1941.06.14.De Pierre Darredeau - Worms et Cie Le Havre.A Robert Labbé.Original

Original

Le PDF est consultable à la fin du texte. 

138, boulevard de Strasbourg - Le Havre
Le 14 juin 1941

Cher Monsieur Labbé,
Ainsi que vous m'en avez chargé avant de partir jeudi, j'ai fait savoir au contrôleur de la Banque de France que les indications demandées lui parviendraient par la banque de France à Paris auprès de qui les Services bancaires étaient intervenus.
Il m'a rappelé de nouveau hier après-midi, désirant me voir à la suite d'une lettre reçue par lui de Paris.
J'y suis allé aussitôt avec [Vauclin] et j'ai eu connaissance de cette lettre dans laquelle il est dit : d'abord qu'un représentant des Services bancaires est intervenu auprès de la Banque, à qui il a été signalé par lui que l'agence de Paris avait adressé à la maison Worms un avis suivant lequel celle-ci serait considérée comme israélite et que les opérations faites par elle à la Banque de France allaient faire l'objet d'un examen de la part des autorités d'occupation ; d'autre part, que le représentant des Services bancaires a précisé que la Maison avait fait savoir aux autorités allemandes qu'elle n'était plus israélite et que cette déclaration faisait l'objet d'une enquête par un commissaire allemand.
Le contrôleur a été surpris de la première indication relative à la communication qu'il m'avait faite et je l'ai été autant que lui. Il ne m'a, en effet, jamais déclaré que la Maison était considérée comme israélite et que les opérations faites par elle allaient nécessairement être soumises à un examen, mais simplement qu'à la demande des autorités allemandes une enquête générale était entreprise par l'agence du Havre de la Banque auprès de tous les clients ayant un compte ouvert chez elle, afin de savoir si certains d'entre eux tombaient sous le coup des prescriptions édictées par les autorités d'occupation à l'égard des israélites et qu'il désirait avoir de nous, comme de tous les clients, une déclaration écrite confirmant que la Maison n'était pas soumise aux obligations résultant des prescriptions des autorités allemandes.
Je n'avais pas dit un autre chose à la personne qui, de passage ici et rentrant à Nantes, a été chargé par moi de consulter la DGSM sur le libellé de l'attestation que j'avais à remettre. Il y avait par conséquent malentendu dans la transmission et j'ai promis au contrôleur de la Banque, qui a été un peu ennuyé par ce malentendu, de vous demander si vous pourriez faire mettre les choses au point vis-à-vis de la Banque de France à Paris qui lui demande des explications et à qui il écrit de son côté.
Pour ce qui est du deuxième paragraphe de la lettre venue de Paris, le contrôleur estime devoir réclamer des instructions afin de savoir si malgré l'enquête en cours il peut nous laisser continuer les opérations ou si, un contraire, il ne doit pas bloquer notre compte en attendant le résultat de cette enquête. Pour le moment, il ne prend aucune mesure.
Si j'ai de nouvelles indications, je vous en ferai part à moins que vous ne m'adressiez d'ici là d'autres instructions.
Croyez, cher Monsieur Labbé, à l'assurance de mes sentiments sincèrement dévoués.

[Darredeau]


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