1966.06.06.Des Echos.Coupure de presse.Alliance entre banques d'affaires

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Une grande alliance bancaire se forme en France

À n’en pas douter, il faudra bientôt en venir à parler de « la grande alliance » en se référant à l’ensemble d’accords complexes que forgent, comme autant d’États souverains, la Banque de Paris et des Pays-Bas, la Compagnie bancaire, le Crédit industriel et commercial CIC et Worms et Cie, donnant ainsi le premier exemple français de rupture des barrières anachroniques subsistant encore entre les banques d’affaires et les banques de dépôts.
Comment se déroulent ces opérations qui ne sont pas encore arrivées à leur terme ? Bien qu’elles se poursuivent simultanément et que leurs progrès soient étroitement liés, il peut paraître préférable de les séparer selon qu’il s’agit surtout de la Compagnie bancaire ou bien du Crédit industriel et commercial.

Premier de la haute banque par le montant des dépôts (622 millions de Fr au 31 décembre 1965) et premier aussi des six banques françaises constituées en sociétés de personnes par le montant des bénéfices (11,6 millions de Fr pour l’exercice 1965, soit autant que MM. De Rothschild et Lazard frères réunis), la Banque Worms et Cie va joindre sa participation de 9 % dans la Compagnie bancaire à la participation de 8,40 % de la Banque de Paris et des Pays-Bas. Elles seront réunies au sein d’un holding qui sera formé pour les recevoir et dont l’avenir ne s’arrêtera pas nécessairement là.
D’autre part, M. Jean Reyre, vice-président-directeur général de la Banque de Paris et des Pays-Bas, qui va en devenir président – pendant quatre ans sans doute et comme héritier désigné – M. Jacques de Fouchier, l’homme qui a créé en France la plus grande banque nouvelle de l’après-guerre, la Compagnie bancaire. M. Jacques de Fouchier qui continuera à assurer la présidence de la Compagnie bancaire, et M. Jean Reyre, qui en est administrateur, s’intéresseront à n’en pas douter à des travaux de longue haleine : ils tenteront sans doute aussi bien de repenser l’avenir de leurs banques au cours de la prochaine décennie, qu’harmoniser de façon plus immédiate les activités dans les secteurs de compétition – leasing et domaine immobilier notamment. Leurs deux établissements, répétons-le, continueront sans changement à mener leur vie institutionnelle séparée.

Nouveaux rapports entre la Banque de Paris et le CIC

Appréciant à leur pleine valeur les réalisations de la Banque de Paris et des Pays-Bas et les promesses et garanties que comportent pour l’avenir les novations précitées le Crédit industriel et commercial, première banque de dépôts du secteur privé, précédant largement le CNEP avant sa fusion avec la BNCI, s’est résolu à une coordination souple – et à rien de plus – de ses activités avec celles de la première banque d’affaires française.
Il serait aussi vain de croire que la grande alliance devant en résulter cache des clauses secrètes, qu’il serait erroné de sous-estimer son extrême importance. Tête de file d’une vaste fédération de banques de dépôts rayonnant dans les régions les plus actives de France, le Crédit industriel et commercial, avec ses 8,5 milliards de dépôts, peut se targuer d’apporter à l’alliance une connaissance approfondie de toutes les provinces et une présence active dont témoignent ses 1.200 guichets. Il peut fournir le cas échéant à la Banque de Paris des fonds recueillis auprès de ses 800.000 clients dans des conditions de rentabilité meilleures que celles exigées par les grands investisseurs industriels d’une banque d’affaires.
Réciproquement la Banque de Paris et des Pays-Bas peut trouver pour le CIC des placements en France et à l’étranger d’une rentabilité élevée grâce à ses liaisons étroites avec de nombreuses grandes sociétés (les titres de participation de la Paris représentent 11 % de l’ensemble des participations détenues par les banques françaises) par suite également de son rôle éminent dans le domaine financier. En 1965, la Banque de Paris a contribué comme chef de file ou participante au succès de 16 emprunts dont le montant global de 1 milliard de francs représente 95 % du total des émissions effectuées par les sociétés avec le concours bancaire. La Banque de Paris a prêté aussi ses guichets pour la réalisation de 26 augmentations de capital dont le montant cumulé – soit 889 millions pour les sociétés françaises – représente 47 % des émissions correspondantes avec concours bancaire.
C’est la Banque de Paris qui, en association avec d’autres établissements, a dirigé, pour le compte de la Compagnie bancaire, la première émission réalisée en France d’obligations échangeables contre des actions et qui a eu le succès que l’on sait.
Créée en 1959 pour assurer le regroupement des intérêts détenus par les principaux établissements de la place dans le domaine du crédit pour l’équipement professionnel et familial, la Compagnie bancaire, qui a lancé ses quatre principales filiales dès 1961, a obtenu depuis une croissance sans égale dans ses spécialités.
La puissance de la « grande alliance », dont « Les Échos » viennent d’essayer de dégager les lignes principales, ne peut manquer de faire réfléchir à leur avenir aussi bien les banques de dépôts privées dont certaines peuvent vouloir souhaiter sortir de leur isolement, que les banques d’affaires ayant déjà jeté sur le papier l’échéancier parfois assez lent de rapprochements progressifs entre elles ou avec des groupes industriels.

A. V.

Banque de Paris et des Pays-Bas

Capital : 337.800.000 francs, divisé en 3.378.000 actions de 100 francs, avec autorisation pour être porté à 600 millions de francs.
Principaux actionnaires connus :
Lazard frères, de 4 % à 5 % ; Banque de l’Indochine, 4,20 %, et SNI, 3,35 %.
Cours actuel : 235. Plus haut, plus bas de 1966 : 314 et 205.
Capitalisation : 796.830.300 francs.
Guichets : Paris et une succursale à Marseille, Alger, Casablanca, Bruxelles (avec bureaux à Anvers et Gand), Genève et Amsterdam (avec bureau à Rotterdam).
Filiales étrangères : Paribas corporation (New York), Banque de Paris et des Pays-Bas Ltd (Londres), Banque de Paris et des Pays-Bas pour le Grand-Duché de Luxembourg (Luxembourg).
Total du bilan au 31 décembre 1965 : 5.012.774.499,43 francs, contre 4.626.465.263,22 francs pour l’exercice précédent (+ 8 %).
Total des dépôts au 31 décembre 1965 : 4.035 millions de francs.
Total des ressources propres du groupe : 557 millions de francs, dont 337,8 millions de francs de capital et 219,26 millions de réserves.
Inventaire des valeurs mobilières détenues en portefeuille au 31 décembre 1965 : 335.508.996,72 francs, dont des titres de sociétés étrangères non admises à une cote officielle pour 64.603.588 francs, des titres de sociétés immobilières non cotées pour 12 millions 775.516 francs, et des titres ayant une valeur d’inventaire inférieure à 100.000 pour 4 millions 765.956 francs. Au 31 décembre, les treize principaux postes étaient, en millions de francs : CSF (plus de 42), CFP (22,4), Cie des Compteurs (12,6), Société d’investissement de Paris et des Pays-Bas (12,5), Compagnie bancaire (7,1), CFR (6,8), Esso (6,8), SNPA (6,8), Banque française pour l’Amérique du sud (6,6), Fives-Lille-Cail (6,3), Usinor (6,2) et Hachette (5,9).

Crédit industriel et commercial

Capital : 120 millions de francs, divisé en 2.400.000 actions, avec autorisation pour être porté à 200 millions.
Principaux grands actionnaires connus : SNI, 3,36 % ; groupe Paternelle, 2,82 % ; Société investissement et gestion, 1 % ; Lebon et Compagnie, 1 %.
Cours actuel : 156,10. Plus haut, plus bas de 1966 : 167,90 et 136.
Capitalisation : 374.640.000 francs.
Nombre de guichets : 60 succursales dans le district parisien et 1.200 guichets pour l’ensemble du groupe, répartis dans presque toutes les régions françaises.
Principaux établissements affiliés :
Crédit industriel de Normandie, 47,20 % ; Crédit industriel de l’Ouest, 27 % ; Banque régionale de l’Ouest, 24,8 % ; Crédit industriel, Alsace-Lorraine, 32,8 % ; Nancéienne de crédit industriel, 31,07 ; Lyonnaise de dépôts, 27,3 % ; Bordelaise de crédit industriel et commercial, 33,69 % ; Banque régionale de l’Ain, 47,59 % ; Banque Dupont, 31,2 % ; Banque Scalbert, 26,2 % ; Banque transatlantique, 63,24 % ; L’Union des banques régionales, 28,06 % ; Banque commerciale du Maroc, 13,16 %, et Banque commerciale africaine, 23,7 %.
Total du bilan au 31 décembre 1965 : 2.712.218.070,08 francs, en augmentation de 101.855.951,72 francs sur celui de l’année précédente pour le seul CIC et 10.814.000.000 francs pour l’ensemble des banques affiliées au groupe. Total des dépôts au 31 décembre 1965 : 8.463.779.836 francs pour le groupe (+ 9,25 % sur le montant de 1964).
Total des ressources propres du groupe : 402.044.876 francs (dont 243.239.616 francs pour les capitaux sociaux et 158.805.260 francs pour les réserves).
Inventaire des valeurs mobilières détenues au 31 décembre 1965 : parmi les titres, dont la valeur dépasse 100.000 francs, le CIC détenait à cette date notamment 5 % de la Compagnie bancaire, 2,5 % du Crédit national et 1,70 % de la Banque de l’Indochine. Les titres dont la valeur d’inventaire est inférieure à 100.000 francs figuraient pour 1.488.588 francs, les valeurs françaises non admises à la cote officielle d’une bourse de valeurs pour 2.979.625 francs, et les actions de sociétés immobilières non admises à la cote officielle d’une bourse de valeurs pour 5.961.654 francs.
SICAV : Société d’épargne mobilière (avec la Compagnie financière de Suez).

Compagnie bancaire

Capital : 90 millions de francs, divisé en 900.000 actions de 100 francs.
Principaux actionnaires privés : Worms 9 %, Banque de Paris et des Pays-Bas 8,4 %, CIC 3,58 %, Crédit du nord 4 %, Union bancaire du nord 1 %, ainsi que BUP 7,10 %, Banque de l’Indochine 5,60 %, Banque de l’Indochine 5,60 % et l’Union européenne 3,20 %.
Cours actuel : 685. Plus haut, plus bas de 1966 : 778 et 640.
Capitalisation : 616.500.000 francs.
Principales filiales : Union française de banques (78,46 %), Union de crédit pour le bâtiment (33,8 %), CETELEM (80,75 %), Compagnie française d’épargne et de crédit (25,93 %), Société d’investissements immobiliers de France-SINVIM (20,28 %). Les autres grandes filiales du groupe sont trois sociétés de leasing : la Compagnie pour la location d’équipements familiaux-CLEF (92 %), la Compagnie pour la location d’équipements professionnels-CLEP (59,78 %) et la Compagnie pour la location d’équipements routiers et commerciaux-CLERC (59,74 %), ainsi que la Société d’études et de gestion des centres d’équipements-SEGECE (40 %).
Total du bilan au 31 décembre 1965 : 4389.163.690 francs contre 236.972.007 francs en 1964 pour la seule Compagnie bancaire et 7.806 millions contre 5.961 millions pour l’ensemble du groupe, c’est-à-dire les 4 premières filiales précitées, mais non la SINVIM.
Total des dépôts et créditeurs : 147 millions pour la Compagnie bancaire seule, et 789 millions pour le groupe (SINVIM non compris).
Total des fonds propres : il ressort à 283.371.469 francs au bilan consolidé.
Titres et principales participations : le montant consolidé du groupe s’élève à 54.502.597, les principales participations de la Compagnie bancaire en dehors des titres de filiales précitées étant l’Omnium de participations financières et de valeurs mobilières (22,66 %), la Société financière pour les industries du tourisme (10 %), la Société de la gare routière de Rungis (4,80 %), la Société de financement et d’investissement immobiliers Sofitel (5,22 %), ainsi que des participations de 0,33 à 1,66 % dans six sociétés immobilières d’investissements.

 

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