1967.02.02.Des Echos.Article sur la reprise de La Ciotat

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La Ciotat restera un des grands chantiers français

Les négociations de rachat par le groupe Schneider-Chantiers France-Gironde ont commencé hier.
Depuis le krach de l’Intra Bank, il existe un problème des Chantiers de La Ciotat. Le capital de l’affaire est, en effet, pour 78 % aux mains de la CEMA et du Hall Montaigne, les deux filiales françaises de la banque libanaise.
Les banquiers qui soutiennent actuellement la trésorerie du chantier méditerranéen sont sans doute disposés à continuer leur appui dans la mesure où la situation technique est très saine, le carnet de commandes bien rempli et l’avenir plus lointain assez solidement dessiné. Ils ne peuvent cependant admettre indéfiniment de ne pas connaître le propriétaire réel de l’affaire. Cette incertitude pèse également sur les investissements pour lesquels le financement envisagé pourrait revêtir des aspects différents selon qu’il s’agit d’une affaire à capitaux français ou sous contrôle étranger.
Certains estiment que la question doit recevoir une solution d’urgence, d’autres estiment que le « statu quo » peut se maintenir sans dommage pendant tout le temps qu’il sera nécessaire à la mise sur pied d’une solution acceptable.
Les Chantiers de La Ciotat sont actuellement en très bonne posture. Leur carnet de commandes comprend deux pétroliers de 80.000 tonnes et un de 131.000 tonnes, trois cargos de 12.000 tonnes et cinq de 13.250 tonnes, et également deux porteurs de gaz. Cela assure une activité normale jusqu’en 1969.
Les chantiers emploient 3.000 ouvriers dans des installations modernes. Pour maintenir leur capacité technique au niveau exigé dans les années à venir, ils envisagent de construire une forme de 200.000 tonnes qui exigera un investissement considérable. Leur développement entre d’ailleurs dans le plan gouvernemental de concentration des chantiers navals français en trois cellules compétitives (Penhoët, France-Gironde et La Ciotat). Ce dernier, c’est acquis, restera l’une des forces de la construction navale française.
La difficulté qui se présente actuellement est donc un problème juridique et financier, celui de la propriété de l’affaire et du financement de ses investissements, et aucunement une crise structurelle ou conjoncturelle. Il n’est pas souhaitable qu’un bon chantier reste longtemps sans maître et sans répondant.
Depuis hier, les positions sont en train de se préciser puisque deux représentants de l’Intra Bank, probablement habilités par le gouvernement libanais, ont entamé des pourparlers avec les dirigeants des Ateliers et Chantiers de Dunkerque et Bordeaux (France-Gironde), filiale du groupe Schneider en vue du rachat de la participation Intra Bank.
Les négociations déboucheraient sur une solution française probablement souhaitée par les pouvoirs publics. Mais si cet aboutissement est facile à concevoir, il n’en reste pas moins que l’application sera délicate à mettre en œuvre et que le rapprochement des points de vue de deux parties nullement pressées par la nécessité demandera sans doute des consultations et des confirmations qui prendront un certain temps.
Au cœur du problème se situe, bien entendu, le prix de cession. Du côté français, la reprise de contrôle par France-Gironde entre dans la ligne prônée des concentrations. La participation à un même groupe de deux chantiers aussi valables permettrait en effet une rationalisation et une spécialisation poussées. La Ciotat se consacrant dans quelques années aux très grands navires et Dunkerque aux unités moyennes. Mais cela ne veut pas dire que Schneider soit prêt à reprendre le contrôle à n’importe quel prix.
La présence attentive des deux gouvernements doit favoriser, sans la hâter, une issue équilibrée.
 

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