1876.01.10.De F. Mallet et Cie.Le Havre.Au ministre des Finances.Paris

Retranscription

Le PDF est consultable à la fin du texte.

Le Havre, le 10 janvier 1876
Monsieur le ministre des Finances
En son hôtel - Paris

Monsieur le ministre,
La Compagnie générale transatlantique a été fondée dans le but de créer des services entre la France et les pays d'outre-mer.
C'est évidemment dans cet ordre d'idées que l'État a traité avec elle en lui accordant de larges subventions. Il n'a pu entrer dans l'esprit du gouvernement que cette Compagnie pourrait appliquer d'une manière détournée une partie de cette subvention pour faire concurrence aux armateurs particuliers exploitant des lignes au grand et au petit cabotage.
C'est cependant, Monsieur le ministre, ce qui a lieu en ce moment. La Compagnie générale transatlantique annonce qu'elle vient d'installer un service côtier à des dates régulières entre Hambourg, Rotterdam, Le Havre, Saint-Nazaire, Bordeaux et Santander. Le prétexte de cette création est de relier ses lignes de New York et des Antilles avec les ports ci-dessus énumérés. Nous disons : le prétexte, par ce que sur tous ces points il existe des services à vapeur que la Compagnie n'a jamais utilisés que d'une manière insignifiante malgré les frets réduits concédés par tout le monde en sa faveur. Son but réel est de faire le cabotage, de prendre des marchandises à fret pour chacun des ports de son parcours côtier et d'écraser, si possible, toutes les lignes actuellement existantes et qui ont été installées par des armateurs particuliers à leurs risques et périls.
Si les subventions allouées par l'État ne créaient pas à la Compagnie une situation exceptionnelle, elle ne pourrait agir comme elle compte le faire, les lignes côtières ne pouvant que lui laisser de la perte. Mais comme il lui est facile de reporter sur ce service une portion de l'énorme subvention qu'elle reçoit, elle a ainsi une force qu'elle n'aurait pas autrement.
En subventionnant la Compagnie générale transatlantique, l'État n'a eu en vue que d'ouvrir au commerce des relations lointaines et de lui faciliter ses rapports avec les pays d'outre-mer. Il n'a pu entrer dans l'esprit de personne que la Compagnie abusant de sa situation privilégiée, viendrait dans un moment donné, faire concurrence aux navires sous pavillon français faisant le simple cabotage.
Que la Compagnie renonce à sa subvention et elle sera libre alors de faire ce qu'elle voudra. Mais, aussi longtemps qu'elle réclamera, et aura l'aide de l'État, nous croyons fermement qu'elle n'a pas le droit de nous causer un pareil préjudice.
Nous avons organisé depuis 18 ans des services réguliers à vapeur entre Bordeaux, Le Havre et Hambourg, et vice-versa. Nous pouvons dire qu'il n'existe pas de lignes au cabotage mieux faites que les nôtres. Nous n'avons reculé devant aucun sacrifice pour en arriver là. Nos steamers sont montés par près de 200 hommes d'équipage tant pour le bord que pour la machine. Nous en appelons à votre haute impartialité et à votre justice, Monsieur le ministre, pour faire comprendre à la Compagnie générale transatlantique que les subventions de l'État ne sauraient avoir pour but de permettre à la Compagnie de créer une pareille concurrence à des lignes au cabotage battant pavillon français et dont l'existence remonte à une date antérieure à la création même de la Compagnie générale transatlantique.
Recevez, Monsieur le ministre, l'assurance de notre parfaite considération.

Mallet


Retour aux archives de 1876