1855.06.00.Hypolite Worms contre Jullien.Mémorandum.Original

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Réponse pour M. Hypolite aux notes explicatives de M. Jullien

Réponses à la note historique des faits produite par M. Jullien
Le point de départ entre M. Jullien et M. Worms est naturellement la lettre du 15 juillet 1853, établissant les conditions faites au premier et les obligations qu'il avait à remplir.
Les conditions sont un fait que le tribunal appréciera.
Reste à examiner comment les obligations ont été remplies.
Le 27 juillet, M. Jullien nous annonce avoir eu une longue conférence avec Lord [Palamerster].
Le 2 août, félicitations de M. Morin qui lui dit : « c'est une grande affaire ».
Le 5 août, félicitations de M. Worms.
Le 6 août, nouvelles félicitations de M. Worms.
Le 8 août, encouragement de M. Morin : « persévérer dans la voie que vous avez suivie ».
Que conclure de tout cela, sinon que ce que disait M. Jullien était de nature à mériter nos éloges.
Mais, malheureusement, dans la gestion de M. Jullien, il faut distinguer deux choses, les paroles et les faits.
En résumé, à quoi applaudissions-nous ? À ce que nous disait M. Jullien, à un succès imaginaire qu'il nous donnait comme certain, en un mot, à ce qu'il nous promettait. Que conclure de cela si ce n'est que nous avions foi en ce qu'il nous disait ?
Mais après les paroles, devaient venir les faits. Examinons les.
Pendant son séjour à Londres, en août et septembre, M. Jullien avait obtenu :
- une audience de Lord [Palamerster] et une lettre d'introduction pour les agents du pays de Galles.
- une lettre d'introduction pour le colonel [Pernant]. (M. Jullien passe cette circonstance sous silence et pour cause.)
- une lettre d'introduction pour M. Wyatt, l'homme d'affaires du colonel.
- une lettre d'introduction pour M. Millington, administrateur des carrières de M. Ashton Smith.
Ces recommandations sur lesquelles M. Jullien avait échafaudé un immense succès, qui lui valaient nos éloges, à quoi ont-elles abouti ?
Près des agents de lord Palamerster : échec complet, pas moyen d'obtenir même des essais.
Près du colonel Pernant, propriétaire des carrières de [Penrhym] : échec plus complet encore. M. Jullien, qui nous écrivait : « j'ai envoyé ma lettre d'introduction au colonel; j'aime mieux loger à [Penrhym] Castle qu'à l'hôtel », n'obtient pas même d'être reçu.
Près de M. Wyatt, il trouve un ennemi qui, dit M. Jullien, se met à la tête d'une coalition contre lui.
Près de M. Millington, résultat aussi négatif que partout ailleurs.
Que résulte-t-il de tout cela ?
Que M. Jullien nous avait promis la peau de l'ours, qu'il ne l'a pas tué, qu'il en a eu seulement l'intention. Eh bien, que M. Jullien nous permette de reprendre nos éloges anticipés, et nous admettrons son insuccès comme une chance d'affaires.
Mais, pour cela, il faut qu'il renonce par exemple, à se prévaloir d'une lettre de M. Worms (2 septembre 1853) qui lui exprime son regret d'un retard dans l'envoi de la machine modèle, à cause du mauvais effet qu'il fait produire sur l'esprit des personnes considérables qu'il a su intéresser à l'affaire. Car, les personnages considérables dont il est question n'ont jamais existé que dans l'imagination de M. Jullien et la bonne foi de M. Worms.
Le 14 et le 15 novembre, M. Morin félicite M. Jullien et considère l'acquisition de MM. Thomas et de Winton comme très importante.
C'est toujours la même manière d'argumenter.
M. Morin n'avait jamais été dans le pays de Galles, il ignorait jusqu'à l'existence de MM. Thomas et de Winton. M. Jullien lui donne de longs détails, lui vante les services que doivent lui rendre ces messieurs. Que répond M. Morin ? C'est une acquisition importante, je vous en félicite.
Qu'y a-t-il en cela dont puisse se prévaloir M. Jullien ? Il était félicité sur parole et c'est tout.
Le 6 octobre 1853, M. Morin arrive à Carnarvon avec ses mécaniciens.
Le 10 octobre, M. Worms écrit : « je comprends vos hésitations sur les prix à fixer, vous déciderez à vous deux. » Qu'est-ce que cela prouve ? Que M. Jullien devait, d'après les instructions de M. Worms, en référer à M. Morin.
Les 16 et 18 octobre, dit M. Jullien : « M. Morin, qui près de moi voyait, appréciait par lui-même. »
Ici, expliquons-nous encore. M. Morin voyait, c'est très vrai, mais il n'appréciait pas, et cela pour la meilleure de toutes les raisons, c'est que M. Morin, qui ne savait pas à cette époque un seul mot d'anglais et ne connaissait à Carnarvon que M. Jullien seul qui parlât anglais, ne pouvait apprécier que par lui seul, sur la foi de ce qu'il lui disait. En un mot, à cette époque, M. Morin n'avait pas d'opinion qui lui fût propre et dont puisse se prévaloir M. Jullien.
Enfin, toutes les prévisions furent déçues et il arrive, comme il le dit, un échec. Nous sommes complètement repoussés.
Mais, est-ce que nous prenons prétexte de cela pour rompre avec M. Jullien ? Et cela était bien facile avec un homme qui disait : « l'affaire de M. Worms dans le Carnarvon ne vaut pas deux sous ». (La preuve légale de ces dires sera produite au tribunal pour faire pendant à la demande de 100.000 FF de dommages et intérêts.)
Loin de là, M. Morin écrit à M. Jullien. La lettre de 22 novembre n'est-elle pas encourageante, amicale ? N'était pas un [bill] d'indemnité, confirmé plus tard par ces mots de M. Worms : « nous ne vous rendons nullement responsable de l'échec que nous avons subi ».
Néanmoins, M. Jullien, par sa faute ou par celle des circonstances, n'était arrivé à rien. Il avait perdu son temps, nous notre argent. C'était un malheur commun. Nous ne lui adressons pas un reproche.
Il fallait, comme le dit fort bien M. Jullien, ou abandonner, ou reprendre à nouveau. Nous nous décidons pour ce dernier parti et M. Jullien vient à Paris.
« J'arrive, dit M. Jullien, bien décidé à ne plus écouter des conseils venus de loin, à diriger l'affaire seul et selon les impressions qui pourraient m'être transmises par les circonstances. Notre but étant le même, nos intérêts communs, c'était le seul moyen de marcher sûrement. C'était la lettre de mes pouvoirs. »
Tout d'abord, en lisant ces singulières lignes, nous nous demandons, nous demandons à M. Jullien, en quoi il avait suivi des conseils venus de loin ? Est-ce qu'il n'avait pas tout dirigé ? Est-ce qu'il n'avait pas été libre de tout faire ? Est-ce qu'il n'avait pas tout fait ?
Certes, si nous avions été appelés à formuler nous-mêmes notre avis sur les causes qui ont amené notre rupture avec M. Jullien, nous ne l'aurions pas fait en termes plus clairs, plus positifs, plus propres à éclairer le débat.
M. Worms avait signé la lettre du 15 juillet, donc, M. Jullien avaient les pouvoirs de M. Worms pour traiter même contre la volonté de M. Worms. Donc, il était bien décidé à ne plus écouter des conseils venus de loin, à diriger l'affaire seul, suivant ses impressions.
En un mot, M. Worms avait abdiqué en faveur de M. Jullien !
Nous remercions M. Jullien de nous avoir aussi ingénument exposer sa doctrine et révéler les sentiments qui l'animaient alors, et nous n'avons plus à nous étonner des résultats qu'ils devaient inévitablement amener.
Ce résultat fâcheux était, nous le répétons, d'autant plus inévitable que M. Jullien nous faisait croire qu'il faisait cas de nos avis, ou, en tout cas, qu'il était décidé à les suivre. Ainsi, il nous écrivait (voir la lettre ci-jointe) : « je vous prie de vouloir bien répondre et sous forme d'instructions détaillées, car, aujourd'hui, je ne sais sur quel terrain je marche, et moins je dois être timide dans les pas que j'ai à faire, et, d'un autre côté, je ne désire en aucune façon que mes démarches n'aient pas l'approbation de la majorité à laquelle je me range quel qu'en doive être le résultat. »
Et puis, quand les instructions que lui transmettait M. Worms lui parvenaient, il s'oubliait au point de répondre (lettre du 26 mars 1855) : « quant à accepter la position d'intermédiaire pouvant se retrancher devant une volonté plus haute que la sienne, je décline, parce que depuis douze années que je suis en rapport avec ce pays, j'ai appris que la manière de faire française, qui peut s'expliquer par les quelques lignes qui précèdent, c'est-à-dire à prendre un engagement, puis après, s'il est favorable ou non, chercher à l'éluder. En un mot, ce qu'à Paris on appelle habileté. »
Est-il, nous le demandons, un chef de maison honorable qui pourrait tolérer d'un représentant, même intéressé à 12%, un pareil langage ?
Et cependant, notre [ingénuité] a été si grande que nous avons supporté cela.
Jusqu'à présent, nous avons, le plus que nous avons pu, suivi M. Jullien à peu près pas à pas, mais la note historique des faits à laquelle nous répondons, entre, à partir de ce moment, dans un système d'appréciations personnelles, qui ne nous permet plus de la suivre comme nous voudrions. En effet, cette note prend le caractère d'un exposé de ses opinions personnelles et de celles qu'il nous a prêtées. Nous essaierons en conséquence d'extraire les faits auxquels nous avons à répondre, déclarant du reste n'avoir pas maintenant à nous occuper de l'opinion de M. Jullien ni de celle qu'il nous prête trop généreusement.
Remontons pour un instant au point de départ de notre seconde campagne.
Les lettres d'introduction de M. Jullien n'avaient conduit à rien. Il fallait en chercher, sinon de plus hautes, à cet égard nous ne pouvons rien dire puisque nous ne les avons jamais connues, au moins de plus efficaces.
M. Worms, par l'intermédiaire de M. Scott Russel (le célèbre constructeur du navire 'Monstre le Léviathan') introduit [...] M. Jullien près de M. Ashton Smith.
M. Ashton Smith écrit à M. Millington.
M. Jullien revient à Carnarvon avec instruction de laisser de côté toutes les autres affaires.
Que s'y passe-t-il ? Beaucoup de correspondances entre nous et M. Jullien et des pourparlers avec M. Millington.
Alors commence à éclater la dissidence qui devait nous conduire à une rupture.
Cependant, M. Jullien avait indiqué à M. Millington un chiffre de £ 100 par machine. Nous sentîmes que revenir sur une pareille parole était bien délicat et nous l'acceptâmes. M. Worms écrit donc le 13 mars à M. Jullien : « £ 100 soit, mais encore faut il s'entendre sur une quantité ! ».
« Que ne demandait-on tout de suite de les payer d'avance, dit M. Jullien, c'eut été plus tôt fait. ». Et il part de là pour faire un long raisonnement pour arriver à cette conclusion : « cette demande était donc superflue, c'était une mauvaise entente de la position. »
M. Jullien n'est pas heureux dans ses appréciations, et en cela encore, il se trompait complètement. Et cette prétention si parfaitement intraitable de la part de M. Worms c'était si bien une demande superflue et une mauvaise entente de la position qu'aujourd'hui, fin juin 1855, M. Millington, en possession de ses machines, dont il se déclare satisfait, n'en a pas commandé une seule de plus, depuis plusieurs mois.
Ainsi le désaccord ne faisait que s'accroître. Plus que jamais M. Jullien résistait aux instructions qui lui étaient données. Le parti pris de n'écouter aucun conseil, de diriger l'affaire seul, portait ses fruits.
C'est alors que M. Worms prend le parti décrire directement à M. Millington et d'en adresser la copie à M. Jullien.
Après la lecture de cette lettre on se demande en quoi elle a pu à ce point exciter la susceptibilité de M. Jullien qu'il la fasse, dans son exposé des faits, précéder de cette phrase : « ces messieurs, oubliant toutes les convenances, cherchent à se mettre directement en correspondance avec M. Millington ».
Comment M. Worms oublierait toute convenance en se mettant en rapport avec M. Millington ?
M. Jullien ajoute : « M. Millington m'a répondu à moi, mais son silence vis-à-vis de M. Worms a prouvé ce que celui-ci aurait dû savoir, c'est que les habitudes anglaises ne se prêtent pas à de pareils manques de convenances pour la personne accréditée ».
De pareilles opinions, cher M. Jullien, n'étaient pas un élément de conciliation. D'un autre côté, nous étions à Paris aussi fermes qu'unanimes.
Nous voulions une affaire sérieuse, nous voulions vendre des licences, nous ne voulions pas nous faire à tout jamais fabricants de machines en Angleterre, et, encore moins, être obligés indéfiniment à les livrer au prix de 100 livres, chaque, à M. Millington, qui ne s'engageait à rien à notre égard. Enfin, nous résistions énergiquement à M. Jullien, qui de son côté, avec une ténacité dont son exposé historique des faits peut donner une idée, ne démordait pas.
Enfin, après des tiraillements auxquels M. Jullien donne des explications imaginaires, que nous expliquons, nous, tout naturellement par son peu de disposition à suivre nos avis, nos rapports s'aigrissaient de plus en plus. La position, en un mot, était tendue. Qui céderait de M. Worms ou de M. Jullien ? Ce ne pouvait être le premier, ce fut le second qui conjura momentanément l'orage par un expédient.
En effet, M. Jullien nous écrit : « M. Millington accepte toutes vos conditions contenues dans votre lettre du 30 ».
Heureux d'accueillir cette assurance, prêts à oublier tout dissentiment, nous attendons la confirmation de cette bonne nouvelle.
Mais nous attendons en vain. M. Millington ne répond pas à cette lettre dont il avait accepté toutes les conditions.
M. Worms se trouve blessé et écrit à M. Jullien : « revenez ».
Pendant ce temps, M. Millington répond et M. Worms écrit à M. Jullien : « restez ».
L'explication est on ne peut plus naturelle, ce qui n'empêche pas M. Jullien de dire que M. Worms le ballotte de toute façon.
Mais revenons à la lettre de M. Millington, qui avait accepté toutes nos conditions. Cette lettre les repoussait toutes !
Cela nous paraissait incroyable. Cependant, comme il était question d'un projet d'acte, nous l'attendions pensant qu'il expliquerait quelques malentendus. Loin de là, l'acte était encore une aggravation de la lettre ! Il est au dossier.
Et cependant, il faut le remarquer, la lettre de M. Millington, outre qu'elle repoussait toutes nos conditions, en renferme une exorbitante et nouvelle, c'est celle-ci : « vous entreprendrez de fournir à certaines époques quelque nombre de machines que ce soit au prix ci-dessus (£ 100 - machines et licence) ».
M. Jullien néanmoins persistait à nous faire tout accepter, et la lettre et le projet d'acte !
Cette fois, il fallait s'expliquer carrément. M. Jullien est prié de venir le faire à Paris.
Peu édifiés par ses explications, inquiets d'ailleurs sur la fabrication de machines, dont la livraison était différée de quinzaine en quinzaine, on décide que M. Morin irait à Carnarvon.
1° pour savoir comment M. Millington, qui avait accepté nos conditions, en substituait d'autres ;
2° pour s'assurer du point où en étaient les machines en fabrication.
À son arrivée, M. Morin voit M. Millington et reçoit de lui la déclaration qu'il n'a jamais accepté nos conditions et de MM. Thomas et de Winton qu'ils n'avaient pu encore s'occuper de la fabrication des machines.
En un mot, M. Morin et M. Worms acquirent la preuve que M. Jullien les avait trompés, que de cette prétendue acceptation de nos conditions comme cette prétendue construction des machines, il n'existait rien. En un mot, que M. Jullien nous avait outrageusement menti sur ces deux questions capitales de l'affaire.
En un mot, que l'affaire était encore une fois compromise, qu'il fallait ou l'abandonner ou la recommencer une troisième fois à nouveau.
La réponse à la note supplémentaire de M. Jullien fera comprendre ce qui est arrivé et comment nous arrivâmes à sortir de l'impasse où nous avait laissé M. Jullien.

Renvoi de la page 6 de la réponse à la note additionnelle.
M. Jullien dit : « on serait en droit de penser que M. Morin, dès son arrivée, va faire connaître à M. Millington qu'il ne peut pas plus que M. Worms accepter les conditions stipulées par moi (nous prenons note de cet aveu) ou du moins chercher à en amender les conditions. Du tout ! M. Morin laisse subsister toutes les conditions. En un mot, suit mes propres errements de négociation. »
À l'appui, il cite une correspondance avec M. Millington. Nous en donnons, puisqu'on s'en fait un argument, la production en son entier.
Mais il n'y a pas de correspondance qui puisse détruire un fait matériel. Et voici notre réponse : M. Morin a si bien fait connaître à M. Millington qu'il ne peut pas plus que M. Worms accepter les conditions stipulées par M. Jullien (et ce n'est pas le fait le moins remarquable de la gestion de M. Jullien qu'il ait lui-même stipulé les conditions du traité onéreux qu'il voulait nous faire consentir) que M. Morin a refusé net de le signer.
Et la preuve c'est qu'il ne l'a jamais été.
De plus M. Morin a si peu laissé subsister les conditions du projet Millington, ou pour me servir de son expression ingénue, nos conditions, il a si peu suivi ce que M. Jullien appelle ses propres errements qu'il est entré avec M. Millington dans une voie complètement nouvelle.
En effet, M. Morin a fait monter en septembre une machine et non pas six à titre d'essai.
M. Millington, après plusieurs mois d'essai de cette première machine, s'en étant déclaré satisfait ; M. Morin lui en a monté cinq autres. Mais cette fois, non plus à titre d'essai, non plus avec la liberté, qu'accordait à M. Millington le traité, de nous dire, sans autre motif que son bon plaisir, enlever vos machines, elles ne conviennent pas, mais bien contre l'obligation de M. Millington non seulement de conserver quand même les six machines et d'en payer le montant mais de reconnaître à l'avance le droit de M. Worms à la patente (M. Jullien, il est vrai, n'aurait pas eu cette difficulté, il sait où est le titre).
Où M. Jullien voit-il en cela que j'ai suivi ses propres errements ?
La seule chose que j'ai conservée, parce qu'il y eut eu indélicatesse, c'est le prix malheureusement désastreux de 100 £ par machine.

Réponse à la note additionnelle et explicative de la situation qui m'a été faite par M. Morin, à la première séance, et des motifs qui le poussaient à agir pour me calomnier.
Avant d'entrer dans l'examen de cette note, donnons quelque attention à cette expression de calomnie.
M. Morin a cité des faits, ils sont ou ils ne sont pas ; s'ils existent, il n'y a pas calomnie ; s'il n'y a pas calomnie, il n'y avait pas de motifs pour calomnier.
Jusqu'à présent, et nous continuerons, il y a entre le système d'attaques de M. Jullien et notre système de défense, cette énorme différence, c'est que M. Jullien non content d'attaquer sans cesse de nos intentions, ne cesse de les donner comme des certitudes, d'échafauder de longs raisonnements sur les idées qu'il prête surtout à M. Morin, tandis que nous restons constamment dans la discussion des faits, sans avoir jusqu'à présent attaqué en rien les intentions et les motifs de M. Jullien. Nous ne parlons que de ce que nous pouvons prouver, car, comme des intentions échappées à toute espèce de preuve, nous nous abstenons d'examiner qu'elles ont pu être celles de M. Jullien, ce serait le suivre dans une voie de calomnie où nous le laissons car nous lui retournons l'expression.
Venons au fait. « A mon retour à Carnarvon, dit M. Jullien, commencent les difficultés. J'étais trop coulant, je ne suivais pas les instructions qui m'étaient données, et il ajoute, mes pouvoirs me donnaient le droit d'agir pour le mieux des intérêts communs sans avoir à en référer en tant qu'il s'agissait d'un traité partiel. »
Nous avons reproché à M. Jullien d'être trop coulant, de n'avoir pas suivi nos instructions ? Oui. Ici donc, pas d'équivoque, nous vous le reprochons encore.
Mais vos pouvoirs, dites-vous, me donnaient le droit d'agir pour le mieux des intérêts communs sans avoir à en référer.
Ici nous sommes loin d'être d'accord. Et d'abord, nous poserons à M. Jullien cette question : si vous étiez libre d'agir sans en référer, étiez-vous libre d'agir contrairement à la volonté formelle de M. Worms quand vous lui en avez référé ?
Quant à nous, nous ne le pensons pas et nous soutiendrons parfaitement la discussion sur ce terrain.
Mais avec M. Millington, il ne s'agissait pas de la vente d'une simple licence ; il s'agissait de vendre la patente des deux comtés. C'est vous qui le dites et c'est la vérité ; il s'agissait de ventes de machines ; il s'agissait « d'entreprendre, de fournir à M. Millington, à certaines époques, quelque nombre de machines que ce soit, au prix de £ 100, machines et licence » (voir la lettre de M. Millington).
Il s'agissait donc d'une affaire capitale, d'une livraison de machines (au dire de M. Jullien même 100 machines), qui pouvait s'élever à F 250.000 qui auraient dû sortir de la caisse de M. Worms, avec toutes les éventualités attachées à une semblable opération.
Et si M. Jullien prétend qu'il avait le droit de traiter une semblable affaire sans en référer, nous n'admettons pas cela et nous dénions formellement ce droit à M. Jullien.
Continuons.
J'arrive à Paris le 11 mai [muni] du traité provisoire. Ces messieurs déclarent qu'ils n'accepteront pas un pareil traité. Est-ce un reproche [un] grief de M. Jullien ? Nous l'acceptons sans réserve. Ce traité, nous avons refusé net d'y adhérer et nous nous en applaudissons.
« M. Morin part pour Carnarvon, dit M. Jullien, pour surveiller la fabrication de machines et notifier à M. Millington le refus d'acceptation des clauses et conditions du traité. »
Ici, M. Jullien approche de la vérité. Cependant, il se trompe encore. M. Morin va à Carnarvon :
1° - pour s'assurer du point où en est la construction des machines ;
2° - pour savoir comment M. Millington, qui avait accepté toutes nos conditions, les repoussait toutes.
À son arrivée à Carnarvon, M. Morin acquiert la preuve que l'acceptation de M. Millington et la fabrication des machines n'étaient qu'une fable inventée à plaisir par M. Jullien.
Est-ce notre faute ?
Mais M. Jullien peut-être encore va crier à la calomnie. Eh bien, cherchons à nous entendre, nous sommes conciliants.
Que M. Jullien nous apporte de M. Millington l'acceptation de nos conditions.
Qu'il fasse venir à nos frais, nous y consentons, les six machines en fabrication à Carnarvon, dans la position où elles se trouvent et M. l'arbitre rapporteur et le tribunal apprécieront.
Mais si M. Jullien ne fait venir ni lettres ni machines quelle conclusion sommes-nous en droit d'en tirer ?
C'est que l'acceptation de M. Millington, c'est que la fabrication des machines n'ont jamais existé que dans la correspondance M. Jullien.
M. Jullien continue : « M. Morin va à Carnarvon. Il va chez MM. Thomas et de Winton pour s'assurer où en est leur construction. Il commande même des pieds [adductibles].
Fausse allégation pour la meilleure de toutes les raisons, c'est qu'on ajoute rien à ce qui n'existe pas. Si M. Jullien persiste, nous lui demandons la preuve ; si le fait est vrai, elle est facile à donner. S'il ne la donne pas, c'est que l'allégation est fausse.
Le seul rapport d'affaires que M. Morin ait eu avec MM. Thomas et de Winton, c'est de leur avoir commandé un [procédé ou poulie] d'action pour [Lamberis].
Est-ce là ce que M. Jullien appelle une commande de pièces additionnelles aux prétendues machines de Carnarvon ?
M. Morin devait donc savoir où en était leur construction.
Parfaitement, et c'est ainsi qu'il a su que cette prétendue construction n'existait pas, et c'est non pas malgré cela, mais bien à cause de cela que M. Morin a écrit alors à M. Worms ce qu'il a depuis avancé devant M. l'arbitre rapporteur comme il l'avance encore et l'écrit en ce moment, que toute la correspondance de M. Jullien à l'égard de la construction des machines est mensongère.
M. Jullien continue : « pourquoi M. Morin n'a-t-il pas fait terminer les machines en construction ? »
Pour la meilleure de toutes les raisons, c'est que M. Jullien ne les avait pas fait commencer.
Pourquoi M. Morin en a-t-il commandé à Manchester ?
Parce que MM. Thomas et de Winton ne les faisaient pas.
Ici vient se produire une accusation contre M. Morin « d'en avoir imposé quand il disait que les machines donneraient de la perte à £ 100 tandis qu'elles donneraient [au] moins £ 45 de bénéfice.
Cette inculpation tombe devant ce fait que M. Morin avait spontanément, avant qu'il en eut connaissance, remis à M. l'arbitre rapporteur la facture des cinq machines fabriquées postérieurement à Manchester et livrées à M. Millington ; elle est à la disposition de M. Jullien, qu'il y ajoute les frais d'emballage, de transport, d'installation, et qu'il établisse s'il le peut un bénéfice de £ 45 par machine, là où nous avons déboursé plus que nous avons reçu. Voir à la page 13 de notre première réponse, celle que nous faisons à une objection de M. Jullien passée à tort sous silence.
Nous voici au bout des griefs de la note supplémentaire.
Maintenant, il conviendrait beaucoup à M. Jullien, nous le comprenons, de trouver, dans les affaires particulières de M. Morin, un motif à sa révocation, et il entre avec une incroyable assurance dans la voie de suppositions de toute nature.
Pourquoi nous donner tant de mal, M. Jullien, pour chercher si loin le motif de votre révocation ? Que vous fait que M. Morin ait eu ou non besoin d'argent ? Qu'il emprunte ou qu'il n'emprunte pas ? Est-ce que nous n'articulons pas nettement ce motif ? Est-ce qu'il n'est pas tout au long articulé dans l'exposé de nos griefs, qui peuvent se résumer en si peu de mots ?
M. Worms vous a révoqué parce que vous refusiez de suivre nos instructions, tantôt vous accusant, tantôt vous déclinant, ce sont vos propres paroles, parce que vous compromettiez nos intérêts, parce qu'enfin, nous avons découvert que votre correspondance était mensongère et il nous a été impossible de confier plus longtemps nos intérêts à un agent insubordonné est menteur.
Nous pourrions même ajouter maintenant parce que vous stipuliez vous-même, contre nos intérêts, les conditions d'un traité léonin que, jusqu'à votre précieuse déclaration, nous avions pu considérer comme l'oeuvre de M. Millington.
Enfin, nous le répétons à satiété, vous avez été révoqués parce qu'au lieu de nous gagner de l'argent, vous nous en perdiez, parce qu'au lieu de nous dire ce qui se passait, vous nous trompiez, parce qu'au lieu d'être pour nous, vous étiez contre nous, puisque vous stipuliez vous-même les conditions qu'on voulait vous imposer, parce qu'au lieu de suivre nos instructions, vous faisiez tout le contraire et cela avec une intention arrêtée à l'avance de diriger seul l'affaire, intention dont vous convenez aujourd'hui.
Est-ce que ces motifs ne sont pas suffisants ?
Si ses griefs ne sont pas fondés, si nous avons agi par pur caprice, eh bien nous en supporterons les conséquences et, à cet égard, nous sommes parfaitement tranquilles.
Maintenant, persisterez-vous à chercher un argument dans les dispositions conciliantes qui vous ont été témoignées, la reconnaissance de votre droit, nous [le] protestons et nous vous donnons nos motifs.
Les voici :
Vous pouviez ruiner l'affaire, nous voulions l'empêcher.
Vous pouviez nous faire un procès, nous voulions l'éviter.
Vous aviez, vous avez encore le titre de notre patente qui vous a été confié sans reçu, nous voulions le ravoir.
Nous n'avons pu, malgré tous nos efforts, arriver à rien qu'à un procès ; nous le soutiendrons.


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