1966.02.01.De P. Herrenschmidt.Au sous-secrétaire d'Etat aux transports.ACSM

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Paris, le 1er février 1966

Monsieur le sous-secrétaire d’État aux transports
3, place de Fontenoy
Paris (7e)

Monsieur le ministre,
Par lettre en date du 21 janvier, monsieur le secrétaire général de la marine marchande a bien voulu nous confirmer le montant de l’aide qui serait accordée à notre chantier pour chacun des 2 sous-marins que nous aurions à construire pour le gouvernement du Pakistan dans le cas où les négociations actuellement en cours sous l’égide des représentants de la délégation ministérielle à l‘armement aboutiraient à un accord avec la délégation Pakistanaise.
Aux termes de ladite lettre, l’octroi de cette aide - d’un montant de 3 millions par navire - pourrait se trouver remis en question, totalement ou partiellement, dans le cas où notre chantier, entrant cependant ainsi dans les voies tracées par les pouvoirs publics en matière de concentration des entreprises de construction navale, fusionnerait avec les Chantiers navals de la Ciotat.
Nous tenons à vous remercier pour l’importance de l’allocation que votre département a bien voulu nous accorder. Nous en mesurons tout le prix.
Mais précisément, ainsi que nous l’avons dit à monsieur Morin, dernièrement encore le 27 janvier, cette aide est si nécessaire à notre chantier pour l’équilibre de l’opération considérée que nous ne saurions nous engager vis-à-vis du gouvernement du Pakistan s’il y avait risque qu'elle soit réduite ou qu’elle nous soit retirée dans telle ou telle circonstance. À la veille de signer un accord de fusion avec nos collègues de La Ciotat nous ne pourrions au surplus envisager une commande qui en raison même de cette fusion, pénaliserait la nouvelle société.
Nous sommes dans ces circonstances obligés de vous demander avec la plus grande insistance de bien vouloir lever les réserves particulières dont est assortie la décision en date du 21 janvier.
Nous tenons en outre à attirer votre attention sur les appréhensions que nous cause le déroulement des négociations en cours.
Nous sommes partis d'une offre de prix - comportant l'aide précitée de 3 millions par navire - qui avait fait l'objet d’une étude attentive avec les services de la Marine nationale et avait reçu en son temps l'accord de ces derniers.
Entre le 24 et le 31 janvier, nous avons malgré tout accepté des rabais dont le total fait 3,60 %.
Le prix actuel que nous avons ainsi admis le 31 janvier, frais de préfinancement inclus, s'élève, après ces réductions, pour l’ensemble des 2 navires, à F. 84.500.000. Il a été entendu par ailleurs que le financement des 2 navires qui seraient construits aux chantiers du Trait pourrait nous être assuré par les organismes publics et semi-publics de crédit, pour 7 ans, au taux de 5,50 % l’an.
Il ne semble pas que les représentants du Pakistan soient disposés à traiter à ce niveau de prix. Or nous sommes, en ce qui nous concerne, à la limite des sacrifices que nous pouvons consentir. Au-delà, notre marge, strictement indispensable pour couvrir les risques financiers de l’opération, serait entamée : nous avons toutes raisons de craindre que les banques de notre pool de financement refuseraient alors de consentir les découverts qu’entraînera inévitablement pour nous l’exécution de la commande.
Au surplus, la délégation Pakistanaise paraît vouloir exiger un prix ferme et non révisable, et il nous est tout à fait impossible d’en accepter les conséquences.
Nous ne pouvons qu’attirer votre attention sur cette situation et nous vous demandons de bien vouloir en informer monsieur le ministre des Armées.
Si, pour faire aboutir la négociation, il devait nous être demandé de traiter à un prix ferme (incorporant les frais de préfinance­ment) inférieur à F. 84.500.000, dans les conditions économiques actuelles, il nous faudrait, avant de pouvoir signer les contrats avec les délégués du Pakistan, obtenir de l'administration française l’assu­rance formelle qu’il nous sera accordé un supplément d’aide égal au rabais consenti par rapport à notre prix précité et couvrant, comme il est d’usage pour les navires de commerce, les incidences des hausses de prix.
Compte tenu de nos pourparlers actuels de fusion, l’impossibi­lité où nous sommes d’accepter des commandes comportant un risque important et lointain peut, nous nous en rendons compte, nous conduire à faire abandon au profit d'autres du bénéfice de négociations que nous avons suivies à côté de la Marine nationale depuis de longs mois.
Veuillez agréer, monsieur le ministre, l'assurance de notre haute considération et de notre entier dévouement.

Le président directeur général
P. Herrenschmidt

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