1944.12.06.De Jean Cantacuzène.Note

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Activité du département minier de Messieurs Worms & Cie
pendant l'occupation

Le département minier de MM. Worms & Cie a été constitué le 23 juin 1941 dans le but d'étudier et de préparer la mise en valeur pour l'après-guerre de gisements miniers dans la métropole et dans l'empire. Ce département englobait, au moment de la Libération, six sociétés dont quatre dans la métropole :
- la Société d'études et d'explorations minières (Setem),
- la Société des mines de Charrier,
- la Société des mines de Montmins,
- la Compagnie minière des Vosges,
et deux en Afrique du Nord :
- la Société marocaine d'études et d'explorations minières,
- la Société des mines de Sidi-Kamber.
Il y a lieu d'indiquer tout d'abord, en ce qui concerne ces deux sociétés qu'ayant été constituées ou reprises dans le deuxième [semestre] de 1942, Paris en est pratiquement sans nouvelles, mais sait néanmoins que la Société de Sidi-Kamber a commencé à participer depuis 1944 au ravitaillement en plomb de l'Afrique du Nord.
Je préciserai maintenant la situation des quatre sociétés existantes dans la métropole, ainsi que leur activité au cours de l'occupation allemande.
Société d'études et d'exploration minière
Cette société anonyme a été constituée en 1941.
Capital social : F 1.000.000, divisé en 2.000 actions de F 500 - chacune.
Siège social : 20, rue de l'Arcade - Paris (VIIIe)
Conseil d'administration : Messieurs Guy Brocard, Président
Jean Nelson-Pautier
Georges Marin-Darbel
René Rouille
Directeur général : Monsieur Jean Cantacazène
Participation Worms : 90%
Cette société qui est le chef de file du département minier de la Maison, lui imprime, d'accord avec celle-ci, la politique à suivre.
Son premier objet a été de constituer un puissant outil de travail pour l'après-guerre et pour ce faire elle a, tout d'abord, recruté et formé du personnel technique dans tous les domaines de la spécialité, afin de pouvoir l'utiliser sitôt la libération dans tous les points de la métropole et de l'empire. En outre, la société entreprenait, durant l'occupation, une série de recherches dans la métropole et en Afrique du Nord, dans le but de passer sitôt le départ de l'ennemi, à leur mise en valeur éventuelle.
L'attitude résistante de la Setem bien connue de la direction des Mines, lui valait d'être chargée, en décembre 1942, de reprendre des permis pour le molybdène dans le territoire de Belfort. Ces permis de recherches portant sur un métal très rare, particulièrement précieux pour l'industrie de guerre, étaient ardemment convoités par l'industrie de guerre ennemie, par l'entremise de la société allemande IG Farbenindustrie. Cette dernière était sur le point de conclure avec l'appui des services allemands du Majestic et de la kommandantur d'Épinal, un accord de contrainte avec le propriétaire. La Setem parvenait à s'assurer les permis en question et entreprenait immédiatement des travaux pour couper court à toute nouvelle action du groupe allemand. Celui-ci ne se tenait pas pour battu et, avec l'appui des services du Majestic, exerça la plus forte pression sur la Setem pour obtenir un contrat d'exclusivité pour la fourniture de la totalité du minerai sorti, à livrer même non préparé pour l'expédition en Allemagne.
Non seulement la Setem ne signa aucun contrat, mais parvint à empêcher tout enlèvement de minerai par l'ennemi, et ce malgré le contrôle et les ingérences incessantes des autorités allemandes et de la IG Farbenindustrie qui exploitait un gisement voisin de molybdène.
Enfin, tout l'effectif employé à ces travaux fut constitué à raison de 80% par des réfractaires et des Français échappés d'Allemagne, qui trouvèrent dans ce chantier un refuge parfaitement sûr.

Société des mines de Charrier

Cette société anonyme a été constituée en 1910.
Capital social : F 13.000.000, divisé en 130.000 actions de F 1.000 chacune.
Siège social : Laprugne (allier)
Conseil d'administration : Messieurs Jean Cantacazène, président-directeur général
Guy Brocard
Georges Carrette
Maurice Desoubry
Jean Nelson-Pautier
Paul Tartrat
Participation Worms : 52%
Cette société qui exploite un gisement de cuivre et d'étain dans le département de l'Allier, a été reprise par Messieurs Worms & Cie en 1941.
Sitôt l'affaire reprise, un effort considérable a été fait pour remettre en état le gisement, construire et équiper l'usine de traitement. Celle-ci, bien que terminée en 1943, n'a pas été mise en route - cela avec l'entière approbation d'ailleurs de la direction des Mines - afin d'éviter un enlèvement quelconque par l'ennemi du métal qui aurait été produit. Effectivement, aucune quantité de métal ni même de minerai n'a pu être emportée par les Allemands.
Tout danger ayant disparu maintenant, l'usine de traitement va être mise en service au début de [1945].
Sur les cent ouvriers et employés de la mine, près de soixante étaient des réfractaires.

Société des mines de Montmins

Cette société a été constituée en 1913.
Capital social : F 4.500.000, divisé en 45.000 actions de F 100, chacune.
Siège social : 25, passage de l'Amirauté, à Vichy (Allier).
Conseil d'administration : Jean Cantacazène, président-directeur général
Jean d'Angely
Guy Brocard
Georges Carrette
Maurice Desoubry
Jean Nelson-Pautier
le docteur Auguste Trapenard
Participation Worms : 86%
La société exploite dans le département de l'Allier un gisement de tungstène.
Ce métal spécial, particulièrement intéressant pour les industries d'armement et peu répandu en Europe, avait attiré  l'attention et la convoitise des Allemands qui, par l'entremise de la IG Farbenindustrie, cherchaient à reprendre, dès 1940, le gisement aux anciens propriétaires, malgré l'opposition de l'administration française.
En fin 1941, le département minier de Messieurs Worms & Cie, très fortement encouragé par la direction des Mines, désirait voir reprendre ce gisement par un groupe capable de le défendre contre les appétits allemands, s'assurait, après des négociations très difficiles, le contrôle de l'affaire.
Les services allemands, tant par l'entremise du Majestic que par la Commission d'armistice, mirent tout en œuvre pour chercher à s'assurer le contrôle des travaux de reprise du gisement, ainsi que la totalité du minerai extrait. Pour essayer d'accélérer au maximum l'avancement des travaux et dans le but d'avoir une main-mise plus complète sur le minerai, les Allemands cherchèrent à équiper la mine avec le matériel allemand payable en tungstène. Toutes les manœuvres ennemies furent déjouées par la société, en particulier, grâce à la rapidité avec laquelle elle parvenait, en dépit des circonstances, à s'équiper avec du matériel français. L'ennemi, bien décidé à accaparer toute la production de tungstène de la mine la faisait contrôler régulièrement tous les mois à partir du mois de mai 1943.
L'usine de traitement, bien que terminée à la fin de la même année, ne sortait toujours pas de minerai. Les Allemands, soupçonnant un sabotage systématique, envoyaient, avec leurs cadres, au début de juin 1944, quatre-vingts militaires et mineurs allemands pour prendre possession de la mine et s'emparer du minerai. Cette éventualité était prévue depuis longtemps par la direction de la société qui avait pris toutes les dispositions nécessaires pour y faire échec. En particulier, l'installation électrique qui conditionnait toute la marche de l'usine ne put jamais fonctionner. Les Allemands quittaient l'usine le 16 août 1944 sans pouvoir emporter la moindre quantité de minerai.
Au surplus pas une tonne de minerai n'a été livrée à l'ennemi, ni enlevée par lui et, cependant, 70.000 tonnes de minerai, représentant une valeur de minerai marchand de plus de F 100.000.000 avaient été, au cours de ces deux années, préparées pour l'extraction future.
Sur le personnel employé à la mine, prés de 40% étaient des réfractaires.

Compagnie minière des Vosges

Cette société anonyme a été constituée en 1924.
Capital social : F 1.875.000, divisé en 7.500 actions de F 250, chacune.
Siège social : La Croix aux Mines (Vosges)
Conseil d'administration : Jean d'Angely, président
Jean Cantacazène, directeur général
Maurice Desoubry
Robert Fouquet
Joseph Renard
Participation Worms : 66%
Cette société, qui exploite un gisement de plomb argentifère dans les Vosges, a été reprise par le département minier en janvier 1944. Ce dernier a entrepris l'équipement de cette affaire qui nécessite, avant toute exploitation, deux ans de travaux et de mise en valeur, en dépit de l'opposition des autorités allemandes qui estimaient que ce gisement ne présentait pour elles aucun intérêt immédiat.
En résumé, au cours des trente-huit mois d'existence sous l'occupation ennemie, la Société d'études et d'explorations minières, ainsi que les autres entreprises minières de la Maison, ont effectué une politique de résistance qui ne s'est jamais relâchée un seul instant. En particulier, elles ont :
a) non seulement refusé toute livraison de minerai à l'ennemi, mais elles ont, en outre, empêché tout prélèvement de minerai (parmi lesquels le tungstène d'une importance capitale pour la machine de guerre). Pas un kilo de métal, pas une tonne de minerai n'ont pu être arrachés aux diverses exploitations.
b) empêché tout départ d'ouvriers ou de cadres en Allemagne (plusieurs d'entre eux arrêtés par les Allemands pour être expédiés en Allemagne, ont été sauvés et ramenés aux exploitations).
c) réussi à mettre à l'abri plus de cent-vingt réfractaires (ouvriers et évadés) et à les sauver ainsi de la déportation et des poursuites de l'ennemi.

Cantacuzène


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