1944.11.02.De Paris.Note (sans émetteur ni destinataire)

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Paris, le 2 novembre 1944

Répression des rapports avec les ennemis

Réunion du Comité central du 30 octobre 1944 - Un arrêté en date du 10 octobre a été pris à Marseille, en exécution de l'ordonnance d'Alger du 6 octobre 1943, les sociétés intéressées ayant jusqu'au 10 novembre pour fournir les déclarations prévues dans ladite ordonnance, le Comité central des armateurs a provoqué une réunion de ses membres dans un double but : arrêter des décisions communes pour le cas probable où un semblable arrêté sera pris dans le département de la Seine, ensuite, arrêter les positions suffisamment à temps pour permettre, le cas échéant, aux confrères marseillais, de s'y référer.
Cette ordonnance semble pouvoir être examinée sous deux angles : celui d'abord de sa portée générale et celui également de ses applications particulières à la profession maritime ainsi que chacune des entreprises qui la compose.

I - Aspect général de la question
M. Sicé fait tout de suite remarquer, en y mettant beaucoup d'insistance, le caractère pénal de cette ordonnance qui la différencie nettement de celle qui a un caractère civil, comme, par exemple, l'ordonnance du 18 octobre dont il est actuellement question et qui a pour objet la confiscation des profits illicites.
Accepter de faire une déclaration, dit-il, en exécution de la première serait en quelque sorte et d'une manière indirecte plaider coupable.
Or, l'inopportunité d'une telle attitude est manifeste et elle apparaît encore plus certaine si on analyse les termes employés dans l'ordonnance par lesquels sont expressément exclus de ces dispositions les actes accomplis sous l'empire du seul "état de nécessité".
Cette expression qui, en effet, est d'une acceptation plus large que si l'on s'en tenait à la notion habituelle de contrainte ramène à des proportions très étroites l'étendue des culpabilités éventuelles que chaque société intéressée a le droit d'apprécier chacune pour son compte et dans des conditions qui ne laissent pas beaucoup de place à l'erreur.
Une autre question de portée générale, en revanche, peut apparaître comme une source de confusion : elle est soulevée par les articles qui visent le point d'appréciation des tribunaux en ce qui concerne les actes qui, dans certains cas, ne sauraient être invoqués que comme "circonstances atténuantes" tandis que dans d'autres, ils pourraient être considérés comme des "faits justificatifs".
Le premier cas vise les actes effectués sous le couvert des "lois et décrets" du gouvernement de Vichy, c'est-à-dire en vertu de dispositions de caractère général.
Le deuxième est constitué par les "autorisations" données par le même gouvernement, sous une forme par conséquent plus personnelle mais sous réserve que les limites de l'autorisation donnée n'auraient pas été enfreintes.
Bien que pour se prononcer, les tribunaux en question ne puissent le faire que sur le vu des déclarations produites, il n'en paraît pas moins certain que les entreprises sont fondées à apprécier elles-mêmes si elles se trouvent ou non dans un cas soumis soit aux circonstances atténuantes, soit aux faits justificatifs.
Il apparaît donc à la plus grande partie des personnes présentes que la nécessité d'une déclaration ne s'impose que dans des limites bien déterminées pour les sociétés résidant en territoire métropolitain, qui ont été soumises à l'occupation directe de l'ennemi depuis juin 1940 pour la zone occupée et depuis le 11 novembre 1943 pour la zone libre.
Les rapports entre les sociétés d'Algérie et les sociétés résidant en territoire métropolitain soumis à l'occupation constituent, naturellement, un cas particulier.
Certaines inquiétudes se sont manifestées au cours de la discussion et l'on conçoit, par exemple, que des sociétés de remorquage, dont M. Fougère s'est fait le porte-parole se préoccupent de leur position un peu particulière.
Leurs unités, en effet, n'ayant pas été réquisitionnées par les TM leur utilisation au profit des occupants a pu revêtir un caractère d'actions bénévoles qui ne peuvent pas être couvertes absolument par l'expression mentionnée plus haut : "sous l'empire de l'état de nécessité".
C'est ici que le problème apparaît sous son aspect particulier, qui peut varier d'un armement à l'autre.

II - Considérations particulières
Du point de vue qui intéresse plus particulièrement les armements, l'avis exprimé s'est naturellement inspiré des considérations ci-dessus et l'avis a prévalu qu'on devait distinguer deux catégories de faits : l'une pour laquelle aucune déclaration n'avait à être faite, il s'agit des opérations qui découlent :
a) soit de l'application de la charte,
b) soit de la réquisition directe des navires par les Allemands,
c) soit de la cession obligatoire des navires, en vertu des conventions d'armistice ou autres.
[Note manuscrite : Un quatrième a été ajouté par la suite : celui des réquisitions de matériel
ou des cessions de matériel faite en exécution des décisions des commissions d'armistice.]
Toutefois, un correctif a été apporté à cette position en ce sens que le Comité central fera quand même une déclaration collective à la Marine marchande pour l'informer que pour tous les actes relevant de la catégorie ci-dessus, les armements ne feront pas de déclaration.
L'autre catégorie comprend naturellement tous les actes qui ne rentrent pas dans la première et, à ce sujet, les armateurs résoudront à leur convenance ce qui ne saurait constituer pour eux que des cas particuliers.
Ce sera le cas exposé plus haut, en ce qui concerne les remorqueurs.
Ce sera aussi le cas des travaux d'atelier, pour certains armements qui en possèdent et pour lesquels l'argument de l'"état de nécessité" ne pourra pas être invoqué.
Enfin, en ce qui concerne l'établissement de la déclaration éventuelle, il a été admis que c'est le siège social qui avait qualité pour les faire lorsque la société intéressée a également des établissements en province autres que de simples agences.


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