1941.07.De la Revue des agriculteurs de France.Four Turpin Worms

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Une solution au problème de la carbo-distillation industrielle en forêt : le four Turpin
Par Roger Millot
Ingénieur civil des mines

Le développement considérable de l’utilisation des gazogènes a posé immédiatement le problème de la fabrication du charbon de bois.
Très rapidement, les procédés de fabrication utilisés ces dernières années ont fait place à d’autres plus perfectionnés et susceptibles de fournir rapidement des quantités importantes de charbon de bois.
Malheureusement, comme il fallait aller vite, on a tout d’abord carbonisé, sans souci de tirer le meilleur parti des innombrables richesses accumulées dans le bois : c’est ce qui explique que les premières modifications apportées à l’antique système de la meule n’ont fait que reprendre le principe même des meules.
On a vu se multiplier les types de fours, sans grande originalité de principe, avec simplement des modifications de détail ; on peut dire que tous, ou presque tous, brûlent une partie du bois pour carboniser l’autre partie ; il n’est pas question de récupérer les sous-produits, ni même d’utiliser rationnellement les calories fournies par la réaction exothermique de la carbonisation. Le seul réel avantage, répétons-le, c’est que ces fours étaient de construction simple et pouvaient être livrés rapidement, donc pouvaient fournir très vite le charbon de bois attendu avec impatience par les propriétaires de véhicules à gazogènes.
Il n’en restait pas moins, que, pour obtenir davantage de charbon de bois il fallait tout d’abord essayer d’avoir le maximum de rendement avec le bois fourni par nos forêts. Ce maximum de rendement ne pouvait être obtenu que dans des fours à récupération, à condition que ces fours utilisent, pour la distillation et la carbonisation du bois, les gaz mêmes produits au cours de ces opérations.
On en revenait donc au principe des fours utilisés dans les grandes usines françaises et étrangères de fabrication de produits chimiques à base de bois, c’est-à-dire distillation en vase clos, calorifugeage soigneux du four, condensation des produits de la distillation et utilisation des gaz incondensables pour apporter la chaleur nécessaire à l’ensemble de l’opération.
Malheureusement, dès qu’on envisageait un tel four, on devait reculer devant une conséquence à peu près inéluctable : un grand encombrement et un poids considérable enlevant toute mobilité.
Deux thèses s’affrontaient et, dans une certaine mesure, s’affrontent encore :
L’une prétend que toute carbonisation avec récupération est véritablement impossible en forêt om l’on ne dispose pas des commodités que donne toujours une usine : elle se résume dans cet aphorisme que « le bois doit aller au four ».
L’autre prétend que les centres de carbonisation, en usine fixe, ne doivent pas être multipliés à l’infini et qu’il est bien préférable « d’amener le four au bois ».
Les deux thèses doivent d’ailleurs s’accorder en ce sens qu’il est évidemment des forêts où le bois, très difficile à débarder, nécessite, pour sa carbonisation, des fours suffisamment mobiles qui puissent se déplacer facilement. Il en est d’autres, par contre, où la concentration du bois peut être effectuée commodément et donner ainsi, par la carbonisation en usine, des rendements beaucoup meilleurs.
Il fallait rechercher un four susceptible d’ajouter, aux qualités normales d’une carbonisation industrielle, une grande mobilité permettant des déplacements faciles dans la forêt. Un tel four utilisera rationnellement la chaleur dégagée par la réaction de la carbonisation du bois, tout en assurant une récupération importante de goudrons et de jus pyroligneux.
M. François Turpin, qui a déjà réalisé, dans le domaine de la combustion et de l’utilisation du bois, tant d’inventions heureuses, vient de mettre au point un four à distiller et à carboniser le bois qui répond aux préoccupations que nous venons d’exposer.
Le four Turpin, qui est mobile, et pratique, fonctionne en marche continue et utilise excellement la chaleur dégagée par la carbonisation, tout en permettant une récupération importante de sous-produits.
Il se compose essentiellement d’une cornue, démontable en plusieurs éléments, placée dans une chambre de chauffe constituée d’éléments également démontables.
On voit immédiatement qu’il s’agit d’une cornue, fermée par un couvercle à la partie supérieure, fonctionnant d’une manière continue et vidée à sa partie inférieure au fur et à mesure de la carbonisation.
Les éléments qui constituent la chambre de chauffe sont calorifugés, de manière à permettre un bon isolement thermique.
Cornue et enveloppe calorifuge reposent sur un bâti qui supporte le système de défournement et les brûleurs.
À l’arrière du four proprement dit, se trouve le condenseur qui communique, d’une part avec la cornue, et, d’autre part, avec les récipients chargés de recueillir les goudrons et jus pyroligneux ; les gaz incondensables sont amenés aux brûleurs.
En outre, un mât de charge fixé au bâti permet un montage et un démontage faciles de la cornue et des éléments calorifuges, cependant que, en cours de marche normale, il assure l’alimentation régulière de la cornue, à l’aide d’un panier spécial dans lequel on peut introduire un volume connu de charbonnette.
Des passerelles, fixées de part et d’autre du four, assurent un accès facile à la partie supérieure de la cornue pour effectuer le chargement.
Tous les accessoires sont aisément transportables, soit à la main, soit dans les charrettes habituellement utilisées en forêt ; il en est de même des différents éléments constituant le four.
Il est difficile, dans une description forcément sommaire, d’insister comme il le faudrait sur tous les détails ingénieux qui font de ce four un appareil susceptible d’être conduit sans difficulté par n’importe quel manœuvre.
Avant de préciser rapidement le fonctionnement du four, il faut encore dure un mot du dispositif de défournement : la longueur de la cornue est telle que le four Turpin admet la charbonnette coupée à 66 centimètres.
La charbonnette, enfournée à la partie supérieure de la cornue vient reposer à la partie inférieure sur des secteurs dentés montés sur un axe horizontal, auxquels un levier fixé sur cet axe, permet de donner, un mouvement de très faible amplitude.
Au-dessous de la cornue se trouve une trappe communiquant avec un sas de défournement fermé à sa partie inférieure par une glissière horizontale et débouchant directement dans un étouffoir.
Le montage du four Turpin en forêt est chose facile : une fois choisi l’endroit où le four doit être placé, il suffit d’assurer l’horizontalité du bâti-support, ce qui se fait aisément à l’aide de quelques rondins placés transversalement sous les cornières inférieures du bâti.
Le mât de charge est alors mis en place et fixé au bâti-support, puis les éléments calorifuge et les éléments de la cornue sont posés respectivement les uns au-dessus des autres, à joint étanche et sans aucun assemblage.
Le four une fois monté, le chargement du bois s’opère à l’aide du mât de charge, la charbonnette étant placée horizontalement dans la cornue. Reste alors à assurer le joint du couvercle de la cornue et le joint du condenseur, celui-ci ayant été préalablement placé sans difficulté sur son support.
On procède ensuite à l’allumage du four en faisant un feu assez intense dans la chambre de chauffe, à la base de la cornue ; la charbonnette commence alors à sécher, puis à distiller ; au bout de quelque temps, il y a lieu de compléter le chargement de la cornue ; enfin, les gaz de distillation, ayant traversé le condenseur, arrivent aux brûleurs de plus en plus intensément et s’enflamment. Une fois les brûleurs enflammés, il est inutile de continuer à chauffer la cornue ; le four est en régime et la carbonisation commencée va se poursuivre sans interruption, à condition d’assurer régulièrement l’approvisionnement de la cornue en charbonnette et le défournement du charbon de bois.
Quand le four est en régime, on a, à l’intérieur de la cornue, les trois zones classiques dans la distillation du bois, à savoir, en partant du haut : séchage, distillation, carbonisation.
Comme la cornue est toujours pleine, la charbonnette carbonisée se casse d’elle-même sous le poids du bois, ce qui fait qu’il n’est besoin, avant de défourner, que de donner un très léger mouvement au levier de défournement ; on bénéficie ainsi du double avantage de ne pas pouvoir défourner des incuits, et de retirer régulièrement un charbon de bois particulièrement pur, bien conditionné et exempt d’humidité. La condensation des goudrons et des jus pyroligneux s’effectue d’une manière satisfaisante, ainsi que de longs essais en forêt l’ont démontré.
Nous aurons l’occasion de revenir, dans un prochain article sur les résultats de la carbonisation dans le four Turpin, tant en ce qui concerne le rendement et la qualité du charbon de bois que la récupération des goudrons et des jus pyroligneux.
Qu’il nous suffise d’indiquer, pour terminer, les rendements constatés sur le four avec du bois sec pesant 390 kilos au stère avec du bois vert venant d’être abattu :
Dans le premier cas, on a obtenu une moyenne de 110 kilos au stère, soit un rendement de 28 % en poids, avec 55 kilos de charbon de bois par 24 heures.
Dans le second cas, la moyenne a été de 80 kilos au stère, avec une production de 275 kilos environ par 24 heures.

 

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