1906.01.15.A Ch. Hischemoller.Rotterdam

Courrier retranscrit sur une fiche manuscrite 

Le Havre, le 15 janvier 1906

Cher Monsieur Hischemoller,
J'ai bien reçu votre lettre du 11 et m'informant de l'établissement d'un service entre Rotterdam et la Finlande par la Finska Angfortygas Aktrebolog. Mais même si cette Compagnie combine ce service avec ceux qu'elle fait déjà dans la saison au départ des ports français, je considère qu'elle n'aura, en raison du peu de fréquence et de l'irrégularité de ses départs, aucune chance de concourir avec les lignes établies pour le fret au départ de Bordeaux et du Havre pour Rotterdam.
Je viens maintenant vous donner le résultat de ma conférence avec les chefs de ma maison au sujet de l'affaire qui a motivé mon voyage à Rotterdam, conférence dans laquelle nous avons examiné et pesé de la manière la plus approfondie tous les aspects de la question.
En résumé, celle-ci se pose de la manière suivante :
1°) II n'y a aucune raison d'établir un nouveau service régulier entre Bordeaux et la Hollande, ceux qui existent assurant des communications bien suffisantes pour l'importance du trafic et fonctionnant à la parfaite satisfaction de la clientèle.
2°) La situation plus avantageuse de votre port à l'égard de la région du Rhin peut être une raison de chercher à augmenter, au détriment d'Amsterdam, la part prise par Rotterdam à ce trafic. Mais, c'est une raison locale qui ne saurait déterminer les armateurs étrangers, le service d'Amsterdam étant entre les mains d'une puissante Compagnie qui ne se laissera pas déposséder de son trafic acquis, et la lutte dans laquelle il faudra entrer avec elle devant absorber et au-delà tout le bénéfice des avantages du port de Rotterdam.
3°) II est vrai que nous aurions d'excellentes raisons d'absorber le service entre Bordeaux et Rotterdam, puisqu'en l'amalgamant avec ceux que nous assurons déjà, nous pourrions augmenter le nombre des départs tout en réalisant une sérieuse économie d'exploitation. Mais puisque nous n'avons pu décider amiablement les possesseurs du service actuel à nous le céder ou à entrer dans une combinaison avec nous, nous ne pouvons que nous incliner avec regret. Il répugnerait à ma maison de se livrer à une agression pour arracher par la violence ce qu'elle ne peut obtenir par la persuasion. Son principe est en effet, que du moment où ses voisins font, comme elle-même, ce qui est nécessaire pour donner complète satisfaction aux besoins du commerce, elle doit respecter leur terrain comme elle est toujours résolue à faire respecter le sien.
Dans ces conditions, ma maison a le vif regret de ne pouvoir donner suite à vos projets en organisant directement ou en soutenant indirectement, une concurrence à la ligne de la maison Smith & Cie. Mais si d'autres prenaient cette initiative, et si un nouveau service concurrent s'établissait, elle considérerait alors qu'il n'y a plus là un terrain gardé, et se réserve entièrement de prendre dans ce cas et à ce moment, la position qu'elle jugera conforme à ses intérêts dans l'avenir.
En ce qui concerne Nantes-Rotterdam, ce service pourrait avoir quelque intérêt si l'on pouvait le combiner avec un autre en faisant de Nantes une escale;
mais il est certain qu'il ne pourrait à lui seul alimenter un steamer, et il faut donc y renoncer en même temps.
Avec l'expression de tous les regrets que j'éprouve à manquer ainsi l'occasion de nouer avec votre maison d'agréables relations permanentes, et dans l'espoir que cette occasion se présentera à nouveau sans trop tarder, je vous prie, Cher Monsieur Hischemoller, de vouloir bien me rappeler au bon souvenir de Monsieur votre père et d'agréer pour vous-même l'expression de mes sentiments cordiaux.

Monsieur Chr. Hischemoller,
de la maison Johs Otten & Zoon, Rotterdam

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