1944.11.17.D'Ernest Hoffmann.Au juge Georges Thirion.Déposition

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NB : Ce document provient d'un dossier consacré au Molybdène et intitulé "Tome 1", lequel est classé au 24 septembre 1945, date de la note la plus récente. À l'exception de quelques éléments, comme l'audition ci-après, y sont rassemblés les doubles de toutes les pièces (interrogatoires, dépositions, notes, annexes...) qui se trouvent conservées sous la forme de tirés à part et sont intégrées individuellement à la base de données.

Audition de M. Hoffmann

L'an mil neuf cent quarante-quatre, le 17 novembre, devant nous Georges Thirion, juge d'instruction, a comparu,
Monsieur Hoffmann Ernest, 52 ans, secrétaire général de la société Le Molybdène, demeurant à Paris, 59, rue de Châteaudun, lequel serment prêté de dire la vérité, dépose :
Ainsi qu'il résulte de la correspondance que vous avez saisie au scellé n°deux, dès le mois d'août 1940, la société Le Molybdène a été saisie de demandes émanant de plusieurs firmes allemandes et neutres tendant à la livraison de minerai de molybdène.
Connaissant l'intérêt que présentait le molybdène pour les fabrications de guerre allemandes, nous avons toujours décliné les offres de marché qui nous étaient faites en nous abritant derrière la réquisition qui avait été faite en 1939 par le gouvernement français des mirerais de toute nature. Parmi les maisons allemandes qui nous ont sollicités avec insistance, figurent la Société électrométallurgique de Nuremberg et la société Krupp. Cette dernière firme est d'ailleurs revenue par la suite à la charge par l'intermédiaire de son représentant à la Commission d'armistice, allant même nous proposer ses bons offices pour construire une deuxième usine d'exploitation. Aucune suite n'a été donnée aux projets de la société Krupp.
En septembre 1940, M. Acker, délégué du gouvernement allemand pour l'achat de minerais, m'a sollicité pour une fourniture de molybdène et comme aux autres j'ai répondu que nous ne pouvions livrer, nos minerais étant réquisitionnés par le gouvernement français. Comme Acker était installé à Paris, il venait me faire des visites fréquentes et faisait preuve d'une insistance particulière, précisant qu'il avait une mission à remplir et qu'il la remplirait jusqu'au bout. J'en référait alors à mon président, M. Guernier qui, après divers atermoiements, eut un premier contact avec Acker en novembre 1941.
M. Guernier répondit de manière évasive aux sollicitations d'Acker. Fin janvier 1941, Acker se montra plus insistant et au lieu de nous rendre visite commença à nous convoquer à son bureau. C'est alors qu'il demanda à M. Guernier de saisir de sa demande les autorités françaises et celui-ci entra en rapports à cet égard, avec le Comité d'organisation représenté par M. Blondel. Aucune réponse ne fut faite par cet organisme et, devant l'insistance d'Acker qui se montrait de plus en plus pressant, M. Guernier insista de son côté auprès du Comité d'organisation pour avoir une réponse, M. Blondel donna alors à M. Guernier comme instructions, au mois de mai 1941, de faire une offre à Acker subordonnée à l'accord du gouvernement français. A partir de cette époque, la société Le Molybdène ne s'occupa plus de l'affaire considérant qu'il s'agissait d'une affaire de gouvernement. Ce n'est que beaucoup plus tard en novembre 1941 que nous fûmes avisés par M. Acker lui-même que le gouvernement français et le gouvernement allemand à la suite d'entrevue à Wiesbaden s'étaient mis d'accord sur une livraison de 20 tonnes de molybdénite qui correspondent à 25 tonnes de minerai à 80%. La livraison n'eut lieu qu'en février 1942, après que le gouvernement français eut donné des directives au gouvernement chérifien concernant la licence d'exportation. Entre-temps notre siège d'exploitation marocain avait reçu l'autorisation de livrer et d'exporter.
Je dois signaler que pendant toute cette période, je me suis rendu fréquemment au Comité d'organisation où j'ai pu me rendre compte que l'on y faisait tout le possible pour retarder la livraison. J'indique d'autre part que la livraison n'a eu lieu que moyennant une contrepartie de fournitures de quincaillerie et de tôle faite par le Reich au Maroc, ce qui indique qu'il s'agissait là d'une affaire essentiellement gouvernementale, cette transaction ayant eu lieu en dehors de nous.
Je puis déclarer que la Banque Worms est restée étrangère aux pourparlers qui ont abouti à la livraison. J'ai seulement tenu au courant M. Meynial de l'état des négociations. Tout le conseil d'administration et notamment M. Meynial est tombé d'accord pour que l'on évite par tous les moyens de faire de nouvelles livraisons au Reich. A cet effet, il fut décidé que la production de molybdène serait abandonnée au profit de l'exploitation de gisements de cuivre et ce, dès le 1er septembre 1941. Du fait que ce changement de production nécessitait une mise de fonds assez considérable et du fait d'autre part que notre trésorerie se trouvait immobilisée par l'existence d'un stock de molybdène indisponible par notre propre volonté, la société fut amenée à solliciter de la Banque Worms une avance dont les limites n'ont pas été fixées et qui nous fut consentie sans réserve par la Banque Worms.
Après la première livraison les Allemands qui croyaient que nous continuions notre production, ont sollicité de nouvelles livraisons qui n'ont pas été satisfaites bien qu'ils eussent par avance fourni des contreparties en quincaillerie.
Lecture faite, persiste et signe.


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