1859.05.21.A Emile Pereire.Paris

Origine : Copies de lettres à la presse n°131 - du 18 mai 1859 au 4 juin 1859

Paris, le 21 mai 1859
Monsieur Émile Pereire
En ville

Monsieur,
Vous m'avez demandé, Monsieur, de vous exposer mes idées sur la nature des opérations que pourrait faire à Gênes une maison puissamment appuyée.
Il est difficile de préciser, mais l'idée générale est que la présence d'une armée et de deux flottes, celle de l'Etat et celle du commerce, a déterminé déjà et continuera à déterminer des besoins énormes, de toute nature, dans un pays comparativement restreint, et que le rapprochement de l'ennemi empêche de profiter facilement des ressources des territoires voisins. Les victuailles de toute espèce, les vins, les eaux de vie, les farines, fourrages et les bestiaux seront l'objet de la demande la plus considérable et toujours renouvelée.
On pourrait donc, ou aborder directement ces fournitures, ou en faciliter, avec discernement, l'exécution à d'autres fournisseurs qui déjà ont pris les devants. Ces opérations, seules, présentent déjà une grande importance et une source convenable de bénéfices.
Des steamers de transport, attachés à l'opération générale, en rendraient l'exécution plus facile et avantageuse, et permettraient d'aller rapidement sur les côtes de France, d'Algérie et d'Espagne, chercher toutes choses dont manqueraient à Gênes notre armée et notre flotte.
Comme dans tous pays soit nouveaux, soit bouleversés par des événements énormes et subits, l'argent jouerait aussi un grand rôle à Gênes. Il y aurait à faire des avances sur ces marchandises, des frets à solder, de nouveaux frets à procurer à une foule de navires, des avances à faire à des capitaines soit en espèces, soit en traites sur Londres ou Paris.
C'est en vue de ces opérations spéciales mais habituelles à ma maison depuis 10 ans, que j'ai lancé une circulaire en France et en Angleterre. J'ai tout espoir raisonnable qu'elle doit m'amener des affaires.
En outre, j'ai écrit en Algérie à des amis bien posés. Je ne tarderai pas à recevoir de ce côté, ou des propositions d'affaires, ou du moins des renseignements utiles.
Comme moyens d'exécution, et pour surveiller et diriger toutes affaires, au lieu d'une agence que j'avais à Gênes depuis 15 mois, j'y ai établi ma maison sous mon nom. Elle est gérée par mon ancien agent, M. Muston, et je lui ai adjoint Ed. Pannifex, homme dont la réputation est faite dans le commerce de Paris.
Ces deux Messieurs méritent toute confiance et possèdent l'expérience requise pour toutes affaires commerciales.
Telles sont, Monsieur, mes idées et mes moyens. Je ne puis vous fournir d'autres détails et vous sentirez comme moi que l'on ne peut rien préciser à l'avance. Mais il est évident que Gênes présente en ce moment et pour longtemps probablement un vaste champ d'affaire, et je suis convaincu que, avec des ressources importantes assurées, on doit pouvoir l'exploiter d'une manière fructueuse sans courir de trop grands risques.
Veuillez agréer...

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