1944.12.08.De Worms et Cie.Etudes sur la Scane et l'UEFEN

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Société centrale d'achats pour le nord de l'Europe (Scane)
34, boulevard des Italiens - Paris

La Société centrale d'achats pour le nord de l'Europe (Scane) a été créée sous nos auspices le 23 mai 1939, avec le concours de certaines personnalités et entreprises s'intéressant aux échanges franco-scandinaves, notamment :
- Le Comptoir général des papiers,
- La maison Pautrot & Bonnet,
- les Établissements Philippe Rémy,
- la Société des pâtes à papier Nordling Macé,
- Monsieur R. Nordlingv consul général de Suède,
- Monsieur Rolf Nordling, son frère.
La forme de la société est la société anonyme et son capital actuel s'élève à 3.200.000,- de francs.
Son conseil d'administration groupe :
- Président directeur général Monsieur Paul Génain,
- Administrateurs : Monsieur Henri Geoffray, Monsieur Rolf Nordling, Monsieur Emile Pautrot.
Notre représentant à la société et qui a le titre de directeur, est Monsieur Albert Vienney, fondé de pouvoirs de nos Services bancaires.
La société a pour objet toutes opérations industrielles, commerciales et financières ayant pour but de faciliter les relations commerciales de la France et ses colonies avec les pays du nord de l'Europe et plus particulièrement la Suède, la Norvège, la Finlande et le Danemark.
Le but que nous poursuivions en créant cette société était d'intensifier les échanges entre la France et les pays scandinaves et de faire connaître, sur leurs marchés respectifs, le plus grand nombre de produits français dont la diffusion s'avérait jusqu'alors malaisée par suite de la multiplicité des produits eux-mêmes et de l'indifférence que bon nombre de fabricants et commerçants français témoignait généralement à l'égard de ces pays.
Arrêtée par la mobilisation générale de 1939, la société ne put reprendre son activité que dans le courant de l'année 1941 et, à partir de cette époque, nous fûmes amenés à lui consentir des découverts relativement importants, qui ont atteint près de 7 millions de francs et qui se justifiaient par la lenteur des règlements par compensation.
De 1941 à 1944, la Scane a exporté exclusivement vers la Suède, la Norvège, la Finlande, la Hollande et la Belgique des produits de luxe tels que parfumerie, soieries voilettes, rubans, gants, articles de Paris et huiles essentielles et n'a traité aucune opération directement ou indirectement avec l'Allemagne ; toutes ses ventes ont d'ailleurs fait l'objet de licences d'exportation régulièrement délivrées par les ministères intéressés.
D'une manière générale, son action visait surtout à maintenir un courant d'exportations avec les pays étrangers susceptibles d'amorcer une reprise substantielle des ventes françaises aussitôt la guerre terminée.
Comme nous le disions précédemment aucune fraction du chiffre d'affaires ne représente des ventes effectuées avec ou au bénéfice des autorités allemandes.
Ces marchandises n'avaient d'ailleurs aucune raison d'être réexportées vers l'Allemagne, les autorités d'occupation étant à même de se les procurer directement sur place en France, à des prix sensiblement plus avantageux puisqu'elles n'avaient pas à tenir compte des frais de vente, taxe et bénéfice des négociants étrangers qui les leur auraient revendues.
De 1940 à 1944, le chiffre d'affaires total de la société s'est élevé à F 43.600.000.
La Scane a réussi à maintenir pendant l'occupation l'ensemble de son personnel et aucun de ses employés n'est parti en Allemagne au titre de la relève. Deux jeunes secrétaires israélites ainsi que leur famille ont trouvé abri dans les bureaux de la société lors des persécutions contre les juifs.
[Voir PDF : tableau indiquant la répartition du capital entre actionnaires et fournissant des renseignements complémentaires.]

Union d'exportateurs française pour l'Europe du Nord (UEFEN)
12, rue Tronchet - Paris

L'Union d'exportateurs française pour l'Europe du Nord (UEFEN) a été créée sous nos auspices le 5 avril 1939, sous la forme de société anonyme à capital variable, dans le cadre des décrets-lois du 25 mai 1938 accordant l'agrément de l'État aux organismes ayant pour but de favoriser le commerce à l'exportation.
Par décret du 24 juin 1939, elle a obtenu l'agrément du gouvernement français.
La société a pour objet de faire toutes opérations commerciales, industrielles et financières ayant pour but exclusif de développer les ventes à l'étranger et, en particulier, dans les pays du nord : Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Suède, de toutes matières premières ou marchandises en provenance de la France et de ses colonies.
Notre participation dans cette société est de 365 actions de F 500 sur un capital de F 400.000.
Nos confrères du Crédit lyonnais ont également une participation de 198 actions ; le restant du capital étant réparti entre d'autres entreprises s'intéressant aux échanges franco-scandinaves, notamment :
- Alais, Froges et Carmague,
- Établissements Huhlmann,
- Produits chimiques Charles Monnet,
- Manufacture de glaces et produits chimiques de Saint-Gobain,
- Société alsacienne de constructions mécaniques,
- Société Mouton-Rothschild,
- Hauts-Fourneaux de Rouen,
- Usines Renault,
- Société des établissements Barbet.
Le conseil de l'UEFEN s'établit comme suit :
Président directeur général : M. Jacques de Vogüe
Administrateurs : MM. Bernard Aubry, Robert Bonnet, Édouard Fievet, Henri Geoffray, Kilian Hennessy, Étienne Masson, Émile Pautrot, Jean Petit-Lagrange, Albert Vienney, fondé de pouvoir de nos Services bancaires, qui est notre représentant au conseil.
Le capital initial de la société, ayant été investi en frais de premier établissement, nous avons été amenés à lui consentir quelques facilités, mais le maximum de nos engagements n'a pas excédé F 200.000. Dès février 1942, l'UEFEN nous a intégralement remboursés et, depuis cette époque, son solde est resté constamment créditeur.
La société qui était en période d'organisation en 1939 n'a pu reprendre son activité que dans le courant de 1941 où, à la suite d'un accord intervenu avec l'organisme de compensation suédois Sveriges Utrikeshandels Kompensations A.B. (Sukab), elle fut désignée comme son correspondant exclusif pour la France, la Sveriges Utrikeshandels Kompensations A.B. (Sukab) est un organisme privé qui, bien que n'ayant aucun statut officiel en Suède, jouit de l'entière approbation et de l'estime des autorités suédoises.
L'activité des deux sociétés s'est concentrée dans la centralisation et la mise ou point des échanges franco-suédois par compensations. L'une comme l'autre procédait à l'élaboration des dossiers de compensation respectifs qui étaient soumis dans chaque pays aux autorités compétentes (ministère des Finances, direction du commerce extérieur en France). Après homologation des projets de compensation, les deux sociétés se communiquaient entre elles les renseignements nécessaires à la bonne marche du compte de compensation géré en France par l'Office des changes et, en Suède, par la Banque d'État, et déterminaient le déclenchement des opérations financières qui, de part et d'autre, étaient confiées à certaines banques habilitées.
L'UEFEN, pas plus que son correspondant suédois, n'a traité aucune affaire pour son compte personnel, son rôle consistant à rendre exclusivement des services moyennant rémunération et sous le contrôle absolu du ministère des Finances (direction du Commerce extérieur). Les agents consulaires suédois nous avaient d'ailleurs donné l'assurance que les marchandises françaises exportées ne seraient pas réexportées vers l'Allemagne et ceci apparaît évident puisqu'il s'agissait de produits de luxe que les Allemands avaient toute possibilité de se procurer directement en France et que les Suédois n'avaient aucun intérêt à revendre puisque ces mêmes produits auraient été concurrencés par les marchandises venues directement de France en Allemagne.
Certains produits ont été exportés de la même manière d'Afrique du Nord en Suède et nous joignons pour ceux-ci copie d'une lettre qui nous a été communiquée à ce sujet par notre agence d'Alger et par laquelle un représentant officiel du gouvernement suédois atteste que les produits nord-africains qui, eux, auraient pu faire l'objet de réexportation, puisqu'il s'agissait de marchandises ordinaires, n'ont jamais été réexportés.
Les échanges réalisés grâce à l'intervention des deux sociétés se sont élevés :
- en 1942 à 60 millions de francs
- en 1943 à 150 millions de francs
- en 1944à 12 millions de francs
- au total 222 millions de francs dont la moitié à l'importation et le solde à l'exportation.
Les marchandises françaises exportées étaient surtout représentées par des vins, des alcools, produits de luxe et quelques produits pharmaceutiques alors que les importations portaient plus particulièrement sur les pâtes à papier, le papier, les écrémeuses, les pièces détachées pour appareils frigorifiques, les pièces détachées pour tracteurs agricoles, machines à écrire et à calculer, quelques aciers spéciaux pour scies et feuillards. Toutes ces marchandises ont été importées par des firmes déjà établies en France avant la guerre et ont fait l'objet de licences d'importation régulièrement délivrées par nos autorités.
Au cours de l'année 1943 et sur la demande du ministère des Finances, direction du Commerce extérieur, l'UEFEN a négocié par l'intermédiaire de son correspondant à Stockholm, un accord aux termes duquel le produit d'une partie des exportations françaises serait réservé au règlement de marchandises stockées en Suède dont l'importation en France s'effectuerait après la libération du territoire.
Pendant l'occupation, cet accord a été tenu secret. A l'heure actuelle, il a été sanctionné par les autorités gouvernementales des deux pays.
Les fonds ainsi bloqués s'élèvent à l'heure actuelle à environ 15 millions de francs qui sont maintenant officiellement utilisés à la mise en fabrication et au stockage de certaines marchandises commandées telles que :
- transformateurs (pour la ville de Paris),
- matériel de chemin de fer,
- tracteurs agricoles,
- moteurs marins,
- etc., et dont la livraison pourra s'effectuer dès la reprise des transports.
La société a réussi à préserver son personnel des réquisitions allemandes et aucun de ses employés n'est parti en Allemagne au titre de la relève.

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