1897.12.10.De Paul Rouyer - Worms et Cie Buenos Aires.Original

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Worms & Cie

402, Corrientes
Buenos Aires, 10 décembre 1897
MM. Worms & Cie
Paris

Chers Messieurs et amis,
Je vous confirme ma lettre du 2/3 courant et accuse réception de la vôtre du 12 novembre dont je vous remercie et dont l'intéressant contenu a eu toute mon attention. J'espère que ces lignes qui vous parviendront vers le 1er de l'an vous trouveront, vous et ceux qui vous sont chers, en bonne santé et je vous envoie à cette occasion pour vous et pour eux mes souhaits les plus sincères.
La situation se déblaie un peu ici en ce qui concerne le "management" de la Maison. Pour permettre à Moore de commencer sa collaboration, je lui ai fait déléguer la procuration par Lewis sans plus tarder. Il y a plus de ce côté qu'une difficulté à régler et qui est la rédaction de la circulaire à envoyer à la clientèle pour aviser l'adjonction de M. Moore à la direction.
Il est entendu que M. Le Mon se retire : il m'a demandé à être admis à présenter sa démission, ce à quoi j'ai consenti, ne voyant aucun avantage à procéder autrement.
Quant à M. Bastien, l'antagonisme avec M. Lewis est trop grave pour qu'on puisse songer à revenir sur ce qui a été fait.
La situation est fort peu encourageante mais si M. Lewis est sincère dans les efforts qu'il ne promet de faire pour l'avenir et si Moore collabore effectivement, nous pouvons espérer des jours meilleurs.
Lewis reconnaît la grave erreur qu'il a faite de se lancer dans d'autres affaires que le charbon, erreur que nous payons si cher cette année même : il dit aussi qu'il pourrait marcher plus économiquement comme personnel (cela reste à examiner). Si nous ne devons pas augmenter notre part de bunkering à La Plata, le dépôt dans ce port devra être supprimé.
Entente. Depuis ma dernière lettre les choses ont bien changé d'aspect. M. Harley nous a fait savoir qu'il venait de signer le contrat d'achat de la Carbonera par MM. Wilson. C'est donc pour cela qu'il nous avait précédemment déclaré qu'il se préparait à prendre sa part des "inland business".
M. Lewis aussi bien que Boyd et Cory's people croit que la Carbonera a fait à Wilson ce qu'on appelle ici "le tour de l'oncle", une sorte de vol à l'Américaine, et que nos voisins ont fait un mauvais marché qui les expose pour un avenir prochain à plus d'une déception. Lewis vous parlera sans doute de cette question dans sa lettre ; mais, en tous cas, je pourrai vous en causer à mon retour.
Quoi qu'il en soit notre projet d'entente est bloqué par l'obstination de Wilson d'une part, ces messieurs tenant à faire à leur gré des contrats à des prix et conditions qu'il leur conviendra d'accepter de ce qu'ils appellent leurs clients comprenant bien entendu la clientèle que leur a cédée la Carbonera, comme si les clients se vendaient comme moutons !
D'autre part, Boyd, qui vient de faire de nouveaux arrangements en Angleterre (peut-être bien avec Hull Blyth) attend des instructions qu'il a demandées et est tout à fait opposé à faire des contrats qui dans ce pays tout particulièrement, affirme-t-il, ne peut que tourner contre le marchand de charbon, vu la mauvaise [mot manquant] qu'on rencontre presque partout dans les affaires.
Il est donc fort probable qu'il n'y aura pas d'arrangements possibles et que la guerre va continuer. Toutefois, je suis porté à croire que personne ne sera enclin à trop sacrifier ses prix vu que tous sont fatigués du jeu de ces deux dernières années.
Nous avons été particulièrement touchés par le désastreux incendie de juillet, mais les voisins qui n'ont pas eu cela ne se trouvent guère mieux que nous.
Il conviendra de ne marcher que prudemment et il faudra trouver un moyen de tenir votre branche de Buenos Aires mieux avisée des cours cif à Cardiff, Sunderland et Glasgow qu'elle ne l'a été jusqu'ici. J'étudie la question à fond avant mon départ avec M. Lewis.
Charbons. Je vous confirme ce que je vous ai déjà dit dans mes précédentes lettres. Il faut continuer à expédier le Cardiff trois fois criblé et donner la préférence à Albion et Ferndale. L'écoulement de l'ancien stock ne peut se faire que très lentement et durera au moins quatre ou cinq mois encore.
Remises. Je regrette de dire que les rentrées de cette dernière quinzaine suffisent à peine à payer les frets des trois derniers arrivages dont le dernier ("Virginia") sera terminé demain.
Sur les $ or 130.000 qui sont environ la moyenne du compte débiteurs divers à l'actif, il y a les comptes Spinetto et Gardella & C° qui chiffrent à eux deux presque $ 70.000 dont la rentrée ne peut être ni complète, ni immédiate.
Pour Spinetto, Lewis est toujours d'avis que nous ne pouvons que gagner à attendre et espère ainsi arriver à notre chiffre de 75%.
A. Gardella & C° a soldé les $ 30.000 qu'il devait au moyen de billets hypothécaires garantis par du matériel flottant et Lewis n'a aucun doute sur la bonne fin de cette créance.
Parmi les autres débiteurs, il y aura encore bien des accros ou des retards. La coutume des longs crédits est absolument fâcheuse et la tendance à réagir contre elle se montre très accentuée fort heureusement et nous devons supprimer ces longs termes pour l'avenir.
En attendant le plaisir de vos nouvelles, chers Messieurs et amis, je vous serre la main bien affectueusement.

Paul Rouyer

P.-S. Je reçois à l'instant votre bonne lettre du 19 novembre qui contient beaucoup de nouvelles dont je vous remercie mais qui ne sont pas gaies non plus et me font craindre que la période de lutte là-bas comme ici ne soit pas encore clause. Cette situation est bien singulière et peu satisfaisante et je me demande combien durera encore la mauvaise veine dans laquelle nous paraissons enfoncés ?

Bien à vous,

Paul Rouyer


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