1944.12.14.De Hypolite Worms.Fresnes.A Raymond Meynial et Robert Labbé.Original

Original

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14.12.44

Note pour Robert Labbé et Raymond Meynial

J'ai bien reçu la note de Robert du 12 décembre et je m'aperçois que je n'ai jamais répondu à la question qu'il m'avait posée après une conversation avec Francis Fabre au sujet des relations d'agence : Worms - Chargeurs - Messageries dans un papier qui date d'il y a pas (mal) de temps et que, du reste, je n'arrive pas à retrouver.
En fait si j'ai bonne mémoire les C. R. nous demandaient de leur abandonner l'agence des M. M. à Bordeaux, en échange de quoi ils comprenaient Marseille (avec permanence dans nos bureaux d'un de leurs représentants du service technique) leur agence de Rouen (qui est un verre vide) et la totalité de leurs affaires [à] Port-Saïd. De plus il était question de consolider l'agence de la Havraise entre les mains des M. M. à Madagascar.
Je crois nécessaire de scinder en deux les questions pendantes avec les C. R. D'une part Worms et d'autre part Havraise.

Worms d'abord. Je crains en effet [qu'il soit] difficile de refuser d'abandonner l'agence de Bordeaux des M. M. aux C.R. qui les contrôlent. Je ne me rends pas compte de ce que représente matériellement cette agence. Peut-être avez-vous fait faire des statistiques à cet égard, mais avant de l'abandonner (et je suis convaincu que cela ne fera pas plaisir aux M. M. elles-mêmes dans lesquelles nous aurions une alliée si nous voulions nous y opposer) il faut obtenir des compensations. La consolidation de l'agence des C. R. à Marseille et à Port-Saïd n'est pas une compensation puisque nous l'avons déjà. L'attribution de l'agence de Rouen n'en est pas une non plus puisque cela ne représente rien. Mais il y a autre chose. Il faut obtenir l'agence des M. M. à Port-Saïd et donner Bordeaux contre Port-Saïd. Je vous rappelle que cette question a déjà été soulevée à plusieurs reprises par Grédy, avant la guerre, au cours de ses voyages annuels. Il ne s'agit naturellement pas de demander aux M. M. de fermer leurs bureaux purement et simplement. Les M. M. voudront naturellement conserver en Égypte un agent général au Canal, et nous ne pouvons pas les en blâmer, mais ce que Grédy voulait obtenir c'était d'être chargé du travail matériel de la consignation des bateaux M.M. tant à Port Saïd qu'à Suez ; l'agent général restant le représentant officiel et se déchargeant de la partie commerciale sur notre maison, avec les avantages matériels que cela comporterait. Demandez à Grédy de vous expliquer son projet qui m'avait toujours paru séduisant mais que je n'avais jamais discuté avec les M. M., n'ayant rien à leur offrir en contrepartie. Maintenant que la question de Bordeaux est soulevée, voilà une compensation toute trouvée.
J'ajouterai qu'il y aurait pour nous un autre avantage d'ordre psychologique. Avoir la consignation M. M. au Canal nous donnerait une arme contre la Maison Savon. Celle-ci a en effet la manutention des marchandises des M. M. au Canal. Si nous avions la consignation nous pourrions toujours lui enlever la manutention pour la faire nous-mêmes le jour où nous aurions besoin d'user de représailles vis-à-vis d'elle. Or les manutentions de marchandises diverses ont toujours été laissées en dehors du pool. Par conséquent des transferts de clientèle manutention peuvent toujours avoir lieu sans que l'entente n'en soit affectée. Par contre, devant une menace de ce genre, la Maison Savon hésiterait à travailler contre nous, comme elle l'a fait pendant plusieurs années avant la guerre, lorsque M. Georges Savon a nettement pris position contre nous en se mettant du côté de Lambert. Je suis persuadé que la bagarre recommencera dès la guerre terminée. La trêve, qui dure pendant les hostilités, cessera vite et nous verrons sûrement une coalition se dresser contre nous. Nous serons à ce moment-là absolument seuls. Nous n'aurons même plus de [Castro] avec nous car il aura disparu. Il nous faut donc prendre de nouveaux atouts. J'insiste beaucoup sur ce point et je vous demande de mettre dès maintenant cette question entre les mains de Grédy, qui va maintenant centraliser toutes les affaires de consignation de toutes nos succursales.

Havraise
Ceci dit, j'estime que la Maison W. doit absolument et systématiquement refuser de discuter les affaires de la Havraise avec les C. R., aussi bien qu'avec les Messageries. La Havraise est une société indépendante qui doit elle-même régler ses affaires personnelles sans l'interférence des intérêts W. La question de ses agences à Madagascar est extrêmement délicate et compliquée ; elle est liée à celle du cabotage à Madagascar et elle ne pourra être réglée qu'après la guerre. Robert et moi aurons à connaître et à participer aux discussions (avec les M. M. et non pas avec les C. R.) en tant que président et administrateur de la Havraise, et non pas comme gérants de la Maison W. Je tiens particulièrement à laisser Bucquet absolument libre à cet égard ; et il faut à tout prix éviter qu'on puisse nous reprocher d'avoir abandonné des intérêts de la Havraise au profit de notre Maison.
C'est d'autant plus net dans mon esprit qu'il y aura certainement une lutte très dure à subir, étant donné l'opposition très grande entre les intérêts Havraise et M. M. à Madagascar. Et puis, qui nous dit que par une refonte du régime des contractuels, les M. M. ne disparaîtront pas de Madagascar, et qui nous dit que nous ne trouverons pas en face de nous seuls, ou de nous et des M. M., une concurrence Louis Dreyfus ou Delmas ?

Service des consignations - Grédy
Je pense que Grédy a pris en mains toutes les questions de consignations pour tous les ports conformément à ce qui a été convenu entre nous. Ne serait-il pas possible d'obtenir l'autorisation de l'envoyer en Angleterre ? Ce qui serait fort utile maintenant que les ports français rouvrent les uns après les autres. Et il y a tellement à faire de ce côté, non seulement vis-à-vis des armateurs anglais, mais également des grecs, dont la puissance a dû s'accroître considérablement et qui n'avaient pas tous d'agents en France. Il faudrait lui donner la liste des armateurs grecs de Londres qui n'ont peut-être pas oublié tout ce que j'avais fait pour eux.

Havraise péninsulaire
Je suis d'accord avec le projet de rapport à l'assemblée générale, qui, je pense, sera présidée par Robert. A ce propos, je le préviens qu'à la dernière assemblée, un actionnaire avait insisté pour qu'on donne un dividende devant les résultats obtenus. Bucquet pourra lui rappeler la chose. Il devra être prêt à répondre si la même observation était faite.

Le Havre et Rouen
Dans une précédente note, vous m'aviez dit que ces deux succursales remarchaient à fond. Je pense que cela s'applique aux consignations et manutentions. Une note détaillée à ce sujet me ferait plaisir.

Anvers
Je vois que vous comptez y envoyer bientôt [Hanzeur]. Je pense que c'est en attendant le retour de Potocki. Mais y a-t-il lieu de remettre la succursale en activité dès maintenant ? Il me semble qu'il faudrait être sûr d'avoir une part des opérations alliées du port. En tout cas, une visite à Cockerill serait fort intéressante mais pour celle-là, Coré ferait mieux qu'Hanzeur. Si on pouvait reprendre les négociations avec Cockerill (d'accord avec Coureau et la Marine marchande), ce serait parfait.

Charbons
Je me rappelle très bien Jean Picard, qui était dans la mission R. M. et dont j'ai gardé très bon souvenir. Je suis sûr qu'on pourra travailler plus utilement avec lui qu'avec Thibault. A propos, que va devenir ce dernier ? A-t-il reçu une compensation ?

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A-t-on des renseignements sur l'arrestation annoncée il y a 15 jours, dans les journaux, de Paul Cyprien Fabre, et sait-on de quoi il est inculpé ?
Jean Fraissinet est-il toujours en résidence surveillée ?

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Gratifications
D'accord pour Dhorne et Guérin. Soyez très généreux. D'accord également pour l'attribution d'un acompte aux agents anglais : Chambers ( ?), Mac Ensen ( ?) et Tambensin ( ?). Quant à Acfield, je crois par contre qu'il y a lieu d'attendre les résultats définitifs de Port-Saïd pendant les 4 dernières années et la possibilité pour Grédy d'y aller faire un séjour. Il n'y a pas urgence. D'abord parce que Acfield n'a pas été réduit et a dû  toujours recevoir des appointements raisonnables et aussi parce qu'il y aura un cas Grédy à régler en même temps.

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Le Trait
Je ne vois que des avantages à lier le programme de reconstruction du Trait à un contrat réservant une partie de sa production aux besoins de la Marine marchande à condition qu'il s'agisse de commandes fermes, avec échelle mobile et non susceptibles de résiliation sous quelle que forme que ce soit. En outre, j'estime qu'un accord de ce genre devrait être entériné par la Marine militaire, dont on ne connaît pas encore les programmes. Il ne faudrait pas que la porte nous soit fermée de ce côté-là sous prétexte que nous avons pris sans son accord des engagements vis-à-vis de la Marine marchande. Or la construction de sous-marins ou d'avisos escorteurs sera toujours d'un meilleur rapport que celle de bateaux de commerce.
Cette politique de la Marine marchande s'applique-t-elle à tous les chantiers ou fait-elle l'objet de négociations particulières à chaque chantier, car il y a d'autres sinistrés que nous. Quid de la Loire et de Penhoet ? Je suis enchanté de penser qu'Abbat va peut-être être envoyé en Amérique. Est-ce pour bientôt ? Car il me semble que de son voyage dépendra la formule de reconstruction du Trait tant il recueillera là-bas d'enseignements sur la soudure électrique et sur l'assemblage des navires. Ne pas omettre de lui faire rendre visite à la Chicago Bridge.

Alger
N'y a-t-il pas lieu, maintenant que l'abcès du Molybdène semble crevé, de faire des démarches pour faire retirer notre commissaire d'Alger ? Je n'y mets une certaine hâte que pour des raisons d'ordre psychologique. A cet égard, n'y aurait-il pas lieu, pour aider à ce but, de demander au juge d'instruction de faire établir par son expert un rapport, comme pour toutes les autres questions qu'il a examinées avec nous (par ex. Japy, Puzenat, etc.), rapport qui ne pourrait que démontrer la non-responsabilité quelconque de la Maison dans la livraison des 25 tonnes, base de toute l'accusation. Si la démonstration de cette non-responsabilité était faite, je ne vois pas comment on pourrait maintenir le commissaire de notre succursale d'Alger. Peut-être pourriez-vous en dire un mot à Lénard. Le retrait de ce commissaire serait, en outre, un "test" et ne pourrait que servir notre cause.


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