1917.05.29.De Worms et Cie Bayonne

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Worms & Cie

Bayonne, le 29 mai 1917
MM. Worms & Cie - Paris

Messieurs,
Nous avons bien reçu en leur temps vos lettres des 19 et 21 mai, qui n'appelaient pas de réponse.
Traverses. Nous résumons, ci-après, notre conversation de ce matin qui a été assez difficile.
Vous avez eu, comme nous-mêmes, l'impression que M. Aronovici était un spéculateur très entreprenant qui voulait greffer sur son entreprise de traverses avec le Great Eastern d'autres affaires lucratives. Nous avons entendu dire qu'il s'était associé avec des maisons landaises pour faire le commerce des résineux sur une grande échelle, et il installe, ou doit installer, différents chantiers pour le travail des bois. Il doit même installer une scierie à Bayonne.
Sa conception de son rôle dans l'affaire du fret des bateaux du Great Eastern semblerait être qu'il voudrait entrer dans une affaire de participation avec nous pour spéculer sur la plus-value du fret résultant des avantages que le Great Eastern peut obtenir en se faisant remettre par le War Office des bateaux réquisitionnés. Il semble calculer que nous devons pouvoir jouer sur le taux des frets de façon à lui faire une part très large, peut-être 10 ou 15 F par tonne sur le fret charbon qu'il nous procurerait par sa combinaison. Ceci vous paraît, comme à nous-mêmes, impossible à réaliser et inadmissible. En considération du service notable qu'il nous rendrait en nous faisant obtenir du fret à des conditions normales, vous seriez d'avis que nous pourrions, au besoin, rémunérer son intervention comme courtier à l'aide d'une commission prélevée sur notre bénéfice, et qui pourrait peut-être, dans les circonstances actuelles, se chiffrer par 1 ou 2 F par tonne par exemple. C'est ce que nous essayerons de lui faire comprendre lorsqu'il causera à nouveau de cette affaire avec nous à son retour à Bayonne.
Il est probable qu'il s'est targué auprès de vous de ses relations très familières avec M. Taunton, général manager du Great Eastern, qui doit venir à Paris prochainement, nous avez-vous dit, et avec lequel vous pourriez avoir une entrevue.
Le côté inconnu de la question, en ce moment-ci est évidemment de savoir pour le compte de qui se fera le transport des traverses du Great-Eastern. Si M. Aronovici est fournisseur des traverses à la commission ou autrement, il ne s'ensuit pas que l'opération de fret est pour son compte, et, dès lors, ce serait probablement le Great Eastern qui entendrait bénéficier du fret d'entrée du charbon.
Enfin, il y a la question du transit des traverses, magasinage et embarquement qui représente un atout très important entre nos mains pour obtenir la préférence de celui pour le compte de qui les navires devront naviguer, tant comme économie sur le prix de la main-d'oeuvre que comme rapidité dans les opérations à Bayonne.
En somme, pour que l'affaire marche comme nous le souhaiterions, il ne faudrait pas que M. Aronovici cherchât à côté de nous d'autres combinaisons concurrentes qui lui permettraient d'écarter la nôtre en les présentant comme autant, sinon plus avantageuses. Nous sommes très intrigués par les entrevues qu'il a eues avec le préfet des B.P., M. Garat, maire de Bayonne, et, nous dit-on avec M. Plisson, bien qu'il professe ne rien vouloir traiter avec lui, et tenir sa combinaison en dehors de ce dernier. Enfin, pendant qu'il était à Paris, il a dû voir M. Herdner, ingénieur en chef de la traction du Midi. Nous sommes donc en présence d'un écheveau de pourparlers et d'intrigues dans lequel il n'est pas facile de voir clair pour le moment, ni qu'il est facile de débrouiller.
Agréez, Messieurs, nos sincères salutations.

[Pierre Le Roy]


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