1931.11.13.Au président du Conseil des ministres

NB : La copie image de ce document (photocopie) n'a pas été conservée.

[Ajout manuscrit :] Note remise au président du Conseil des ministres

13 novembre 1931

Note sur les contingentements des charbons

Le contingentement des charbons a pour but essentiel la sauvegarde des houillères françaises, mais il est permis de supposer que les Pouvoirs publics ont, en même temps, le désir et la préoccupation que cette mesure de restriction pèse le moins lourdement possible sur ceux qui, en France, sont appelés à en supporter les effets. Que faut-il pour cela ? Que les tonnages restreints de combustibles étrangers laissés à la dispositions des consommateurs français soient composés, d'une part des sortes dont ils ont réellement besoin, d'autre part de celles dont l'importation gêne le moins les mines françaises. Il serait vain d'espérer que ce résultat serait atteint si on s'en remettait entièrement aux producteurs étrangers de l'application du régime des licences.
C'est pourtant la voie dangereuse dans laquelle s'est engagée la direction des Mines et seule, l'absence d'une organisation adéquate en Grande-Bretagne semble l'avoir empêchée de la suivre jusqu'au bout. Dès la promulgation du décret du 16 juillet, et sans que les intérêts français aient pu être utilement consultés, les producteurs allemands, hollandais, belges se voyaient attribuer la répartition des licences sur lesquelles la direction des Mines peut encore, par l'intermédiaire de l'administration des douanes, exercer un contrôle quantitatif, mais nullement qualitatif. Aussitôt, la Belgique, pour ne prendre que cet exemple typique, s'est empressée d'envoyer, en France, des charbons industriels qu'elle vend mal chez elle et dont les mines françaises sont, elles-mêmes, encombrées, et de garder ses charbons de foyers domestiques dont le marché parisien ne peut se passer. Que l'hiver se fasse tant soit peur rigoureux et on verra les conséquences.
Les Hollandais, de leur côté, envoient sur le littoral des cargaisons d'agglomérés qui n'y venaient jamais auparavant et les vendent au détriment des fabricants d'agglomérés des ports français, industrie employant une main d'oeuvre digne d'intérêt.
Le Syndicat de le Ruhr détient: les licences allemandes ; un régime spécial mixte, sauvegardant dans une certaine mesure les intérêts français, a été appliqué à la Pologne.
Enfin, la Grande-Bretagne qui est, de beaucoup notre plus gros fournisseur de combustibles, n'ayant pas paru en mesure de faire fonctionner le système de façon satisfaisante entre ses différents bassins, les licences anglaises sont restées entre les mains de la direction des Mines, qui les repartit au prorata des situations acquises au cours des dernières années. De cette façon, les intéressés : consommateurs, industriels, services publics, importateurs professionnels, peuvent importer dans le cadre du contingentement, les charbons répondant exactement à leurs besoins ou à ceux de leur clientèle. C'est uniquement pour cela que le contingentement a pu fonctionner jusqu'à présent sans trop de heurts. Mais la Grande-Bretagne se plaint d'être l'objet d'un régime d'exception et réclame la libre disposition des licences. Si on les lui accordait, c'en serait fini de la sélection et de la concurrence que peuvent encore faire jouer les consommateurs français. Le contingentement sombrerait dans une démonstration par l'absurde.
Si les Pouvoirs publics veulent qu'il protège, avec le maximum d'efficacité, la production nationale, en lésant le moins possible ceux des consommateurs que cette production ne peut pas ravitailler ; si, comme il est permis de le supposer, les intérêts du contribuable français, en l'espèce le commerce et l'industrie du littoral, les préoccupent davantage que ceux des producteurs étrangers ; s'ils ont, enfin, le désir de placer ces derniers sur un pied d'égalité, il faut non pas qu'ils dessaisissent la direction des Mines des licences dont elle a encore le contrôle, mais que celle-ci récupère les prérogatives qui ont été abandonnées à la production étrangère.
La direction des Mines, instruite par une expérience de 3 mois, est parfaitement capable d'appliquer aux combustibles de toutes provenances le régime des licences qu'elle applique à la Grande-Bretagne. C'est une question d'organisation qu'elle peut mettre sur pied sans difficultés avec le concours de quelques techniciens et des groupements professionnels. Si, au contraire, on accédait aux demandes britanniques, ce serait mettre des monopoles de fait entre les mains de syndicats étrangers qui vendraient, en France, les charbons qu'ils voudraient, aux prix qu'ils voudraient. Le gouvernement français n'a certainement pas voulu cela en décrétant le contingentement des importations, qui impose déjà à toute une partie de la consommation française, un lourd tribut en empêchant le libre jeu de la concurrence.

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