1936.12.09.Note sur la politique pétrolière et le trafic charbonnier

NB : La copie image de ce document, de mauvaise qualité, n'a pas été conservée.

Secret

9 décembre 1936

Politique pétrolière

Le 25 novembre ont été réunies, chez Haarbleicher, un certain nombre de personnes qui, lors de la dernière guerre, avaient été utilisées à la Marine marchande.
Parmi ces revenants se trouvait Louis Bigard, qui paraît avoir été l'instigateur de la réunion.
S'y trouvaient également : Pineau - des essences - De Fry, Leboiteux, Dumas, etc., sans oublier le contrôleur général Bijard ; comme fonctionnaires, un représentant du ministère de l'Économie nationale et Roulier, de la Marine marchande.
Le problème qui se pose est lié à la nécessité de rechercher et de s'assurer, d'ores et déjà, le tonnage étranger nécessaire pour effectuer le ravitaillement du pays en combustible liquide de toutes espèces, dès le moment de la mobilisation.
Aussitôt ce préambule émis par le directeur de la Flotte commerciale, des réponses sont murmurées un peu partout, ayant toutes la même signification, qu'il est bien tardif pour agir, les puissances étrangères ayant toutes dû prendre déjà position. M. Haarbleicher déclare que, d'après ses calculs, outre la flotte française, il sera nécessaire d'avoir sous la main 200.000 tonnes dw en time-charter.
Il émet l'idée que cela devrait se trouver d'autant plus aisément que le pétrole n'est plus considéré comme contrebande de guerre.
On s'accorde à reconnaître qu'il n'y a aucun espoir de traiter sur le marché anglais, qui sera évidemment défendu par son gouvernement et un tour d'horizon rapide montre que, seule, la Norvège peut fournir du tonnage.
Malheureusement, il y a quelques raisons de craindre que les Allemands ne se soient assurés une partie de la flotte et, par ailleurs, on sait qu'une mission de 10 fonctionnaires japonais se trouve à Oslo depuis plusieurs semaines, pour travailler également dans la même direction que nous.
Quoi qu'il en soit, on pose, en principe, qu'aucun effort ne peut être fait si on ne peut donner l'assurance aux armateurs que leurs navires seront assurés contre risques de guerre aux frais du gouvernement et M. Bijard est chargé de préparer un texte de proposition de loi qui, en reconstituant l'assurance obligatoire en temps de guerre, y ferait entrer les navires affrétés à l'étranger.
Ceci dit, M. Bigard donne quelques renseignements sur la situation en Norvège et, comme suite aux conversations qu'il a eues précédemment avec M. Haarbleicher, il suggère à ce dernier de s'entendre avec les différents départements ministériels pour la réalisation du plan suivant :
1° - Voir le ministère des Affaires étrangères pour qu'il accrédite auprès du ministre de France à Oslo, le ou les fonctionnaires qui seraient envoyés de Paris pour préparer les tractations avec les armateurs norvégiens.
2° - Demander au département des Affaires étrangères de donner des instructions au ministre de France en Norvège, pour que M. Delachèze qui représente, à Oslo, l'Office de l'azote, se mette à la disposition des représentants du ministère de l'Economie nationale, de la Marine marchande et de l'Office des pétroles.
3° - Etablir rapidement un contrat-type d'affrètement avec indication de prix, qui serait révisé incessamment et qui serait passé avec les propriétaires de tankers norvégiens pour des locations en time-charter de longue durée, à compter du jour où le gouvernement français estimerait opportun de les prendre. Ce contrat indiquerait, naturellement, que les navires seraient couverts contre risques de guerre au profit de l'armateur, aux frais du gouvernement français.
Après un échange de vues assez long, mais qui n'a donné lieu qu'à des redites et à des banalités, M. Haarbleicher a déclaré que le plan qui venait d'être élaboré n'avait qu'un défaut : celui de paraître un peu long a exécuter et il souhaite que nous ne soyons pas dépassés par les événements.
Trafic charbonnier
Comme suite à la note précédente, je me suis entretenu avec M. L. Bigard qui m'avait fait une allusion, en sortant de chez M. Haarbleicher, aux difficultés qu'il avait pour faire comprendre à ce fonctionnaire la nécessité de se préoccuper également des transports de charbons de Grande-Bretagne en France.
Le directeur de la Flotte commerciale estime que, quoi qu'il arrive, les Anglais seront toujours satisfaits et en mesure de nous vendre Cif tous les charbons que nous voudrons.
M. L. Bigard prétend, au contraire, qu'il convient de prendre ses précautions et d'être prêts à affréter des bateaux étrangers pour transporter le combustible solide, comme on cherche à le faire pour le combustible liquide.
A supposer que les Anglais soient disposés à vendre Fob tous les charbons susceptibles d'être demandés par la France, il n'est pas dit qu'ils soient prêts à accepter de les vendre Cif.
Il ajoute que si tous les groupements régionaux constitués depuis quelques années par le gouvernement, en vue de la mobilisation, pour procéder à l'achat des charbons et faire la répartition ensuite entre les différents vendeurs, étaient libres d'acheter leur combustible Cif ports de la région considérée, ils ne tarderaient pas à se mettre en concurrence les uns les autres et à fausser complètement les cours. Il veut donc, à défaut d'un organisme unique pour procéder aux affrètements, une préparation comme celle qui est en train en Norvège, un organe central : la direction des Transports maritimes dépendant de la direction générale des Transports dans le ministère des Communications et Transmissions attribuerait le tonnage "bateau" disponible au tonnage "charbon" commandé.
Les bateaux étrangers, britanniques et scandinaves, dont l'affrètement pourrait être prévu suivant la formule norvégienne, seraient également couverts par l'assurance obligatoire.
M. Haarbleicher résiste à la suggestion de M. Bigard, de réunir la commission qui a siégé pour les pétroles et il ne serait pas fâché d'avoir l'avis de la Maison Worms sur la valeur de la thèse soutenue par Haarbleicher : il n'en ferait naturellement pas état.
Nota - J'ai cru comprendre que le directeur des Transports maritimes a l'intention de se faire désigner comme adjoints un certain nombre de directeurs d'entreprises : Desprez pour les pétroliers, et des personnes comme le directeur commercial des Chargeurs réunis, le chef du trafic de la CGT, etc.
Ce renseignement va d'ailleurs tout à fait à l'encontre de ce qui m'avait été dit, et aussi de I'organisation qui se trouve dans le projet de loi voté plusieurs fois par la Chambre et devenu caduc parce que non ratifié, en temps utile, par le Sénat. Ce projet de loi, relatif à "l'Organisation de la nation en temps de guerre" a été remis en chantier. Il prévoyait :
- un ministère des Communications et Transmissions qui, d'ailleurs, va être remplacé par un ministère des Communications et un ministère des Transmissions.
Au premier, est rattachée la direction générale des Transports avec, m'avait-on dit, Grimpret à sa tête. Cette direction générale avait deux directeurs, l'un, Haarbleicher, pour la direction des Transports maritimes, et X pour la direction des Transports terrestres et fluviaux.
Le directeur général avait un adjoint et un seul. Chacun des deux directeurs avait également, outre ses chefs de service, un adjoint.
Beaucoup de mesures prévues dans ce projet de loi sont d'ailleurs en application depuis des années, non point celles, bien entendu, qui ne sont prévues que pour le jour de la mise du pays en état de guerre : c'est le cas de celles auxquelles il est fait allusion plus haut.

Back to archives from 1936