1967.01.19.Du Journal de la marine marchande.Article sur la construction navale

Le PDF est consultable à la fin du texte.

Le ministère de l’Équipement annonce un « tournant décisif » pour la construction navale française :

Le gouvernement est amené, non pas à modifier fondamentalement sa politique, mais tout au moins à repenser certains de ses éléments

Le numéro du 31 décembre d’Équipement, revue bi-mensuelle du ministère de l’Équipement et des secrétariats d’État au Logement et aux Transports, contient, sous la rubrique « dossiers et études », un article intitulé : « La construction navale française ». Celui-ci rappelle le problème tel qu’il s’est posé ces dernières années et les principes d’action qui ont été adoptés, à partir du Livre blanc de janvier 1960 :
1) Maintien au moins provisoire d’une aide publique à la construction navale, considérée comme indispensable compte tenu des caractéristiques du marché et de la politique du Japon, mais réduction immédiate et progressive de cette aide pour que les constructeurs français soient incités à améliorer sans cesse leur prix de revient et pour permettre à la France d’honorer cet engagement pris vis-à-vis de la CEE.
2) Plafonnement de la production subventionnée, initialement à 350.000 tjb, compensés, avec possibilités de majoration pour tenir compte des progrès de la productivité.
3) Réduction des effectifs, sur la base du retrait de 12.000 salariés dans le cadre du IVe Plan et 5.000 supplémentaires au titre du Ve Plan : conversions d’activités, d’abord dans le cadre des chantiers eux-mêmes puis dans celui d’entreprises extérieures : incitations financières sous la forme de primes aux programmes d’investissements devant se traduire par le reclassement des ouvriers des chantiers navals.
4) Réduction du nombre des établissements constructeurs de navires de plus de 3.000 tjb, de quatorze à huit, puis à cinq.
5) Modernisation de l’outil de production, les problèmes de financement que posent ces investissements ne pouvant être résolus sans une contribution des pouvoirs publics, qui revêt diverses formes et notamment celle de prêts du FDES.
Dans de nombreux domaines les objectifs prévus sont atteints où vont l’être. Le taux plafond de l’aide à la construction a été ramené par étapes successives de 21,25 % en 1961 à 12,75 % à compter du 1er juillet 1966 pour être baissé à 10 % le 1er juillet 1968. L’article estime que « le plafonnement de la production a été respecté sans difficultés particulières, tout au moins jusqu’à maintenant ». En matière de concentration et de conversion, l’article rappelle que les chantiers du Trait et de Bordeaux doivent prochainement cesser toute activité de construction navale subventionnée. Sur le plan de la réduction des effectifs, l’objectif fixé par le IVe Plan paraît globalement atteint dans la mesure où 12.000 salariés environ ont cessé de participer à la construction navale. « Mais cette déflation s’est traduite par une conviction insuffisante et a provoqué de trop nombreux licenciements. En particulier les réorientations d’activité au sein même des chantiers n’ont pas revêtu l’ampleur ni obtenu les résultats escomptés « la plupart des programmes de conversion axés sur la production de biens d’équipement ont en effet amené les entreprises de construction navale à écouler leurs nouvelles fabrications sur des marchés déjà saturés ».
Nous croyons devoir reproduire in extenso la conclusion de l’article, qui annonce l’étude d’importantes décisions :
« Dans l’ensemble, cependant, le programme prévu paraît sinon réalisé, du moins largement avancé : comme d’autre part l’activité des chantiers s’est depuis peu redressée d’une façon spectaculaire (les carnets de commandes sont désormais garnis pour deux ans en moyenne), on pourrait en conclure que le problème des chantiers navals est réglé.
« Ce n’est malheureusement pas le cas. Les graves difficultés récemment connues par différents chantiers sont présentes à toutes les mémoires : c’est ainsi que les Forges et Chantiers de la méditerranée n’ont pu maintenir une activité, dans un cadre juridique nouveau, que grâce à des facilités de trésorerie exceptionnelles.
« Cet état de choses tient en partie au fait que le Japon, dont la position reste tout aussi dominante, continue à imposer des prix mondiaux extrêmement bas ; dans ces conditions, l’afflux des commandes ne suffit pas à assainir la situation, puisqu’elles sont prises à des conditions non rentables pour nos chantiers, si on laisse jouer les lois naturelles de l’économie de marché.
« Placé devant cette situation, le gouvernement est amené non pas à modifier fondamentalement sa politique, mais tout au moins à repenser certains de ses éléments.
« L’une de ses préoccupations majeures reste le problème de l’aide ; la suppression complète de toute subvention ne peut être raisonnablement envisagée ; l’aide national ne pourra disparaître que lorsqu’un système de soutien suffisant sera mis au point dans le cadre de la Communauté économique européenne ; nos experts s’emploient actuellement à le définir.
« De toute manière, l’aide communautaire risque fort de n’être pas aussi efficace que le régime actuel, et, pour survivre, les chantiers vont devoir faire des efforts supplémentaires dans le domaine de la productivité ; à cet égard des rapprochements nouveaux seront probablement nécessaires, pouvant aller de la simple coordination de services à des concentrations d’entreprises.
« Toujours dans le souci d’améliorer la productivité, l’idée prévaut de plus en plus que les frais généraux du secteur devront être étalés sur une production plus forte pour profiter de l’accroissement de la demande ; mais cette politique implique le relèvement du plafond de la production subventionnée.
« L’industrie française de la construction navale se trouve donc à un tournant décisif de son histoire. Avant de prendre des décisions qui vont largement engager l’avenir des chantiers navals, le gouvernement s’est accordé un délai de réflexion, et tient à recueillir l’avis des professionnels eux-mêmes. En conséquence, il vient d’être procédé à la création d’un groupe de travail restreint, qui réunit, sous la présidence du secrétaire général de la marine marchande, les représentants des départements ministériels intéressés et consulte les responsables des principaux chantiers. Cet organisme, chargé d’examiner les perspectives d’évolution du secteur et d’étudier les problèmes de structure, de niveau de production et de politique de l’emploi, a déjà commencé à fonctionner ; il doit prochainement déposer un premier rapport, qui permettra au gouvernement de préciser la nouvelle direction de sa politique. »
Il s’agit, comme on le voit, sinon d’un nouveau Livre blanc, du moins d’une révision de celui de 1960. Espérons que les nouvelles mesures, dans leur préparation et leur application, feront la preuve de ce souci d’articulation plus rigoureuse qu’elle ne l’a été jusqu’à présent exprimé par M. Pisani lui-même, à la télévision, le 16 mars dernier.
 

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