1944.09.11.De Michel François.Au ministre de l'Intérieur.Note

Copie

11 septembre 1944
2, rue de Buenos Ayres (7e)
Ségur 15-29

Note pour le ministre de l'Intérieur

Ayant appris l'arrestation, sur mandat du ministre de l'Intérieur, de M. Gabriel Le Roy Ladurie, je tiens à fournir immédiatement en sa faveur les renseignements suivants :

1°- Pendant la détention de près de 14 mois que j'ai due à la Gestapo de juin 1941 à août 1942, Gabriel Le Roy Ladurie a pris spontanément la direction des démarches qui ont été entreprises en vue de ma libération. S'il obéissait aussi à des sentiments d'amitié datant de plus de 15 ans, il savait fort bien, par contre pour quelles idées je militais depuis l'armistice. Je sais aujourd'hui moi-même de quel poids a été son action personnelle, directe ou indirecte, en ma faveur, et comment, tirant profit de l'état de santé précaire dans lequel j'étais tombé et des résultats négatifs de l'instruction, il a réussi à éviter ma déportation. Je considère comme mon devoir, quelles que soient les circonstances et quelles qu'aient pu être les fautes qui lui ont été reprochées, de lui témoigner ici ma reconnaissance.

2°- Entré en juin 1943 dans le R.S. de la Résistance "Alliance", j'ai appris de mon chef d'alors, Paul Bernard, (Martinet) que lorsqu'il s'était trouvé en peine d'un gîte sûr après le coup dur de septembre 1943, il avait été hébergé par les soins de Gabriel Le Roy Ladurie qu'il ne connaissait pas auparavant et qu'il savait seulement que Paul Bernard appartenait à la Résistance.
J'espère que notre camarade, arrêté en mars 1944 et déporté, pourra bientôt venir lui-même témoigner sur ce point.

3°- Depuis la fin de 1943, et à plusieurs reprises Gabriel Le Roy Ladurie m'a confié des renseignements d'ordre politique ou militaire qu'il possédait, sachant bien que j'appartenais à un S.R. de Résistance puisque, sur la demande de M. Paul Bernard, je lui avais parlé de mes relations avec ce dernier. Je précise cependant qu'il ignorait absolument le nom et l'organisation de ce S.R.
II est arrivé même que je demande à Gabriel Le Roy Ladurie de tirer au clair certaines questions et j'ai le souvenir d'au moins un questionnaire venu de Londres et dont je lui ai remis l'essentiel à débrouiller. Il s'est toujours prêté à mes requêtes avec toute sa bonne volonté.

4°- Je ne mentionne ici que pour mémoire l'intervention qui m'a été demandée auprès de Gabriel Le Roy Ladurie en faveur de la "Coopérative" et dont mon camarade Caïman a dû témoigner lui-même, et l'affaire du général von Schwerin dont il n'a pas dépendu de Gabriel Le Roy Ladurie qu'elle aboutit : M. Daru doit la connaître parfaitement.
Donc, à la résistance clandestine, dès les premières heures qui ont suivi l'armistice, ne m'en étant jamais écarté un seul instant depuis lors, y ayant sacrifié une bonne part de ma fortune, de nombreux mois de ma liberté, puis et sans doute de manière définitive ma santé, je suis assurément de ceux qui ont le droit d'envisager qu'une justice sévère examine et poursuive les crimes et les fautes de ceux qui ont aidé l'ennemi. Mais, pour la même raison je dois pouvoir faire honneur à une ancienne amitié en demandant que le présent témoignage soit pris immédiatement en considération. Je souhaite qu'associé à d'autres, peut-être de plus d'étendue et de plus de poids, il détermine le ministère public à placer en liberté provisoire tout au moins, un prévenu dont je peux assurer qu'il ne songe en aucune manière à se soustraire à l'instruction.

Paris, le 8-9-1944
François Michel
(Lama dans l'Alliance)


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