elles ne sont que sources de vie et que génératrices de travail créateur.

 

 

 
 
 


 

 

Retour aux archives de 1951