1941.03.06.Du journal La Semaine.Article

NB : Cet article provient d'un recueil de coupures de presse du 17 octobre 1940 au 21 décembre 1941, qui est classé en octobre 1940.

"La Semaine" du 6 mars 1941

Barnaud s'installe à Paris - La reconnaissance de Bouth'

Belin s'assied. Son visage est plus détendu mais sa mâchoire reste volontaire et deux plis profonds marquent le front à la naissance du nez. D'un geste brusque, il se fait pivoter sur sa chaise. Alors, Michel, que dit-on du prochain remaniement ? Pucheu aurait la Production et vous le Travail. Il me resterait la moitié la moins importante de mon ministère actuel. Que puis-je faire d'autre ? Michel s'approcha de la porte pour voir si personne n'écoute. Puis, il revient vers le bureau de M. Belin. Barnaud serait nommé délégué du gouvernement pour les relations économiques. Il s'installerait à Paris. Qui avez-vous remarqué d'autre ? Moreau-Néret est secrétaire général aux questions économiques.
La reconnaissance de Bouth'
Au fond, il ne s'était jamais tant amusé que pendant la guerre de 39. Appelé au Mouvement général des fonds, quittant la direction du Crédit lyonnais, il changeait agréablement sa vie de fonctionnaire de grosse banque. Du fait qu'il était chargé de l'approvisionnement des matières premières, cela le mettait en rapport avec des personnes intéressantes. Prouvost déjà lui faisait la cour au sujet de son papier pour Paris-Soir, Match et Marie-Claire. Et Paul Reynaud était au mieux avec Prouvost. Il entrevoyait des débouchés futurs et certainement la guerre finie, il ne retournerait pas au Crédit lyonnais. Un poste plus lucratif lui serait offert. Peut-être à la Shell ou encore au Suez.
Ce soir, dans ce bar de Vichy où pourtant ne règne pas le luxe des établissements de Paris, il se sent redevenu lui-même. Les tics ne l'ont pas quitté et son visage tressaille sans cesse sous de brusques décharges nerveuses.
Il est content.
Sa politique de prudence a réussi. Pourtant, jadis, chacun connaissait ses attaches avec Hypolite Worms.
Bouthillier, vous me demandez qui est Bouthillier, dit-il en se tournant vers son beau-frère, Augustin Normand. À quel sujet me demandez-vous ça ?
Je dois le voir. Vous savez que j'ai fait sauter mes chantiers de constructions navales au Havre. Je me demande s'il n'y aurait pas moyen pour moi de récupérer ce qui reste et d'ouvrir un nouveau chantier.
Excellente idée, la marine marchande française a besoin d'être retapée.
Moreau-Néret s'arrête un instant. Il compare ce bar aux murs tristes avec le Cyro's où éclataient lumières et musique.
Bouthillier est un grand nerveux. II s'agite énormément. En même temps, c'est un armateur d'art. Dans son bureau de la rue de Rivoli, il a un tableau qui vaut bien un million et demi. C'est un protocolaire. Tenez, moi qui pourtant le connais bien, je suis obligé de l'appeler M. le ministre.
On le dit élève des Jésuites.
C'est exact. C'est d'ailleurs pour cela qu'il est au mieux avec le Maréchal, qui l'est également, vous n'êtes pas sans le savoir.
Est-il expéditif ?
Très, mais pointilleux malgré tout. Au ministère des Finances, il lisait tout le courrier des directions.

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