1967.10.00.Financement et exploitation de navires pétroliers.Note

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Octobre 1967

Note sur le financement et l’exploitation de navires pétroliers de 200.000 tdw

Cherchant dans cet exercice théorique à déterminer les conditions de financement qu’impliquerait la décision de commander une série de navires pétroliers de grande dimension (200.000 tdw) destinés à être exploités sur le marché international, et s’ajoutant au programme actuel d’investissements de la flotte pétrolière française, nous isolerons artificiellement cette opération de son contexte politique et économique. Cependant, nous ne devons pas manquer de signaler auparavant les critiques internationales qu’elle est susceptible d’attirer et l’effet de dépression qu’elle risque d’entraîner sur les taux de fret. En effet, même si une dizaine de pétroliers de ce type ne représente pas un apport de plus de 2 % au tonnage de la flotte pétrolière mondiale, elle suffirait à accroître de plus de 13 % le tonnage pétrolier opérant sur le marché international.
Nous devons aussi insister sur le caractère approximatif des chiffres indiqués, puisque aucun navire de ce type n’est encore exploité. Évaluées à partir des informations dont nous disposons actuellement, les données qui suivent peuvent donc fort bien se trouver modifiées lors de la mise en service effective de ces navires.

Prix du navire :
En se référent aux dernières commandes passées, on peut relever des prix qui, compte tenu des frais de préfinancement et de premier armement, varient entre 77 et 81 dollars par tonne. Nous retiendrons donc un prix moyen de 79 dollars par tonne, soit un coût global de 78.000.000 F.

Financement de l’investissement :
On considérera que l’investissement est financé à hauteur de 80 % par des emprunts à moyen et long terme en proportions égales (40 %). Les capitaux investis se répartissent alors de la façon suivante :

Moyen terme

31.200.000

Long terme

31.200.000

Solde de 20 %

15.600.000

 

78.000.000 F


Pour la partie empruntée, nous retiendrons le taux de 4,60 %, ce qui suppose la bonification des intérêts de la totalité des crédits. Le solde de 20 % devrait être rémunéré à 6 % s’il s’agissait des fonds propres de l’armateur. Ces taux sont des minima.
On supposera que la durée des emprunts correspond à celle de l’amortissement,
Soit 7 ans pour le moyen terme
Et 15 ans pour le long terme,
Et l’on répartira régulièrement leur remboursement (capital et intérêts) en sept annuités pour le crédit à moyen terme et en huit annuités, après un différé de sept ans correspondant au remboursement du moyen terme, pour le crédit à long terme.
Il s’agit là aussi de conditions optima. En effet, un calcul analogue à celui que nous allons mener dans la suite de cette note a fait ressortir la totale invraisemblance d’un amortissement de ce navire en moins de 15 ans. (Pour l’amortir en 10 ans par exemple, il faudrait un taux d’affrètement compris entre 9/10 et 10/ par tonne et par mois). Nous devons donc, dans les conditions actuelles écarter cette hypothèse et prévoir un amortissement en un minimum de 15 ans.

Charges annuelles d’amortissement et frais financiers :
L’amortissement de ce navire en 15 ans nécessiterait une annuité moyenne dont la décomposition serait la suivante :
- annuité moyenne de remboursement des emprunts (intérêts 4,60 %)
5.674.240 F
- annuité moyenne d’amortissement des fonds propres (rémunération 6 %)
1.606.800 F
- annuité totale : amortissements + frais financiers
7.281.040 F

Charges annuelles d’exploitation :
La marge d’incertitude est importante sur plusieurs de ces postes, entretien et assurances notamment. En fonction des prix actuels, on a néanmoins retenu les prévisions suivantes :

 

(en milliers de francs)

État-major et équipages (28 hommes)

1.400

Entretien réparations, matières consommables, soutes et frais de port incombant à l’armateur

1.600

Assurances

1.700[1]

Frais généraux

400

Total

5.100


Ces données ne représentent sans doute pas le niveau moyen des charges d’exploitation que l’armateur devra assumer pendant la durée de la charte. Il est donc réaliste de les affecter de coefficients de majoration correspondant à leur évolution probable. Une augmentation de 6 % par an pour les charges d’équipage et de 3 % par an pour les dépenses d’entretien et les frais généraux semble pouvoir être retenue.
On est alors conduit aux estimations suivantes pour les charges annuelles moyennes sur une période à venir de 15 ans :

État-major et équipages

2.200

Entretien réparation, matières consommables

2.000

Assurances (supposées constantes)

1.700

Frais généraux (patente inclue)

500

Total

6.400


Ensemble des charges annuelles :
Ces charges seront évaluées aux prix actuels en un premier temps puis, selon un second calcul, compte tenu de l’augmentation probable de celles de ces charges qui varieront au cours de la période considérée.

1°/ Dépenses supposées constantes :
- charges d’amortissement et frais financiers

 

En milliers de francs par an

En shillings par tonne et par mois

Capital emprunté

4.160

2/8

Intérêts des emprunts

1.514

1/

Amortissement des fonds propres

1.040

8d

Rémunération des fonds propres

567

4d

Total

7.281

4/8


- charges d’exploitation (d’après les prix actuels)

Total

5.100

3/3

 

Total des charges

12.381

7/11


2°/ Dépenses moyennes calculées sur une période de 15 ans :
- charges d’amortissement et frais financiers

Total

7.281

4/8


- charges d’exploitation

Total

6.400

4/1

 

Total des charges

13.681

8/9


Financement des charges incombant à l’armateur :
On supposera que le navire est affrété pour une longue durée, les variations conjoncturelles du marché au voyage rendant en effet toute prévision impossible.
Actuellement, des chartes de 15 ans sont proposées sur le marché international pour des navires de 200 à 220.000 tdw autaux de 70.000 £ non révisable.
On peut donc s’attendre, pour le navire projeté, à un taux moyen de l’ordre de 7/ par tonne et par mois. En considérant que le navire est exploité pendant onze mois et dix jours par an, pour tenir compte des révisions et des risques d’immobilisation, on aura une recette annuelle globale de 10.941.000 F.
Si l’on évalue en shillings par tonne et par mois les dépenses de l’armateur, on constate qu’à prix constants il faudrait un taux d’affrètement minimum de 7/11 environ. En tenant compte de la progression des dépenses, le taux minimum nécessaire serait de 8/9 par tonne et par mois.
Étant donné les taux actuels, le déficit global sur quinze ans d’exploitation serait, selon que l’on raisonne à prix constants ou que l’on tient compte de l’augmentation des dépenses, de :
21.600.000 F dans le premier cas et de
41.100.000 F dans le second cas.
La première hypothèse impliquerait que les charges ne s’accroissent pas au cours de la période, ce qui est irréaliste, ou, ce qui n’est pas le cas dans les chartes actuelles, que le fret soit entièrement indexé sur les dépenses.
Un déficit global de l’ordre de 41.000.000 F paraît donc plus probable. Il représenterait plus de 50 % du prix du navire. Mais, bien qu’elle soit incertaine, on ne peut négliger une valeur résiduelle du navire comprise entre 10 et 15 % de sa valeur initiale.
Le déficit serait ainsi ramené à 40 % du coût de l’investissement.
En outre, on ne doit pas écarter la possibilité pour ce navire d’être exploité au voyage ou affrété pour des périodes plus brèves, ou encore de le voir profiter parfois de chartes plus favorables ou de taux révisables.
Enfin, on ne doit pas exclure toute éventualité d’une prolongation de l’exploitation au-delà de la période de quinze ans envisagée, sans charges d’amortissement, si l’augmentation des dépenses d’exploitation n’amenait pas celles-ci à dépasser les recettes alors possibles.
La réalisation d’une de ces perspectives pourrait faire espérer une atténuation du déficit global représentant environ 8 à 10 % de la valeur initiale du navire ; cette hypothèse demeurant cependant aléatoire.
Il n’en demeure pas moins que même au cas où cette hypothèse optimiste se vérifierait, un écart résiduel de 30 % au moins du coût prévu pour ce navire subsisterait entre les recettes et les dépenses. On constate par ailleurs que cet écart correspond à peu près exactement à la charge représentée par l’apport de 20 % de l’investissement sur fonds propres puisque l’amortissement de cette somme au cours de la période coûterait 24.105.000 F.
Un apport extérieur non rémunéré de ce capital initial (correspondant à 20 ou 25 % environ du coût actuel d’un navire de ce type) permettrait donc, semble-t-il, d’équilibrer cette exploitation. Une telle intervention constituerait certainement pour les armateurs l’incitation la plus nette à investir, étant donné son caractère plus assuré que celui de toute aide annuelle.
Il est en outre intéressant de remarquer sur le plan international qu’une prime d’investissement de cet ordre existe en Grande-Bretagne depuis près de deux ans.
Il pourrait même être envisagé que cet allègement de la chargé d’investissement soit considéré comme un prêt dont le remboursement serait subordonné à la constatation irréfutable d’un bénéfice d’exploitation réalisé par l’armement intéressé.
 

 

[1] Le dernier barème du Joint Hall Committee fait état pour un pétrolier de ce type d’une prime de 2.600.000 F.

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