1945.12.31.De Gaston Bernard.Au juge Thirion.Rapport d'expertise.Pages 189 à 242

 

Document correspondant aux pages 189 à 242 (cf. table des matières) du rapport de Gaston Bernard, expert-comptable près la Cour d'appel de Paris et le Tribunal de première instance de la Seine, rapport adressé à Georges Thirion, juge d'instruction à la Cour de justice de la Seine, et concernant l'"Affaire Ministère public contre Hypolite Worms et Gabriel Le Roy Ladurie".
Le PDF est consultable à la fin du texte.

Section II
Département "Services maritimes"

Ce département de la Maison Worms & Cie a été créé en 1854 et s'est spécialisé dans l'exploitation de lignes de cabotage entre les ports français, d'une part, et entre les ports français et les ports espagnols, anglais, belges, hollandais, allemands et de la mer Baltique d'autre part.
La flotte gérée par ce département représentait en 1936, 31.259 tonnes de jauge brute sur un tonnage total français de 2.800.000 tonnes.
À la veille de la guerre, l'exploitation comportait quatre branches d'activité essentielles :
- l'armement maritime
- la manutention de navires
- la consignation des navires
- le transit
De plus, un petit atelier de réparation assurait au Havre l'entretien de la flotte de Worms & Cie.
Enfin, dans les principaux ports de la métropole et d'Afrique du Nord, les succursales étaient spécialisées dans la consignation et la manutention des navires.
Il est à noter dès l'abord que les branches consignation de navires et transit ont vu leur activité bien ralentie par la guerre et si elles n'ont pas été totalement inactives pendant les quatre années d'occupation, du moins n'ont-elles eu, d'après les renseignements figurant au dossier, aucune relation avec les allemands, que ce soit dans la métropole ou en Afrique du Nord.
Leur étude ne serait donc pas susceptible d'offrir un intérêt dans le cadre de la présente affaire.
En ce qui concerne les deux autres branches Armement et Manutention et l'activité de l'atelier de réparations du Havre, il a été procédé à l'examen des conditions dans lesquelles l'exploitation s'est déroulée sous l'occupation.

I - Étude de l'activité déployée sous l'occupation par les branches armement maritime et manutention de navires - Conditions dans lesquelles sont intervenues les réquisitions allemandes - Activité de l'atelier de réparation du Havre de 1940 à 1944

A - Armement maritime
A la veille de la guerre, la flotte de la maison Worms comptait vingt-quatre bâtiments dont le nom, la jauge et la date de construction, sont présentés en tableau reproduit ci-après :

Situation de la flotte Worms au début des hostilités

Navires

Jauge brute
Tonneaux de 2m3 83

Année de construction

"Barsac"

1.049,81

1923

"Cérons"

1.049,81

1923

"Léoville"

1.049,81

1922

"Listrac"

777,81

1907

"Médoc"

1.167,11

1930

"Pessac"

775,35

1907

"Pomerol"

1.167,11

1930

"Sauternes"

1.049,81

1922

"Bidassoa"

558,19

1901

"Margaux"

1.462,85

1912

"Normanville"

1.802,82

1921

"Caudebec"

1.471,40

1910

"Château-Larose"

2.046,82

1930

"Château-Latour"

1.912,64

1916

"Château-Palmer"

1.911,86

1914

"Château-Pavie"

2.046,82

1930

"Château-Yquem"

2.535,53

1925

"Fronsac"

517,81

1906

"Jumièges"

1.707,52

1913

"Le-Trait"

1.157,97

1934

"Lussac"

1.586,23

1922

"Mérignac"

796,92

1929

"Pontet-Canet"

1.176,27

1912

"La-Mailleraye"

490,37

1917

a) Situation de la flotte
Lors de la déclaration de guerre et dans le cadre de la législation en vigueur en temps de guerre, vingt-trois bâtiments de cette flotte cessèrent d'être exploités librement par la Maison Worms & Cie et se sont trouvés sous l'un des régimes suivants :
1 - Affrètement par les Transports maritimes
La situation de ces navires était alors régie par la charte-partie pour l'affrètement des navires de commerce en application des articles 20 et 21 de la loi du 11 juillet 1938 et par le contrat de gérance. Ces deux textes n'étaient pas définitifs lors de leur entrée en vigueur effective. Ils ne furent homologués qu'à Vichy le 15 septembre 1940.
Ceci revient à dire que, dès septembre 1939, fut mis en vigueur un régime juridique fondé sur un projet de texte qui ne reçut force de loi qu'en septembre 1940, c'est-à-dire après l'armistice.
De ces textes il résultait que l'armateur devait entretenir des navires, les armer et payer le personnel, mais que l'exploitation devait en être dirigée par la Direction des transports maritimes dépendant du gouvernement français, toute décision de principe étant passée par cette dernière.
Les navires soumis à ce régime furent :
"Bidassoa", "Château-Latour", "Caudebec", "Château-Palmer", "Château-Larose", "Château-Yquem", "Fronsac", "Jumièges", "Le-Trait", "Lussac", "Margaux", "Mérignac", "Normanville", "Château-Pavie", "Pontet-Canet"
2 - Réquisitionnés militarisés
Les autres navires placés sous ce régime ont été remis coque nue à la Marine militaire, qui a mis à bord son personnel, a fait sur le navire toutes les transformations estimées utiles et a donné tous les ordres d'utilisation. L'armateur a cessé, pour ces navires, d'avoir une action quelconque et a perdu tout contact avec eux.
Les navires placés au début de la guerre sous ce régime sont les suivants :
"Barsac", "Cérons", "Léoville", "Listrac", "Médoc", "Pessac", "Pomerol", "Sauternes"
3 - Réquisitionnés non militarisés
Lorsque la Marine militaire avait, au cours de la guerre, besoin de navires de transport, elle réquisitionnait sans les militariser des navires affrétés par les transporte maritimes. Cette mesure était temporaire. Le navire et l'équipage passaient à la disposition complète de la Marine militaire qui donnait au navire tous les ordres de quelque nature que ce soit, l'armateur se bornant à payer et entretenir l'équipage et le navire en parfait état de navigabilité.
Qu'elle qu'ait été la situation des navires, de la flotte Worms, entre celles précédemment indiquées, toutes initiatives pour leur emploi, revenaient suivant les cas, tantôt à la Direction des transports maritimes tantôt à la Marine militaire.
Seule "La-Mailleraye" resta librement à la disposition de la liaison Worms en raison de son faible tonnage (490,37 tonneaux).
Telle était la situation de la flotte Worms au début de la guerre.

b) Situation de la flotte Worms sous l'occupation
Durant les six premiers mois de l'année 1940 deux navires furent perdus :
- le "Barsac", perdu au large de Vigo, le 7 janvier 1940,
- le "Cérons", coulé au large de Veules-les-Roses le 12 juin 1940.
A la date de l'armistice, la flotte Worms et Cie ne comptait donc plus que vingt-deux navires dont neuf se trouvaient dans les ports anglais et furent réquisitionnés par les autorités britanniques.
Ce sont : "Léoville", "Listrac", "Médoc", "Pessac", "Normanville", "Pomerol", "Sauternes", "Bidassoa", "Margaux"
Ces bâtiments naviguèrent pendant toute l'occupation pour les alliés et il n'en sera plus fait mention dans la suite de cet exposé.
Sur les treize bâtiments restants, six ont navigué en Méditerranée depuis juillet 1940, et un, surpris à Bordeaux par l'armistice, et non réquisitionné par les allemands, passé en Méditerranée an avril 1941.
Ces sept bâtiments sont restés durant toute la guerre sous le régime de la charte-partie et du contrat de gérance ci-dessus expliqué et ont navigué sur les ordres du gouvernement français. Ce sont : "Fronsac", "Château-Pavie", "Caudebec", "Château-Yquem", "Château-Larose", "Jumièges", "Château-Latour".
Il est à noter que, parmi ces unités,
- d'une part, "Château-Yquem" fut perdu le 8 janvier 1942 au large des Baléares. "Jumièges" fut coulé le 27 juillet 1943 au large d'Ajaccio,
- d'autre part, lors du débarquement allié de novembre 1942 en Afrique du Nord, trois des bâtiments précités passèrent sous le contrôle des Forces françaises libres. Ce sont : "Château-Latour", "Château-Pavie", "Caudebec",
- enfin "Château-Larose" fut désigné le 29 juillet 1943 par les Transports maritimes pour assurer le ravitaillement de la Corse en remplacement de "Château-Yquem", torpillé à sa sortie d'Ajaccio deux jours plus tôt.
M. Émo, directeur des Services maritimes de la Maison Worms & Cie a dit, au cours de sa déposition du 7 décembre 1944 devant vous-même, M. le juge d'instruction, avoir « reçu mission de M. Worms d'aller trouver le capitaine et de lui faire comprendre qu'il devait tout faire pour que son bateau ne rentre pas dans la métropole, même au prix d'avaries graves ».
Le rapport du commandant Dassie, commandant "Château-Larose", corrobore ses dires. Ce rapport comporte notamment le passage suivant :
« Au cours du chargement à Marseille, le 3 août 1943, je reçus la visite à bord de M. L Émo, directeur général des Services maritimes, et de M. Bouteloup, directeur des Services maritimes. En la présence de ce dernier, M. Émo me fit la déclaration suivante : M. Worms que je viens de voir m'a chargé de vous dire ceci : "Quoi que vous fassiez au cours des voyages que vous allez entreprendre, nous ne vous reprocherons rien. " M. Émo ajouta, pour préciser : "Lorsque vous jugerez le moment favorable, s'il vous faut provoquer une avarie même grave telle qu'un échouage par exemple, il ne vous sera rien reproché." C'était me dire, du moins je l'ai interprété ainsi, étant donné que mes désirs secrets étaient connus de notre direction, si vous avez une occasion de libérer le navire, soit en l'immobilisant en Corse, soit en le conduisant dans un port allié, même s'il y a de gros risques matériels à courir. »
M. Worms avait donc, semble-t-il, l'intention de faire "immobiliser" "Château-Larose" à Ajaccio ou de le faire conduire dans un port allié. En réalité, "Château-Larose" rentra à Marseille sans que le commandant ait pu mettre à exécution la consigne qu'il avait reçue de M. Worms.
Il fut réquisitionné par les allemands en août 1944 et coulé par ceux-ci dans le port de Marseille.
Les autres bâtiments de la flotte Worms & Cie furent surpris par l'armistice à Bordeaux et furent réquisitionnés par les allemands.
Il s'agit des bateaux suivants :
- "Château-Palmer", réquisitionné le 8 août 1940
- "Le-Trait", réquisitionné le 27 août 1940
- "Pontet-Canet", réquisitionné le 1er septembre 1940
- "La-Mailleraye", réquisitionné le 27 février 1940 [sic]
- "Mérignac", réquisitionné le 17 mars 1940 [sic]
- "Lussac", réquisitionné le 22 mai 1942
Le "Lussac" ne fut réquisitionné qu'en 1942 parce qu'ayant subi des avaries graves lors du bombardement de Bordeaux le 8 décembre 1940. Il ne fut qu'à cette époque en état de reprendre la mer.
La réquisition de ces bâtiments qui, à l'exception de "La-Mailleraye" étaient sous le contrôle des Transports maritimes, était signifiée à l'armateur Worms par lettre-type. C'est ainsi que pour la réquisition du "Pontet-Canet" l'avis débutait comme suit :
(Traduction ) "Objet : Votre navire "Pontet-Canet". La marine de guerre allemande a pris en charge le navire nommé en tête, en l'état, à partir du 1er septembre 1940 et pour sa propre utilisation. La marine de guerre allemande fixe la durée de réquisition."
Bien que la réquisition ait été notifiée à l'armateur, à la suite de négociations entre le Comité central des armateurs de France et le ministère de la Marine, les navires ont continué à être régis en ce qui concerne les indemnités de réquisition par la charte-partie et les armateurs ont reçu des Transports maritimes une fraction de l'indemnité d'affrètement prévue à cette charte. Par contre, la lettre du 25 février 1941, adressée par le contre-amiral Auphan au Comité central des armateurs de France, et dont le texte est repris en entier en annexe au présent rapport[1] témoigne que l'indemnité reçue des allemands devait être intégralement reversée à la Direction des transports maritimes.
En vertu de cette lettre, la Maison Worms ainsi que d'ailleurs les autres armateurs, a reversé aux Transports maritimes, l'intégralité des indemnités de réquisition qu'elle a reçue des allemands, pour les navires soumis à la charte-partie, quel qu'en ait été le montant.
En contrepartie, les Transports maritimes ont continué à servir aux armateurs (dont la Maison Worms & Cie) les indemnités calculées au tarif résultant de la charte-partie, que celui-ci donnât lieu à un chiffre supérieur ou inférieur à l'indemnité allemande.
La Maison Worms semble avoir alors poursuivi un double but :
- obtenir de la Direction des transports maritimes qu'elle demande la réquisition des navires réquisitionnés par les allemands,
- obtenir de la même direction que tous les navires dont cette dernière dirigeait l'exploitation partent pour l'Afrique du Nord et la Méditerranée où ils semblaient devoir être plus en sûreté.
Ceci résulte d'un ensemble de documents versés tant au dossier de l'information que de l'expertise.
Ainsi la direction des Transports maritimes obtint des autorités allemandes, le 10 janvier 1941, la levée de réquisition du "Le-Trait" sous le prétexte d'effectuer une modification de la chaudière, modification qui ne put être réalisée.
A la suite également de l'intervention de la Maison Worms, la direction des Transports maritimes obtint la déréquisition du "Pontet-Canet". Le contrat s'y rapportant[2] est signé d'un représentant des Transports maritimes français. Il est en date du 4 mars 1941.
Parallèlement à ces efforts une lettre du 22 janvier 1941[3] émanant de Worms à Paris et adressée à Worms, direction générale des Services maritimes à Nantes, témoigne que le siège social de la Maison Worms ayant appris à cette époque, que la direction des Transports maritimes envisageait la possibilité d'envoyer en Afrique du lord quelques-uns des navires immobilisés à Bordeaux, prescrivit à sa succursale de donner immédiatement satisfaction aux instructions de la Marine.
M. Bouteloup, sous-directeur du département Services maritimes fut chargé, semble-t-il, de faire démarches sur démarches auprès du secrétariat d'État à la Marine de Vichy, et à Paris. Selon une note du 18 mars 1941[4] la Maison aurait envisagé de faire lever la réquisition de "Mérignac" et "La-Mailleraye".
Sur ce point les démarches furent infructueuses mais il apparaît que le principal obstacle opposé par la direction des Transports maritimes au départ vers l'Afrique du Nord des navires immobilisés à Bordeaux tenait au manque de charbon de soute.
II résulte des lettres et notes des 26, 27 et 29 mars 1941[5] émanant tant de la Maison Worms à Paris que de sa succursale de Bordeaux que ladite Maison Worms s'est employée à faire fournir les soutes nécessaires pour le départ des navires pour lesquels l'autorisation de quitter Bordeaux avait été obtenue. Elle a insisté auprès des Transports maritimes pour que les départs ne soient pas différés.
Quoi qu'il en soit, le "Ponsac" [sic] partit pour la Méditerranée dans le courant de mars 1941. Quant à "Pontet-Canet" et "Le-Trait", ils partirent sur Casablanca le 2 avril 1941. Il a été dit précédemment, lors du débarquement allié en Afrique du Nord, que plusieurs navires sous contrôle des Transporte maritimes étaient passés sous celui des Forces françaises libres. Il est à noter qu'un des bâtiments déréquisitionnés, "Le-Trait", fut joint à eux.
Des trois unités restant alors sous le contrôle de la direction des Transports maritimes, deux furent cédés aux allemands en vertu des accords dits "Laval-Kauffmann" qui mettait la flotte française de la Méditerranée à la disposition de l'ennemi à l'exclusion de 50.000 tonnes[6].
La Maison Worms & Cie fut complètement étrangère à ces accords et aux pourparlers qui ont présidé au choix des navires marchands cédés à l'ennemi. Notification de ces accords fut faite à la Maison Worms sous la forme de procès-verbaux de cessation de gérance d'exploitation, en date du 12 et 15 décembre 1942. Le texte de l'un d'eux est, à titre d'exemple, reproduit intégralement en annexe au présent rapport[7]. Dans ce procès-verbal, signé de Worms & Cie et du chef du service local des Transports maritimes de Marseille, il était dit que le navire cessait d'être géré par Worms & Cie et était remis à l'État. Les autorités d'occupation n'étaient pas mentionnées dans ce document.
Les deux bâtiments qui furent l'objet de ces tractations sont "Fronsac" et "Pontet-Canet".
Il est rappelé que la seule unité restée à la disposition des Transports maritimes, le "Château-Larose" fut coulée en août 1944 par les allemands dans le port de Marseille.

B - Manutention de navires
Comme manutentionnaire, la Maison Worms & Cie n'a travaillé pour les allemands que dans sa succursale de Bordeaux, les allemands s'étant particulièrement intéressés aux avantages que leur offrait ce port en raison de la proximité des minerais espagnols, et des moyens de réexpédition.

Dès 1939, les entreprises de manutention assimilées aux services publics et sous contrôle direct du Port autonome dont elles utilisaient obligatoirement l'outillage, avaient été réquisitionnées avec la main-d'?uvre docker.
Profitant de cette situation, les allemands ont dès leur arrivée, utilisé les entreprises de manutention pour leurs propres opérations et ce, sans que ces entreprises, parmi lesquelles se trouvait la Maison Worms, aient eu la possibilité de se dérober. Ceci résulte d'une attestation datée du 2 mars 1945 et émanant du Syndicat des entrepreneurs de manutention du port de Bordeaux.
Au surplus, M. Worms a déclaré que sa Maison avait subi une pression particulière de la part des allemands. Il a indiqué que cette pression avait été particulièrement forte en raison de la présence du commissaire allemand dans les bureaux de Paris (ce qui lui permettait de renouveler ses injonctions sans avoir besoin d'écrire) et de l'intérêt personnel que les transitaires allemands avaient à faire réaliser le déchargement de minerai espagnol à Bordeaux. Ce déchargement de minerai, qui, commencé le 16 mars 1942, se poursuivit de façon intermittente pendant 2 ans, fut d'ailleurs, le seul travail que la Maison Worms exécuta pour le compte d'une maison allemande.
Aux dires de M. Émo, directeur général du département Services maritimes, il s'agissait d'un travail qui ne fut pas rémunérateur pour la succursale de Bordeaux. L'importance de cette opération sera chiffrée à propos de l'examen comptable.

C - Activité de l'atelier de réparations au Havre
La maison Worms & Cie possédait au Havre, dès avant la guerre, un petit atelier de réparations qui assurait l'entretien de ses propres navires. Cet atelier détruit en 1940, fut reconstitué en 1941 pour occuper le personnel.
Dès son arrivée au Havre, la Marine allemande décida de faire exécuter par les différents constructeurs et réparateurs, la remise en état de ses navires de guerre et de marine marchande.
La Maison Worms a déclaré n'avoir pu éviter complètement l'exécution de petites réparations sur l'ordre de l'ennemi. Des renseignements recueillis, il résulte que cette exécution ne fut pas jugée satisfaisante ce qui a amené une grave tension entre la Maison Worms et la Kriegsmarine.
Au début de 1944, considérant que la Maison Worms ne leur donnait pas satisfaction, les dirigeants de la Kriegsmarine décidèrent de lui retirer la conduite du travail et de prendre eux-mêmes en main l'atelier de réparations.
Pour éviter cette mesure, la Maison Worms fit des propositions d'aménagement des conditions de travail. Mais, par leur lettre du 15 mars 1945 [?], la Kriegsmarine opéra la réquisition de l'atelier et des installations y compris le magasin et son contenu. En outre, la Kriegsmarine prit la direction effective du personnel et du travail interdisant même aux représentants de la Maison Worms l'accès de l'atelier.
La direction de la Maison Worms a fait observer que, d'ailleurs, en raison de l'évolution de la situation militaire, la réquisition de son atelier au Havre n'avait pas donné à la Kriegsmarine un grand avantage mais que, par contre, cette réquisition avait évité aux ouvriers la déportation dont ils avaient été menacés.
Les résultats obtenus par la Maison Worms pendant l'occupation dans le cadre de l'exploitation de son atelier du Havre (exploitation libre, puis réquisition) sera chiffré à propos de l'examen comptable.
Il y a lieu enfin de mentionner que d'autres succursales de la Maison Worms (Brest, Rouen, Dunkerque) ont eu pendant des périodes plus ou moins longues leurs locaux occupée par l'armée allemande. Pendant ces périodes, le personnel des succursales restait totalement inactif et continuait à figurer sur les rôles de la Maison. Ceci constituait des charges sans contrepartie qui se sont répercutées sur les résultats.
De l'exposé qui précède, il résulte essentiellement que sur les vingt-deux navires qui constituaient la flotte de la Maison Worms à la date de l'armistice franco-allemand de juin 1940, seul le [sous-marin] "La-Mailleraye", le plus petit de tous, restait à la libre disposition de ladite Maison Worms.
En effet, les autres unités, comme d'ailleurs la plupart des navires marchands français, avaient été, dès le début de la guerre, - soit affrétés par la direction des Transports maritimes sous le régime de charte-partie et d'un contrat de gérance dont les modalités ne furent définitivement établies qu'en septembre 1940, - soit réquisitionnés par la marine militaire française.
Sous l'un ou l'autre de ces deux régimes, la Maison Worms n'était que le gérant technique de ses navires, tandis que l'initiative de leur emploi revenait suivant le cas à la direction des Transports maritimes ou à la Marine militaire française.
C'est dans ces conditions, que, lors de l'armistice de juin 1940, neuf des unités de la flotte Worms se trouvaient dans les ports anglais et furent réquisitionnés par les autorités britanniques.
Pendant l'occupation allemande, six des unités stationnées dans les ports français furent réquisitionnées par les autorités d'occupation. Deux d'entre elles furent réquisitionnées les 18 janvier 1941 et 4 mars 1941, sur l'intervention de la Maison Worms auprès de la direction des Transports maritimes qui obtint elle-même cette mesure.
L'un des bateaux ainsi libéré passa sous le contrôle des Forces françaises libres lors du débarquement allié du 9 novembre 1942 en Afrique du Nord. Trois autres bâtiments, non réquisitionnés, mais affrétés par les Transports maritimes, et qui se trouvaient en Afrique du Nord à la même époque, naviguèrent ensuite également pour le compte des Forces françaises libres.
En décembre 1943, deux navires furent cédés à l'Allemagne en vertu des accords dits "Laval-Kauffmann". La maison Worms fut étrangère à ces négociations et n'en fut avisée qu'après la signature du procès-verbal de cessation de gérance au profit de l'État français.
Deux des bâtiments restants ayant été coulés les 8 janvier 1942 et 7 juillet 1943, le seul navire qui était encore à la disposition des Transports maritimes fut coulé à son tour par les allemands dans le port de Marseille en août 1944.
En bref, la situation de la flotte Worms sous l'occupation peut être établie comme suit :
- Navires stationnés dans les ports anglais dès l'armistice et ayant navigué pendant toute l'occupation sous contrôle britannique : 9
- Navires ayant servi les Forces françaises libres après novembre 1942 : 4
- Navires cédés à l'Allemagne en décembre 1942 en vertu des accord "Laval-Kauffmann" : 2
- Navires affrétés par les Transports maritimes et coulés en 1942 et 1943 : 2
- Navire coulé par les allemands en août 1944 : 1
- Navires réquisitionnés par les allemands et restés sous leur contrôle depuis la date de réquisition jusqu'à la Libération : 4
ce qui représente un total de 22 navires composant l'effectif de la flotte Worms durant l'occupation.
Il est à noter qu'un navire seulement "La-Mailleraye" était à la libre disposition de la Maison Worms ; il figure parmi les navires réquisitionnés et restés sous contrôle allemand jusqu'à la Libération. Il n'a donc été utilisé par l'ennemi que sous la contrainte née de la réquisition et la Maison Worms ne paraît pas devoir être responsable de l'aide qu'il a pu apporter à l'ennemi.
Il doit être ajouté que, sur réquisition et sur ordre formel du commissaire allemand, Von Falkenhausen, la succursale Worms & Cie de Bordeaux dut accepter des allemands un travail de déchargement de minerais.
En outre, un petit atelier de réparations appartenant à la société Worms au Havre effectua quelques travaux pour les allemands et fut ensuite réquisitionné par eux.
Enfin, certaines succursales de la Maison Worms ont eu leurs locaux occupés par l'armée allemande pendant des périodes plus ou moins longues.

II - Examen comptable relatif au département Services maritimes

L'examen qui va suivre comporte essentiellement deux parties :
- d'une part, une étude des indemnités d'affrètement et de réquisitions perçues par le département Services maritimes de la Maison Worms pendant l'occupation et notamment de celles qui ont rémunéré des réquisitions ou des travaux effectués pour compte allemand,
- d'autre part, une étude sommaire des comptes de pertes et profits des résultats et de la situation financière dudit département durant les exercices 1940 à 1944.

A - Étude des indemnités d'affrètement et de réquisitions perçues par le département Services maritimes pendant l'occupation
La flotte Worms ayant été placée sous le contrôle du gouvernement français, exception faite de son plus petit navire "La-Mailleraye" les revenus du département Services maritimes ont été constitués pour la quasi-totalité depuis cette date par des indemnités d'affrètement et de réquisitions.
Il est à noter d'ailleurs, ainsi qu'il a été dit précédemment, que des indemnités ont été perçues dans des conditions prévues tant dans la charte-partie que dans le contrat de gérance du 15 septembre 1940 et versées par le gouvernement français même lorsqu'il s'agissait de navires réquisitionnés par les allemands.
Il a été néanmoins procédé à une ventilation des indemnités d'affrètement et de réquisitions touchées par la Maison Worms et Cie durant la période d'occupation.
Cette ventilation permet de déterminer sur bâtiment les indemnités provenant des réquisitions allemandes, d'une part, et globalement celles provenant des différentes mesures prises par le gouvernement français, d'autre part.
Ce travail est présenté dans le tableau représenté ci-après :
[Voir PDF, pages 216-217-218.]

Le tableau qui précède appelle les remarques suivantes :
1°- le montant des indemnités annuelles par bâtiment réquisitionné par les allemands ne comprend que le montant des indemnités perçues pour le temps où le navire se trouvait sous réquisition allemande. C'est ainsi que pour "Le-Trait" et "Pontet-Canet", aucune somme ne figure au titre des années 1942, 1943 et 1944 puisqu'ils furent déréquisitionnés en 1941.
Revenus à cette dernière date sous le contrôle des transports maritimes, les indemnités d'affrètement des années 1942, 1943 et 1944 relatives à ces deux navires ont été incluses dans les indemnités de provenance française.
2°- Les indemnités provenant de navires réquisitionnés par les allemands ont représenté :
- en 1940 - 0,85% environ des indemnités totales
- en 1941 - 6,90% environ des indemnités totales
- en 1942 - 5,80% environ des indemnités totales
- en 1943 - 11,20% environ des indemnités totales
- en 1944 - 15,80% environ des indemnités totales
L'ensemble de ces indemnités pour réquisition allemande pendant l'occupation a représenté 7,7% environ du total des indemnités perçues.

B - Résultats obtenus par le département Services maritimes durant l'occupation dudit département pendant la même période
Comme il a été indiqué au cours de l'exposé qui a précédé l'examen comptable proprement dit, le département Services maritimes de la Maison Worms comporte :
- d'une part, l'exploitation des lignes de cabotage assurées par la flotte Worms,
- d'autre part, des opérations de manutention, de transit et de consignation effectuées par les succursales.
Il a été dit également que les succursales n'avaient eu aucune relation importante avec les allemands - à l'exception de celle de Bordeaux, occupée au déchargement de minerai espagnol pour l'autorité occupante.
L'étude qui va suivre a donc pour but :
- d'une part, de déterminer les résultats obtenus par les Services maritimes, tant en ce qui concerne l'exploitation des lignes que le déchargement de minerai espagnol et la réquisition de l'atelier du Havre,
- d'autre part, de dire qu'elle a été la situation financière dudit département sous l'occupation.

a - Résultats obtenus par le département Services maritimes sous l'occupation allemande
Le dépouillement et le regroupement des divers postes figurant aux comptes de pertes & profits des exercices 1938 à 1944 ont permis de dresser le tableau comparatif ci-après reproduit :
[Voir PDF, pages 222 à 225.]

L'examen du tableau qui précède permet de constater que les bénéfices bruts provenant de l'exploitation des lignes durant la période de 1938 à 1944, s'établissent comme suit :

Exercice 1938 - 466.801.61
Exercice 1939 - 936.242.39
Exercice 1940 - 27.200.309.25
Exercice 1941 - 18.382.053.49
Exercice 1942 - 26.570.055082
Exercice 1943 - 30.951.325.08
Exercice 1944 - 21.047.602.53
Ces bénéfices bruts sont faibles en 1938 et 1939. Ils représentent, en effet, une moyenne annuelle de F 500.000 environ. Ce sont des résultats de l'activité privée des lignes, étant donné les conditions très particulières dans lesquelles s'est poursuivie l'exploitation dès le début de la guerre, ils ne sont pas susceptibles de servir de base utile de comparaison.
Les exercices durant lesquels les navires de la flotte Worms se trouvèrent sous le régime de réquisition ou d'affrètement par l'État, présentent, au contraire, des résultats bruts très importants d'une moyenne annuelle approximative de F 20.000.000.
Il semble donc que la réquisition ou l'affrètement par l'État aient été une source de profit pour la Maison Worms, mais il est à noter que les indemnités touchées pour les navires réquisitionnés par les allemands n'ont atteint qu'une faible proportion des indemnités totales.
Si l'on admet que les charges d'exploitation engagées par les Services maritimes ont été proportionnellement les mêmes pour les navires sous contrôle français et sous contrôle allemand, les bénéfices bruts résultant des réquisitions allemandes peuvent, en appliquant les pourcentages dégagées page 219, s'établir comme suit :
- pour l'exercice 1940 - 0.85% soit F 231.202
- pour l'exercice 1941 - 6.90% soit F 1.268.361
- pour l'exercice 1942 - 5.80% soit F1.541.060
- pour l'exercice 1943 - 11.20% soit F 3.466.547
- pour l'exercice 1944 - 15.80% soit F 3.325.500
ce qui représente un total de F 9.832.670
En appliquant la pourcentage d'ensemble dégagé page 219 pour toute la période d'occupation, soit 7.7%, le chiffre de bénéfice brut allemand ressort à F 9.559.650.
On peut donc dire que le bénéfice brut qui a résulté pour la Maison Worms des réquisitions allemandes de navires à été au minimum de F 9.559.650 et au maximum de F 9.832.670.
Les résultats nets ressortant du tableau de la page 222 ont été obtenus en tenant compte de l'influence sur les résultats bruts des diverses charges ou profits groupés sous les rubriques frais généraux, amortissements, pertes et profits divers et intérêt et au sujet desquels les remarques suivantes peuvent être faites :
1°- Les pertes et profits portées au crédit du compte de pertes et profits comprennent :
- des rentrées sur créances amorties,
- des réintégrations de provisions devenues disponibles dans les exercices 1938 à 1942,
- des reliquats de l'aide officielle d'État à l'armement libre,
- des commissions pour services techniques rendus à d'autres compagnies de navigation françaises.
Le montant de ces profits divers a représenté pendant l'occupation, un montant faible par rapport aux résultats nets. Ils concernent exclusivement des opérations effectuées avec des français.
2°- Le poste intérêts comprend des intérêts servis par le département bancaire de la même maison Worms. C'est donc une opération purement intérieure qui, si elle influe sur les résultats de chacun des départements, n'est pas susceptible de modifier les résultats d'ensemble de la société Worms & Cie.
3°- Les provisions diverses constituées de 1940 à 1944 et non employées ont formé un total de :
- pour les lignes : 27.197.336.61
- pour les succursales : 11.049.776.22
En ajoutant les provisions employées pendant la même période soit 1.938.827.28,
on aboutit au total de 40.185.940.11
qui représente la totalité des provisions constituées par les Services maritimes de la société Worms & Cie de 1940 à 1944.
Au bilan de 31 décembre 1944 [dressé à titre provisoire] ces provisions figuraient, en effet, pour un total de F 54.385.194.31 alors que le bilan au 31 août 1939, elles formaient seulement F 16.138.081.48, différence égale au total des provisions constituées et non employées pendant la période en cause. Cet accroissement en cours de la période de guerre correspond essentiellement :

a - Au retard dans les travaux d'entretien et de réparation des navires de la flotte. Les circonstances n'ayant pas permis de procéder aux réparations annuelles, aux grosses réparations et aux travaux exigés par la reclassification périodique des unités par ailleurs soumises, sans ménagement, à un dur service, la Maison Worms a dû constituer, au titre de l'entretien et des réparations différées, les provisions prévues par la réglementation fiscale en vigueur.
Ces provisions, qui se montent au 31 décembre 1944 à F 16.835.396.60 s'appliquent à dix navires. Si l'on tient compte que les seules réparations du vapeur "Caudebec" à Casablanca, du 26 mai au 4 juillet 1944, ont coûté F 2.743.969.85 en se limitant aux seuls travaux urgents (carénage, visite de l'arbre porte-hélice, retubage des chaudières, et?.) en dehors de toutes réparations d'avaries, et sans embrasser tout ce qu'il aurait été nécessaire d'exécuter pour une remise en état complète et correcte, il est d'ailleurs possible que les provisions susvisées ne suffisent pas à couvrir les dépenses de réparations différées pour lesdits bateaux restants, postérieurement au 31 décembre 1944.

b - A une rectification à concurrence de F 10.028.009 des montants d'indemnités portés en recettes de la Marine nationale et de la direction des Transports maritimes pour réquisition de navires par l'État.
La Maison Worms a crédité à pertes et profits le total brut de ces indemnités qui lui étaient allouées, mais elle a porté à une provision pour rectification d'indemnités les 23% qu'elle était astreinte à reverser à l'État sur les navires perdus. C'est ainsi que F 9.093.528 de la susdite provision du 31 décembre 1944 correspondent aux navires suivants :
"Listrac"
"Médoc"
"Sauternes"
"Pontet-Canet"
"Fronsac"
"Château-Palmer"
"Lussac"
"Mérignac"
considérés comme perdus pendant qu'ils étaient hors du contrôle de la société.
Le surplus, soit F 934.681 représente des indemnités portées au crédit de pertes et profits, au 30 septembre 1940, mais qui n'ont pu jusqu'à présent être encaissées des Transports maritimes.

c - A des créances irrécouvrables sur l'Allemagne à concurrence de F 7.995.341.40, créances dont le recouvrement est aléatoire. Ces créances concernent des factures et réquisitions laissées impayées et s'appliquent principalement au vapeur "La-Mailleraye", perdu, et accessoirement aux opérations imposées à la succursale de Bordeaux.
d - Aux avoirs et créances compromis du fait de la guerre, en pays étrangers, pour F 1.885.839.86.
e - Enfin, à des litiges liés principalement aux opérations et aux circonstances de guerre, notamment à un litige pour manutentions maritimes à Brest antérieures à l'invasion allemande de 1940. La provision constituée de ce chef a été de F 3.441.153.25.
Les autres postes des comptes de pertes et profits n'appellent aucune remarque particulière.
Les résultats nets du département Services maritimes, tant en ce qui concerne l'exploitation des lignes que celle des succursales peuvent donc être récapitulés comme suit :
Tableau
[Voir PDF, page 234.]

Le tableau qui précède fait ressortir que les lignes furent déficitaires pendant les années 1938 et 1939 pour un montant de F 8.021.353.51 tandis que pendant la même période, les bénéfices des succursales ont atteint 18.578.251.05.
Pendant l'occupation, au contraire, les lignes accusent un bénéfice de F 73.780.847.87 tandis que les succursales ont perdu F 19.231.584.97. Cela tient au fait que durant la période considérée les Services maritimes ont reçu des indemnités importantes de réquisition et d'affrètement alors que les succursales, dont l'activité consistait essentiellement en des opérations de transit et de manutention de navires, sont restées en sommeil, tout en supportant de grosses charges.
Il a été dit précédemment que seule la succursale de Bordeaux avait dû décharger pendant deux ans du minerai espagnol pour le compte des allemands.
Des recherches effectuées, il résulte que ces opérations de déchargement ont été facturées par Worms aux transitaires allemands Haeger et Schmidt pour les montants suivants :
En 1942 - 3.787.395.85
En 1943 - 3.831.529.30
En 1944 - 5.656.431.10
13.275.356.25 au total
Ces opérations ont abouti à un déficit d'exploitation de F 2.685.344 à augmenter de la créance laissée impayée à Haeger et Schmidt pour F 535.341.40, soit au total une perte sur opérations allemandes à Bordeaux de F 3.220.685.40.
Par ailleurs, l'atelier de réparations du Havre, réquisitionné en 1944, ainsi qu'il a été dit précédemment, a réalisé de 1940 à 1944 avec les allemands les chiffres d'affaires suivants :

- 1940, 1941

   

F 320

- 1941, 1942

   

F 556.744.60

- en 1943

   

F 412.389.60

- en 1944

Travaux

Indemnité de réquisition à partir du 1er avril

F 67.654,05

F 386.581.60



454.235.65

soit au total

   

1.423.689.85.

Les opérations allemandes représentées par ce total sont traduites par une perte nette de F 798.526 sur une perte nette totale pour l'atelier de F 2.9176.563.62.
La direction de la Maison Worms a déclaré que cette perte importante était due à l'inertie opposée à l'exécution des commandes allemandes, inertie qui interdisait la réalisation des bénéfices, laquelle ne peut être obtenue que pour une exploitation active.
Ainsi, les deux seules catégories d'opérations d'importance appréciable effectuées par les succursales de la Maison Worms pour les allemands (déchargement de minerai et réparations) ont abouti à une perte de F 4.019.211.40 (3.220.685.40 + 798.526).
Par ailleurs, les charges improductives supportées par les succursales de Brest, Rouen, Dunkerque, etc. pendant les périodes ou leurs locaux étaient occupés par l'armée allemande ont occasionné une perte nette de F 7.558.804.
Il en résulte que l'ensemble des résultats imputables au secteur allemand (travaux et occupation de locaux ) s'est soldé pour les succursales par une perte nette totale de F 11.578.015.40.
Il y a lieu cependant de remarquer que ce chiffre important n'est obtenu que parce qu'il a été imputé aux opérations allemandes, les frais notamment du personnel que la Maison Worms n'a pas pu ou n'a pas cru devoir supprimer pendant que ces succursales étaient contraintes à l'inactivité.
La perte sur les opérations proprement dites se limite aux F 4.019.211.40.
En ce qui concerne les lignes, la comptabilité ne permet pas de déterminer directement quelle part de bénéfice net provient des réquisitions allemandes. De plus, l'application des pourcentages établis proportionnellement au montant des indemnités perçues est concevable en ce qui concerne les bénéfices bruts. Elle donnerait pour les bénéfices nets des résultats faussés par la présence de nouveaux éléments tels que les révisions et les intérêts, dont la ventilation entre secteur allemand et secteur français a peu de lien commun avec la part d'indemnités perçues par la Maison Worms dans chaque secteur.
Néanmoins, cette méthode est susceptible de donner un chiffre qui peut être retenu à titre simplement indicatif et sans présenter un caractère d'exactitude mathématique.
En appliquant aux bénéfices nets lignes le pourcentage de 7.70% dégagé page 219, la part provenant des réquisitions allemandes atteint environ F 5.670.000.
Les résultats nets tirés par le département Services maritimes des opérations et des réquisitions pour compte allemand, s'établissent comme suit :
- bénéfice net lignes - F 5.670.000
- perte brute succursales (sous réserves de la remarque formulée plus haut page 238) F 11.578.015
soit un total de 5.908.015
Si l'on tient aucun compte de la perte provenant de la seule occupation par les allemands des locaux de diverses succursales, les opérations du secteur allemand se soldent par un bénéfice net de F 1.650.789 (5.670.000 - 4.019.211) qui, sur un bénéfice net total de F 54.459.262.89 réalisé par les Services maritimes de la Maison Worms pendant l'occupation, représente un pourcentage de 3% environ.

b) Situation financière du département Services maritimes pendant l'occupation
L'examen des principaux postes des bilans des exercices 1940 à 1944 permet de présenter les remarques suivantes :
1 - Le poste immobilisations comprend indépendamment des bâtiments des succursales et des installations dans les ports, les vingt-quatre navires de charge qui composent la flotte. Ce poste de F 58.101.643.87 a atteint F 58.247.444.57 en 1941. Il a décru en 1942 pour passer à F 57.281.373.58 à F 53.726.917.03 en 1943 et à F 52.555.648.38 à fin 1944.
2 - L'ensemble des postes portefeuille titres, stocks et approvisionnements, correspondants divers et débiteurs divers, constituant les valeurs réalisables a marqué une dépression durant les exercices 1941, 1942 et 1943. En effet, il figure au bilan en 1940 pour F 58.386.377.43, en 1941 pour F 41.309.100.80, en 1942 pour F 14.968.609.59 et en 1943 pour 33.406.299.39 au 31 décembre 1944 cependant, les valeurs réalisables atteignaient F 65.515.492.94 à la suite d'une augmentation massive des débiteurs divers à cette date. Ceci semblerait correspondre au fait que le versement des indemnités de réquisition, régulier durant l'occupation a subi un retard, du fait des événements d'août 1944.
3 - Les postes de caisses et banques montrent, pendant l'occupation, une certaine stabilité. En effet, leur montant est passé de F 3.882.387.60 au 30 septembre 1940 à F 1.679.796.85 en 1941, puis à F 661.343.26 en 1942 et à F 1.463.803.68 en 1943, pour atteindre F 3.255.793.73 en 1944, soit un montant comparable à celui du 30 septembre 1940.
Cependant, il y a lieu de mentionner, que les sommes importantes disponibles du fait du versement des indemnités de réquisition ont permis aux Services maritimes d'avancer au département bancaire de la Maison Worms des fonds qui, de F 4.411.068.8O en 1940, sont passés à 8.951.758.97 en 1944, pour atteindre F 69.114.744.70 au 31 décembre 1942 et retomber en 1943 à F 31.795.732.20 et à F 12.636.365.88 à fin 1944.
4 - Au passif il est à noter que la dotation est passée de F 20.000.000 en 1940, 1941, et 1942 à F 5.000.000 en 1943.
La somme dénommée dotation figurant au bilan de chacun des départements de la société Worms & Cie, correspond au compte capital mais n'a aucune valeur juridique particulière.
C'est un compte d'ordre intérieur dont la contrepartie est portée à l'actif du bilan du siège social.
5 - Enfin, les provisions ont fait l'objet d'une étude spéciale à l'occasion de l'examen des comptes de pertes et profits.

 

[1] Pièce annexe n°39.

[2] Texte intégral au présent rapport sous le n°40.

[3] Pièce annexe n°41.

[4] Pièce annexe n°42.

[5] Pièces annexes n°43, 44, 45, 46 et 47.

[6] Pièce annexe n°48.

[7] Pièce annexe n°49.

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