1947.08.13.De Hypolite Worms.Paris.A Raymond Meynial.Var.Original

Original

Le PDF est consultable à la fin du texte. 

[Papier en tête Worms & Cie]

45, boulevard Haussmann
Paris, le 13 août 1947

Mon cher Raymond,
J'ai bien reçu votre lettre du 9 qui ne m'est parvenue que ce matin.
Celle de Dulles n'ajoute rien à ce que j'avais compris puisque j'avais reçu directement de chez vous sa lettre du 6 août au Professeur Langer, dont je vous remets une copie, dans laquelle il lui faisait part de sa réaction sur les modifications proposées.
Je vais maintenant vous mettre au courant de ce que j'ai fait :

1° - Le 11 août j'ai écrit à Dulles la lettre dont je vous remets copie pour lui renvoyer la deuxième épreuve du mémorandum avec toutes les modifications désirées par nous. J'y ai joint l'état que vous aviez préparé pour expliquer les modifications suggérées, mais que j'avais refait car la lecture du texte m'avait inspiré toute une série de changements, changements qui, du reste, étaient plus de forme que de fonds et sur lesquels je ne pense pas qu'il puisse y avoir de difficultés à les faire adopter par l'auteur.
J'ai mis quelques jours à faire ce travail, c'est pour cela qu'il n'est parti que le 11, car au début de la semaine j'ai été un peu bousculé au bureau et le travail était minutieux.

2° - J'envoie aujourd'hui une nouvelle lettre à Dulles, dont je vous remets également la copie, cette lettre étant destinée à répondre aux suggestions du Professeur Langer sur les modifications à apporter à son état.
Je pense que vous serez d'accord avec moi, qu'il n'y avait lieu de discuter que les paragraphes nous concernant mais, à ce propos, les modifications suggérées par le Professeur Langer étaient totalement insuffisantes.
Comme vous le verrez par ma lettre, non seulement il laissait subsister certains "foot-notes" qui devenaient incompréhensibles, mais il avait oublié de faire disparaître dans l'index, à une exception près, toutes références à notre Maison et aux membres du gouvernement dont la liste était donnée aux pages 168 et 169 et dont les noms à l'index ne doivent plus figurer puisque la suppression des paragraphes incriminés les fait disparaître du texte même, sans cela l'index serait incompréhensible.
J'ai demandé quelque chose de plus. Ma lettre vous éclairera du reste à ce sujet.
En effet, les paragraphes nous concernant sont bien supprimés suivant la proposition du professeur Langer mais toutes les attaques contre Pucheu d'une part et, plus loin, contre les éléments de la collaboration qui entouraient Darlan, répètent inlassablement "banks" et "banking interests". Or, bien que j'aie considéré ne pas pouvoir demander de modifications aux attaques contre Pucheu malgré leur violence outrée et leur inélégance à l'adresse d'un homme qui est mort, je ne peux tout de même pas laisser passer cette insistance sur ses relations et celles de Darlan avec les intérêts bancaires car, pour tout homme qui lirait cela en France ou en Angleterre, mais surtout en France, ce serait une allusion lumineuse à notre Maison puisque Pucheu dirigeait Japy et que nous sommes les banquiers de Japy.
J'ai cru devoir en même temps préciser, dans l'intérêt même du professeur Langer, qu'il était ridicule de citer les banques comme les promoteurs de la collaboration.
Je pense que vous m'approuverez et j'espère que cela ne retardera pas le règlement final de nos affaires que je souhaite comme vous rapide.
Du reste, l'opération doit se faire en deux parties d'une part, la mise au point définitive du mémorandum signé par nous et contre-signé par le professeur Langer qui - une lettre, datée du 6 août qu'il adressait à Dulles et dont inclus copie l'annonce - a donné son accord sur le paragraphe le visant et préparé par notre avocat ; d'autre part, la mise au point des corrections proposées par le professeur Langer et sur laquelle maintenant Dulles va pouvoir travailler.
Je reviens maintenant à l'affaire Morgan. Je vous remercie de la lettre de Whitney qui ne fait en somme que paraphraser celle que nous avons reçue officiellement de la Maison Morgan.
Je dois vous dire que dès mon retour à Paris, c'est-à-dire mardi il y a huit jours, je suis allé voir Jay pour le remercier et c'était le jour où nous avions reçu la lettre dont copie lui avait été adressée, il y a fait tout de suite allusion et de sa propre initiative, il m'a dit qu'il la regrettait, qu'il ne voyait pas les choses de la même façon que sa Maison de New York, qu'il espérait que..., etc.
Là-dessus, nous avons parlé de la situation en général et sommes tombés d'accord sur la nécessité qu'il y avait pour l'Amérique à s'occuper de la France, préalablement à tous les accords Marshall.
Ceci dit, je ne crois rien pouvoir leur demander de plus. J'ai l'impression du reste que ce serait peine perdue car, en l'espèce, les décisions viennent de New York et, après avoir examiné la situation ici, je suis arrivé à cette conclusion qu'il fallait purement et simplement faire ce que Morgan nous demandait, c'est-à-dire finir les opérations de crédits documentaires avec eux pour le 1er octobre.
J'ajouterai que j'estime qu'il faudrait, dès que possible, les réduire vis-à-vis des autres banques, même si cela devait diminuer l'activité de nos succursales nord-africaines dans ce sens.
Nous pouvons absolument nous passer de la ligne de crédit de Morgan : pour ce qui concerne les importations de marchandises, il n'y a qu'à faire des opérations au comptant, par conséquent sans risques ni nécessité de crédits documentaires puisque le change sera provisionné au comptant et à l'avance. Quant aux opérations de machines, pour lesquelles les crédits documentaires sont nécessaires, il n'y a qu'à les limiter, d'abord en écartant les demandes de ceux qui ne sont pas nos clients et en ne donnant qu'à nos clients réguliers, pour cela nos autres correspondants suffisent.
J'en ai parlé longuement avec Brocard et avec Guérin qui sont entièrement d'accord.
Parce que de deux choses l'une, ou la France et l'Amérique n'arriveront pas à se mettre d'accord tout de suite, dans les mois qui viennent, et avant le plan Marshall, alors c'est la catastrophe et on ne paiera plus : dans ces conditions il vaut mieux que nous ne soyons engagés qu'au minimum et que, plus particulièrement, nous n'ayons aucun engagement avec les Morgan dont l'amitié nous est précieuse ; ou bien, les choses s'arrangeront, alors à ce moment les Morgan eux-mêmes rouvriront les vannes et nous pourrons recommencer à aller de l'avant.
Je vous envie, mais dois dire que nous n'avons pas trop à nous plaindre car le temps s'est sensiblement rafraîchi depuis huit jours et la vie à Paris y est possible. Je compte toujours partir pour Venise le 4 septembre.
Affectueusement à vous,

Hypo

Monsieur R. Meynial Auberge Provençale - Le Rayol
(Var)


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