1944.04.14.De l'inspecteur divisionnaire du travail.Au ministre du travail

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Rouen, le 14 avril 1944,

L'inspecteur divisionnaire du travail à monsieur le ministre, secrétaire d’État au travail et à la solidarité nationale
Direction de la formation professionnelle

Objet : Demande de subvention (décret du 6 mai 1939)

Référence : Dépêche ministérielle du 29 mars 1944

Par dépêche ministérielle du 29 mars écoulé, vous avez bien voulu me demander de vous faire parvenir mon avis motivé sur les conditions dans lesquelles est actuellement organisée la promotion ouvrière, aux Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime Worms et Cie, au Trait (Seine-Inférieure) en vue d'une décision à prendre relative à l'attribution des subventions qu'elle sollicite en conformité des dispositions des décret et arrêté du 15 février 1943.          .
J'ai l’honneur de vous rendre compte que la promotion ouvrière organisée par les ACSM fonctionne régulièrement depuis le 19 avril 1943 en application des décret et arrêté du 15 février 1943.
Les conditions générales dans lesquelles les cours de formation professionnelle ont été organisés ont été définies par la note de service N° 347 du 14 avril 1943 diffusée parmi le personnel du Trait et que vous voudrez bien trouver ci-jointe.

1°) Il y a lieu de distinguer le reclassement au rythme journalier et la formation professionnelle proprement dite.
Les chantiers Worms ont toujours continué à pratiquer le reclassement professionnel au rythme journalier, c'est-à-dire avec une participation productive aux travaux effectués. En 1943 pour un semestre (d'avril à octobre) 26 ouvriers qui n'étaient que des manœuvres ont pu être classés ouvriers spécialisés ; 10 ouvriers spécialisés ont été proposés pour des essais qualifiés.

2°) La formation professionnelle proprement dite porte sur une partie du personnel préalablement sélectionnée et suivant des cours pratiques et théoriques, en principe dans un local particulier et sans participation le ces ouvriers à la production. Ce sont des ouvriers ou des manœuvres dont l’âge varie de 18 à 30 ans. Au moment de la conception du centre de for­mation professionnelle, il avait été prévu que les ouvriers en stage exécuteraient dans chaque quinzaine des travaux pro­ductifs pendant la première semaine et des exercices pendant la deuxième. Cette alternance de travaux productifs (travaux simples d'ajustage) et non productifs apparaît dans la note de service précitée, mais ce programme, qu'il eut été possible de réaliser en période normale de travail, ne l'a pas été pour la raison suivante :
Les constructions en cours n’offraient pas, de par leur nature, la possibilité de prélever ces travaux simples d'ajustage dont il est question. Il s'agissait dans la majorité des cas, de pièces de machines à vapeur qui devaient nécessairement être exécutées par des ouvriers professionnels. De plus, la main-d’œuvre professionnelle était à peine alimentée car l’usinage n'avait pas sur l'ajustage l'avance qu'il aurait dû avoir, les circonstances actuelles rendant problématiques les rentrées de pièces à l'atelier. Faire exécuter certains travaux par les reclassés eût été priver d'autant la main-d’œuvre profession­nelle.
D'autre part, les travaux divers, en dehors des cons­tructions de machines n'auraient pas permis d’occuper chacun des stagiaires à peu près le même temps, condition indispen­sable pour ne pas fausser l'emploi du temps fixé.
En fait, depuis l'ouverture de la première série des cours, c'est-à-dire depuis le 19 avril 1943, les ouvriers appelés à un stage de formation professionnelle n'ont jamais participé à la production pendant la durée de leur stage.
a) les travailleurs assujettis au reclassement perçoivent pen­dant les heures employées à leur rééducation, un salaire horaire moyen résultant de celui qu'ils ont perçu pendant le dernier mois où ils ont travaillé à la production, primes sur bons de travaux comprises.
b) Ateliers ouverts.- À proprement parler, il n’existe pas de local spécial, les cours installés d'abord dans l’atelier des machines ont été transférés à l’atelier d’ajustage - armement après la destruction du premier atelier.
Les dégâts énormes subis par les installations au cours des bombardements des 4 août et 11 septembre 1943, ampli­fiant ceux qui avaient été déjà occasionnés par les bombarde­ments de 1941 et 1942 n'ont pas permis jusqu'à présent d'en­visager d'autres installations.
c) Professions enseignées.- Ce sont essentiellement celles d'ajusteurs et de tourneurs ; les conditions de formation accé­lérée doivent être étudiées, et précisées pour les tuyauteurs et d'autres professions.
d) Cantine. - Comme tout le personnel, les ouvriers en reclasse­ment bénéficient de la cantine.
e) Effectif des élèves.- L'effectif total des ACSM était de 650 en 1943 ; il est actuellement de 592. Les ouvriers à reclas­ser en 1945 étaient groupés en une promotion de 8 par trimestre. En 1944, le nombre d'ouvriers prévu par promotion est de 16.
f) Personnel instructeur.- Un contremaître particulièrement quali­fié est chargé de la formation pratique du personnel à former. Les cours théoriques sont professés par un ingénieur qui assure naturellement la coordination des cours pratiques avec son en­seignement.
g) Durée des cours. - La durée hebdomadaire totale des cours est de 50 h. 30 réparties suivant l'horaire porté à la note de service N° 347 ci-jointe. La durée complète des cours est de 15 semaines pour les ajusteurs, 19 semaines pour les tourneurs.
h) Programmes. en voici les grandes lignes :
Cours pratiques
Formation de base commune aux ajusteurs et aux tourneurs suivant la méthode Carrard - durée 3 semaines.
Formation spéciale - section ajusteurs : exercices progressifs échelonnés sur 6 quinzaines.
Section tourneurs - exercices progressifs échelonnés sur 8 quinzaines.
Ces exercices figurent dans des recueils rédigés par M. Barollier et remis au contremaitre chargé des cours.

Cours théoriques
Période d'initiation.
notions simples de géométrie - constructions simples utilisées pour les tracés - dessin - projections, échelles, cotes, lecture du dessin.
Technologie générale.

Cours spéciaux se rapportant également à la géométrie aux constructions simples utilisées pour les tracés, au dessin, à la technologie générale et détaillée.

i) Emplois occupés par les ouvriers formés.- Les ouvriers formés sont versés dans des ateliers de production correspondant à leur rééducation. Ainsi, à titre d'exemple, dans la promotion sortie au mois de décembre, on comptait trois ouvriers dont l'atelier d'origine ne correspondait pas aux possibilités qu'ils offraient après rééducation. Ces ouvriers n'ont point été réintégrés dans leurs anciens ateliers, mais au contraire sont passés :
- le premier de l'atelier des coques à l’atelier entretien mécanique.
- le second de l'atelier de maçonnerie à l'atelier d'entre­tien mécanique.
- le troisième de l'atelier de gréement à la serrurerie d'ar­mement.
Tous les autres sont retournés dans leurs ateliers d'origine qui correspondaient déjà à des travaux d'ajustage ou de tour.

j) Résultats obtenus
La première série de cours de formation professionnelle a porté sur 7 ouvriers : 6 ajusteurs et 1 tourneur.
Une deuxième série, du 2 Août 1943 au 4 Janvier 1944 a porté sur 7 ouvriers, 5 ajusteurs et 2 tourneurs.
Une troisième série, de cours organisée pendant le premier trimestre 1944 a porté sur 8 ajusteurs.
Les conclusions de l'ingénieur des ACSM, M. Rialland, sont formelles : il estime que les résultats obtenus par ces stages sont très satisfaisants tant au point de vue pratique que théorique.
Il semble donc qu’il y aurait lieu de ne pas décourager la direction des ACSM des efforts qu'elle accomplit avec succès dans le domaine de la promotion ouvrière pour satisfaire aux obliga­tions du décret et de l'arrêté du 15 février 1943 et il me paraît souhaitable de lui accorder le bénéfice des subventions prévues à l'article 5 du décret précité.

L’inspecteur divisionnaire
Directeur régional
 

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