1941.10.De la Revue des agriculteurs de France.Four Turpin Worms

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Une solution au problème de la carbo-distillation industrielle en forêt : Le four Turpin
Par Roger Millot
Ingénieur civil des mines

Dans un précédent article[1], nous avons décrit le four Turpin dans ses grandes lignes et précisé le fonctionnement de l’appareil. Nous nous réservons maintenant de publier les résultats de quelques essais particulièrement typiques, choisis parmi les très nombreuses expériences de marche effectuées avec le four.
Il est bon de noter, tout d’abord, que plusieurs fours sont installés depuis quelques mois sur des coupes où ils ont fait l’objet de contrôles, aussi bien pour leur fonctionnement, leurs déplacements à travers les forêts que pour leur débit et leur rendement en charbon et en sous-produits. Les chiffres que nous indiquions, à la fin de notre article de juillet, ont été largement dépassés grâce à certaines modifications de détail. Les carbonisateurs, les industriels, les exploitants forestiers qui sont venus à la Foire de Paris ont pu se rendre compte de la mise au point définitive du four Turpin qui a fonctionné chaque jour à cette manifestation. Nous avons donc cru bon de donner une nouvelle vue d’ensemble de l’appareil. Rien n’est modifié d’ailleurs dans le fonctionnement général que nous avons décrit, sinon le dispositif de récupération des sous-produits.
Au lieu d’une seule prise de gaz au sommet de la cornue, le four compte maintenant deux prises : celle au sommet maintenue sans changement, et une autre, à mi-hauteur, qui permet de récupérer, en évitant le craking, une plus grande proportion des goudrons. Les gaz de distillation, venant de ces deux prises, passent à travers le dégoudronneur, puis dans le condenseur. Les jus et goudrons sont recueillis dans un bassin de décantation, portant à sa partie inférieure un robinet destiné à l’écoulement des goudrons et, à sa partie supérieure, un tube permettant l’écoulement des jus pyroligneux par trop-plein.
Le four, une fois mis en régime, fonctionne sous la surveillance d’un seul homme, qui a pour mission d’assurer les défournements du charbon de bois tous les quarts d’heure et les chargements de la charbonnette dans la cornue deux fois par quart d’heure, tandis que goudrons et jus s’écoulent régulièrement dans des récipients séparés.
On conçoit qu’il est facile de suivre le four dans sa marche en régime : des pesées effectuées sur la charbonnette, le charbon de bois, les jus et les goudrons – des mesures de température dans la cornue, dans le dégoudronneur, dans le condenseur, à l’aide de pyromètres à cadran et de thermomètres – des analyses du bois, du charbon de bois, des jus et des goudrons ; telles sont les opérations élémentaires qui permettent de contrôler le four, de dresser son bilan thermique, de déterminer le rendement en charbon et en sous-produits et de mesurer le débit de l’appareil en vingt-quatre heures. Les ingénieurs et le laboratoire de l’Office central de chauffe rationnelle nous ont apporté un concours précieux et la garantie de leur longue expérience dans toutes les questions concernant le bois et la carbonisation. On ne saurait en effet s’entourer de trop de précautions lorsqu’on désire étudier scientifiquement les phénomènes de la distillation et de la carbonisation du bois ; il ne s’agit pas de rester dans le vague et d’affirmer que tel four a un rendement de tant avec du bois ayant tant de mois de coupe. Il nous a semblé indispensable de préciser la nature, l’analyse et même la grosseur moyenne de la charbonnette utilisée, de même que le charbon obtenu a été déterminé par son analyse. Nous donnons indifféremment les rendements au stère ou en poids, mais nous précisons toujours le poids du stère pour la charbonnette considérée.
L’essai effectué à Paris les 28 et 29 juillet 1941 a porté sur une charbonnette de 66 centimètres de longueur, coupée depuis un an et composée en presque totalité de charme ; l’analyse a donné les résultats suivants :

Humidité : 12,32 %
Cendres : 1,55 %
Matières volatiles : 69,28 %
Carbone fixe : 16,85 %
Pouvoir calorifique supérieur à la bombe : 3.929 calories

Le poids moyen du stère était de 348 kilos. La mise en régime a demandé trois heures et cinquante kilos de bois. Au bout de deux heures, les brûleurs entrèrent en action : le premier défournement de charbon fut effectué trois heures après l’allumage. On a obtenu les chiffres suivants :
1° Vitesse de passage du bois dans la cornue, en moyenne : 130 kilogr. à l’heure.
2° Vitesse de défournement du charbon de bois, en moyenne : 30 kgr. 600.
3° Vitesse d’écoulement des goudrons : 1 kgr. 150.
4° Vitesse d’écoulement des jus pyroligneux : 13 kgr.

Le charbon de bois a donné à l’analyse :
Humidité : 4,75 %
Cendres : 5,02 %
Matières volatiles (humidité déduite) : 13,71 %
Carbone fixe : 76,52 %
Pouvoir calorifique supérieur à la bombe : 7.307 calories
Teneur en goudron : traces indosables

Il est dès lors facile de déterminer le débit du four en vingt-quatre heures, soit : 130 x 24 = 3.120 kilogr de bois, donnant, dans le même temps :
30,6 x 24 = 734 kilogr de charbon de bois, avec un rendement en poids de 23 %.
Ramené au stère, le rendement a été de 82 kilos.
Le rendement en goudrons et jus pyroligneux a été de 64 kgr au stère, soit 18 % en poids. Ce chiffre, relativement faible, s’explique par l’utilisation d’un condenseur insuffisant. Les essais des 11 et 12 août 1941, effectués avec le four muni de ses derniers perfectionnements, ont donné un rendement en goudrons et jus pyroligneux de 38 %.
Le bois utilisé, charbonnette d’un an de coupe, pesait 390 kgr au stère et donna l’analyse suivante, sur brut :
Humidité : 20,19 %
Cendres : 2,07 %
Matières volatiles : 61,51 %
Carbone fixe : 16,23 %
Pouvoir calorifique supérieur à la bombe : 3.602 calories

La marche du four a permis de relever les résultats suivants :
1° Vitesse de passage du bois dans la cornue, en moyenne : 110 kilogr à l’heure
2° Vitesse de défournement du charbon de bois, en moyenne : 30 kgr 800
3° Vitesse d’écoulement des goudrons : 4 kgr
4° Vitesse d’écoulement des jus pyroligneux : 37 kgr

L’analyse du charbon de bois obtenu a donné :
Humidité : 2 %
Cendres : 5,91 %
Carbone fixe : 86,63 %
Matières volatiles : 5,46 %
Pouvoir calorifique supérieur à la bombe : 7.684 calories
Goudron : néant

On en déduit :
Un débit de bois de 2.640 kgr en vingt-quatre heures,
Un débit de charbon de bois de 740 kgr en vingt-quatre heures,
Avec un rendement en poids :
28 % pour le charbon de bois et
De 38 % pour l’ensemble, goudrons et jus pyroligneux.

Le rendement au stère était de :
109 kilogr de charbon de bois,
131 kilogr de jus pyroligneux,
13 kilogr de goudron

Les chiffres suivants montrent l’efficacité du condenseur :
Température ambiante : 26°
Température du charbon de bois dans la cornue : 586°
Température des gaz, sortie cornue : 196°
Température des gaz, après dégoudronneur : 85°
Température des gaz, sortie condenseur : 55°

On conçoit que tous les produits condensables au-dessus de 60° ont été effectivement récupérés ; ceci donne une idée de la richesse des jus pyroligneux obtenus par le four Turpin.
Les gaz non condensables, servant au chauffage du four, ont donné, à l’analyse les résultats suivants en moyenne :
Gaz carbonique : 25 %
C2H4 : 3 %
Oxyde de carbone : 27 %
Hydrogène : 18 %
CH4 : 14 %
Azote : 13 %

Le pouvoir calorifique de ces gaz, 3.000 calories environ, permet de comprendre pourquoi, dès la mise en régime du four, il est inutile de continuer à utiliser le chauffage extérieur qui sert ainsi uniquement au démarrage.
Il nous semble inutile de donner les résultats d’autres essais ; selon la nature et la qualité de la charbonnette, nous avons obtenu, avec des rendements allant de 20 à 29 %, des débits de charbon compris entre 500 et 1.000 kilogr par vingt-quatre heures. Grâce au dispositif spécial de défournement le charbon se trouve concassé à la sortie du four ; il est bien entendu sec, sans poussière et sans goudron.
 

 

[1] Voir Revue des agriculteurs de France, juillet 1941.

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