1972.06.27.De Banque Worms.A Fredet Datar

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Paris, le 27 juin 1972,

Monsieur Frédet Datar
1, avenue Charles Floquet
Paris 7ème

Monsieur,
Comme suite aux conversations que j’ai eues avec vous, je vous remets, ci-joint, une note que je viens d'établir et que j'ai également remise à M. Doublet, Préfet de la Région Parisienne, lors de la visite que je lui ai rendue la semaine dernière sur votre suggestion.
Cette note reprend en grande partie les termes de celle que je vous ai déjà fait parvenir, et répond aux différents points que vous avez soulevé lors de ma visite en vos bureaux.
En vous remerciant bien vivement d'avance du bon soin que vous apportez à ce dossier, je vous prie de croire, Monsieur, à l'assurance de ma consi­dération distinguée.

G. Dexant

Banque Worms


La Maison Worms, fondée en 1848, s'est installée au n° 45 du boulevard Haussmann à Paris en 1877. Elle est aujourd'hui au centre d'un groupe maritime, bancaire et financier d'envergure inter­nationale comprenant, sous le contrôle et l'animation du holding "Messieurs Worms & Cie" :
- la Banque Worms dont le total du bilan est au 31 décembre 1971 de F. 4.786.000.000 et qui, à côté de son activité bancaire tradition­nelle, a beaucoup développé, ces dernières années, ses interventions internationales. Elle occupe en particulier une place de tout premier ordre dans la construction à l'étranger de grands ensembles indus­triels utilisant les matériels et l'engineering français et est présente dans la plupart des syndicats des grands emprunts interna­tionaux ;
- des activités maritimes exercées par la société "Worms-Compagnie Maritime et Charbonnière" et la Compagnie navale Worms. Ces deux sociétés sont installées au 50 boulevard Haussmann, en face de la Banque. Le groupe de la Compagnie navale Worms possède, compte tenu des navires en construction, un tonnage de plus de 2.500.000 tonnes, ce qui le situe au tout premier rang de la flotte marchande française, notamment dans le domaine du transport pétrolier ;
- le contrôle de deux compagnies d'assurances.
Autour de ces trois activités de base gravitent, dans la tradition du "Merchant Banking", de nombreuses sociétés de services et des filiales spécialisées. Les relations entre toutes ces sociétés sont multiples et constantes et leur interdépendance exige, pour une meilleure efficacité, qu'elles soient situées à proximité les unes des autres, si possible dans le même immeuble. De plus, le caractère même des activités exige leur maintien dans le quartier de l'Opéra, au sein de la communauté financière. Il faut ajouter que son personnel profite, pour ses déplacements, de la proximité de la Gare St-Lazare et de la station Auber du R.E.R. et qu'une grande partie de celui-ci s'est fixée dans les banlieues desservies par les lignes de chemin de fer qui aboutissent à la Gare St-Lazare.
La Banque elle-même a connu un développement rapide au cours des dernières années. En 1967, elle a absorbé la Banque Industriel­le de Financement et de Crédit et Sofibanque Hoskier. Ces absorptions et la forte croissance de la Banque au cours des dernières années (total du bilan à fin 1966 : 1.205 millions, total du bilan à fin 1971 : 4.786 millions de F.) ont eu pour conséquence une exploitation peu rationnelle dans des locaux devenus trop exigus. Leur surface actuelle totale est de l'ordre de 10.500 m2 pour les 850 personnes qu'elle occupe et il faut souligner qu'il s'agit la plupart du temps d'anciens appar­tements bourgeois du XIX° siècle qui ne sont pas fonctionnels et qui sont parfois séparés complètement du siège mais situés dans le même quartier.
Le coefficient d'occupation est de 12,3 m2 utile par personne alors que le coefficient considéré comme normal est de 15 m2 et qu'il est même supérieur à 15 m2 pour les banques d'affaires.
Malgré le départ des services maritimes et combustibles et celui de certains services dans les rues avoisinantes, les conditions de travail du personnel sont telles que le Comité d'Entreprise a demandé à plusieurs reprises, en s'appuyant sur des cas précis, qu'elles soient améliorées ; il n'a pas été possible jusqu'ici de lui donner satisfac­tion.
Une étude a alors été entreprise par la direction géné­rale de la Banque, en vue de trouver une solution à ces problèmes, en envisageant notamment une décentralisation qui, économiquement, se justifiait vu le prix très élevé des m2 de bureaux dans le centre de Paris.
Cette étude a tout d'abord dégagé un certain nombre de caractéristiques propres aux banques du type de la Banque Worms, qui doivent avoir une grande influence sur les décisions à prendre et que nous allons rappeler :
La Banque Worms est une banque d'affaires qui est avant tout une maison d'état-major : 1 personne sur 4,3 appartient aux cadres de la classe V ou à une catégorie supérieure. Un assez grand nombre de cadres de sa direction générale ont également des fonctions d'encadre­ment des services d'exécution. La quasi-totalité des opérations de la Banque, traitées par son siège de Paris, se déroulent à Paris ou relèvent du département International et ne peuvent dans ce dernier cas qu'être traitées dans une place financière internationale, c'est-à-dire pour la France, à Paris.
Il faut également remarquer que les banques du genre de la Banque Worms sont appelées souvent à intervenir lorsqu'il s'agit de traiter très rapidement des affaires complexes faisant appel à de nom­breux services qui doivent se trouver réunis.
Elles ont, en général, besoin d'installations plus importantes que les banques classiques du fait de leur état-major et de la nécessité pour elles d'avoir des salles de réunions et des bureaux de passage pour leurs correspondants étrangers.
L'étude entreprise partant des caractéristiques que nous venons d'énoncer n'a pas permis de dégager une possibilité de décentra­lisation des services de la Banque, allant au-delà de quelques dizaines d'employés.
Il est apparu que pour un effectif de l'ordre de 850 per­sonnes, la décentralisation ne peut porter sans inconvénient que sur le service de la conservation des titres qui emploie environ 10 personnes. A titre indicatif, les services Titres et Coupons emploient au total 57 personnes.
Pour l'informatique qui, au total, emploie 60 personnes, 16 peuvent être installées en province ou dans une ville de la région parisienne, mais cette opération ne peut se faire qu'avec un certain nombre d'inconvénients :
1. nécessité de reconstruire des installations neuves et onéreuses alors que celles de la Banque, dans ce domaine, sont en parfait état et ont été réalisées il y a peu de temps ;
2. nécessité, pour décentraliser 16 personnes, de créer à Paris six nouveaux emplois ;
3. nécessité d'installer à Paris un petit ordinateur supplémentaire destiné notamment aux opérations de compensation.
Quant à la Division Internationale, qui emploie au total 143 personnes, cadres compris, il n'est pas possible d'envisager pour elle une décentralisation et nous croyons savoir qu'aucune banque pari­sienne n'a pu jusqu'ici effectuer une opération de ce genre. En effet, au niveau de la Direction, elle est tributaire de visites de banquiers ou de correspondants étrangers qui sont toutes faites à Paris, de la liaison avec le Ministère des Finances (Trésor - Douanes) et avec la Banque de France, et au niveau des services, elle est tributaire de la Bourse, du marché des changes, du marché de l'or, de la chambre de com­pensation, du marché des émissions internationales (Eurobonds), des bourses étrangères, etc. Ce fait n'est d'ailleurs pas propre à Paris puisque les banques hollandaises viennent de concentrer leurs départe­ments internationaux sur Amsterdam, et les banques allemandes sur Francfort.
Le département Crédit ne s'occupe que des opérations réalisées par Paris et a son homologue dans chaque agence.
Si la Banque Worms n'a la possibilité de décentraliser qu'une infime partie de son personnel, elle joue par contre un rôle important dans la politique d'expansion régionale.
Jusqu'en 1967, la Banque avait des agences seulement à Marseille, Lyon et Lille.
En 1967, l'absorption de la Banque industrielle de financement et de crédit lui a donné des agences à Nice, Montpellier, Toulouse et le Havre ainsi qu'une filiale possédant deux agences en Corse à Ajaccio et à Bastia.
Ces dernières années, elle a ouvert des agences à Grenoble, Saint-Etienne, Rouen, Nantes. Elle a transformé en agence directe les installations de sa filiale en Corse. Elle s'apprête à ouvrir deux nouvelles agences : l'une à Bordeaux, l'autre à Roubaix, et envisage par la suite de s'installer à Nancy et à Strasbourg.
Ces agences ne sont pas de simples guichets, elles ont à leur tête un directeur qui a reçu une formation de banque d'affaires et qui doit tout particulièrement jouer un rôle de banquier d'affaires.
Très régulièrement les membres de la direction du dépar­tement Participations du siège se rendent dans les agences pour appuyer les directeurs locaux, étudier des dossiers, prendre contact avec les industriels et les conseiller.
C'est ainsi que la Banque intervient fréquemment dans les régions où elle est installée pour provoquer des fusions de sociétés, mettre au point des financements pour l'équipement d'usines régionales, préparer des introductions en Bourse, faire participer des sociétés moyennes à la fourniture de matériels entrant dans la construction de grands ensembles à l'étranger, introduire ces sociétés sur les marchés extérieurs notamment sur le marché américain par l'intermédiaire de son bureau de New York. En un mot, les agences de la Banque, conjointement avec les Directions du siège, apportent à ces entreprises moyennes, installées en province, les services qui leur permettent d'accéder aux privilèges souvent réservés aux grandes sociétés parisiennes.

Comme il a été indiqué plus haut, la Banque Worms se trouve actuellement en face de problèmes urgents d'extension de ses bureaux. Son personnel, par suite du développement de l'activité de la Banque, travaille souvent dans des conditions plus que difficiles vu l'exiguïté de locaux non rationnels.
Il apparaît que pour faire face à ses besoins immédiats la Banque devrait trouver un peu plus de 3.000 m2 supplémentaires et, si possible, profiter de cette extension pour regrouper ses services qui sont disséminés dans des locaux isolés.
Dans ce dernier cas, la Banque devrait alors trouver une extension de l'ordre de 6.000 m2 et abandonnerait environ 2.700 m2.
La Banque Worms vient donc demander aux pouvoirs publics l'autorisation de procéder à ces extensions. Il est précisé qu'aucune implantation dans le domaine "Informatique" ne serait réalisée dans les locaux acquis.
Une occasion semble s'offrir actuellement à la Banque, celle d'acquérir les locaux occupés aux n°s 35, 37, 39 et 41 du boulevard Haussmann par un magasin d'habillement, le C.C.C., qui présentent pour elle l'avantage d'être contigus à ceux qu'elle occupe.
Aménagés en grande partie en magasins, ils offrent sur plusieurs niveaux, de grandes surfaces sans murs ni cloisons, permettant de réaliser une implantation rationnelle et moderne de halls bancaires et de bureaux. Ils permettraient à la Banque d'abandonner les locaux qu'elle occupe et qui sont séparés de son siège, pour regrouper ses services autour du 45 boulevard Haussmann.
La Banque acquerrait le C.C.C. qui représente environ 11.700 m2 de magasins et de bureaux (dont 1.800 m2 de sous-sol) et procéderait à un aménagement rationnel de ces locaux.
Conformément à ses besoins définis ci-dessus, elle envisagerait dans une première étape d'occuper dans les locaux C.C.C. une surface de l'ordre de 6.000 m2 pour y installer un hall et des services. Ce faisant, elle abandonnerait environ 2.700 m2 que ses services, comme nous l'avons signalé, occupent actuellement dans le quartier et qui sont séparés de son siège.
Le solde, soit 5.700 m2 environ, serait probablement destiné en partie à continuer une exploitation commerciale et en partie à abriter des sociétés du groupe avec lesquelles la Banque est en relation constante. Ces derniers locaux constitueraient pour la Banque une réserve qu'elle utiliserait au fur et à mesure de son expansion.
 

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