1950.03.00.De Roger Mennevée.Les Documents de l'AIII.Article

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Les Documents de l'Agence indépendante d'informations internationales                        Mars 1950

La Banque Worms et Cie
Histoire générale
(Suite[1])
Chapitre spécial
Les récentes modifications de Worms et Cie

D'importantes modifications ayant été apportées récemment à la Société Worms et Cie, nous avons pensé préférable d'interrompre momentanément l'"histoire générale de la banque Worms" et d'exposer la situation "sociale" actuelle de cette affaire.
On a vu précédemment (1ère partie - Chapitre V "Depuis la Libération - 1944-1948" - fascicule d'août 1948) que Raymond Meynial avait été nommé par l'assemblée extraordinaire des associés du 12 septembre 1944, gérant statutaire, non associé et ce pour une durée de cinq ans, fonctions qu'il avait acceptées par acte du 18 septembre 1944.
Ces cinq années venant à expiration le 12 septembre 1949, les associés de Worms et Cie ont, par acte du 28 juillet 1949, prorogé, pour une nouvelle période de cinq années à dater du 13 septembre, les mêmes fonctions à M. Meynial (J.S.S. 26.8.1949).
D'autre part, M. Raymond Paul René Leroy, l'un des fils et héritiers de Mme Leroy (née Renée Suzanne Marguerite Worms et sœur de M. Hypolite Worms), et l'un des commanditaires, à ce titre, de Worms et Cie, étant décédé, MM. Hypolite Worms et Robert Marcel Labbé, associés co-gérants, rachetèrent à ses héritiers tous ses droits dans Worms et Cie, droits s'élevant, tant en fonds de commandite que participation dans les bénéfices non distribués, plus-values et intérêts à 2.751.979 F 50.
Puis, par acte du 28 juillet 1949, MM. Worms et Labbé rétrocédèrent ces mêmes droits aux deux frères du défunt : Michel Leroy, fondé de pouvoirs de la maison, et Roger Leroy, soit 1.375.989 F 75, à chacun des actionnaires.

A la suite de ces transferts, le capital social de Worms et Cie était réparti comme il suit :

M. Hypolite Worms

12.307.692 F

M. Robert Labbé

2.600.000 F

Mme Fauchier-Delavigne

3.076.923 F

Mme Fauchier-Magnan

3.076.923 F

Mme Lebel

3.076.923 F

Mme Razsovich

2.769.231 F

Mme Blanchy (née Goudchaux)

1.415.385 F

Mme Boccon-Gibod (née Goudchaux)

1.415.385 F

Mme Desforges (née Goudchaux)

1.415.385 F

M. Henri Goudchaux

1.415.385 F

M. Jacques Goudchaux

1.415.385 F

Me Léon Labbé

1.400.000 F

M. Michel Leroy

1.384.615 F

M. Roger Leroy

1.384.615 F

M. Barnaud

1.846.153 F

On remarquera que, en ce qui concerne la famille Goudchaux, cette répartition ne concorde pas avec celle des actes antérieurs.
Nous avons vu, en effet (fascicule de juin 1948) qu'à la suite de l'augmentation du capital par incorporation de réserves, effectuée en janvier 1940, les droits de M. Michel Goudchaux, alors associé-gérant, s'élevaient à 7.076.924 F.
Nous avons vu aussi qu'à la suite de l'occupation allemande et par suite des mesures antijuives qui en découlèrent, M. Goudchaux avait donné sa démission de co-gérant par acte du 18 octobre 1940 et que le 25 octobre suivant, il cessait totalement de faire partie de la société Worms et Cie, ayant fait don de ses droits - à titre de partage anticipé - à chacune de des trois filles : Mme Thérèse Jenny Goudchaux, épouse de M. Joseph Patrick Blanchy, Mme Cécile Louise Goudchaux, épouse de M. Jacques Desforges, et Mme Geneviève Marie Goudchaux, épouse de M. Christian Henry Boccon-Gibod, et cela chacune par tiers, ce qui implique donc que la totalité des droits de M. Michel Goudchaux appartenait exclusivement aux trois filles de celui-ci (Gazette des tribunaux 28 octobre 1940).
Or, dans la nouvelle répartition des capitaux de Worms et Cie, d'après les actes modificatifs de juillet 1949, les anciens droits de M. Michel Goudchaux appartiennent à cinq personnes : Mme Blanchy, Mme Boccon-Gibod, Mme Desforges, et, en outre, M. Henri Goudchaux et M. Jacques Goudchaux, mais sans qu'on trouve aucun acte officiel ayant enregistré ces transferts.
Nous ne nous en étonnerons pas. Nous avons déjà signalé de nombreuses omissions de ce genre et la liberté trop grande que Worms et Cie prend, trop souvent, avec les dispositions légales en vigueur. Nous en montrerons un autre cas typique plus loin et nous y insisterons, d'ailleurs, particulièrement.
Mais même les actes déposés à l'occasion de certaines transformations sociales de Worms et Cie sont, trop souvent aussi, rédigés en dépit du bon sens. Là encore nous en avons montré un exemple à l'occasion de l'augmentation de capital de janvier 1940. En voici d'autres :
Dans l'acte du 28 juillet 1949, qui a prorogé les fonctions de M. Meynial, il manque dans la liste des associés Mme Razsovich. Dans ceux relatifs à la cession par MM. Worms et Labbé à MM. Roger et Michel Leroy, des anciens droits de M. Raymond Leroy, l'acte de cession en faveur de M. Michel Leroy paraît correct, mais dans celui concernant M. Roger Leroy, il y a confusion avec le précédent, de telle sorte même que ce n'est plus M. Roger Leroy qui est cessionnaire, mais encore Michel Leroy !
Par acte du 8 décembre 1949, M. Jacques Marie Raymond Meynial devint associé de Worms et Cie, par un apport de 800.000 F, ce qui porta le capital social à 40.800.000 F (J.S.S. 23.12.1949).
A la suite de cette nouvelle qualité de M. Meynial, diverses modifications intervinrent dans les statuts sociaux, spécialement dans la question de la répartition des super-bénéfices et, éventuellement, des plus-values du capital des réserves constituées par les bénéfices non distribués ou autres.
En ce qui concerne les super-bénéfices, ils devaient être dorénavant distribués comme suit :
Jusqu'à concurrence de 2.040.000 F pour une année entière - soit 5% du capital - proportionnellement à la part de chacun des associés dans le capital social. Au-delà de cette somme :
31% à M. Hypolite Worms
9,25% à M. Robert Labbé
5% à M. Meynial
et 14% à la disposition de la gérance qui les répartira à sa convenance.
Les 40,75% restant iront :

Mme Blanchy

2,30%

Mme Boccon-Gibod

2,30%

Mme Desforges

2,30%

M. Henri Goudchaux

2,30%

M. Jacques Goudchaux

2,30%

Mme Razsovich

4,50%

Mme Fauchier-Delavigne

5,00%

Mme Fauchier-Magnan

5,00%

Mme Lebel

5,00%

M. Léon Labbé

2,25%

M. Michel Leroy

2,25%

M. Roger Leroy

2,25%

M. Barnaud

3,00%

M. Meynial

1,30%

Quant à la répartition des plus-values et réserves, elle s'effectuera dans les proportions suivantes :

M. Hypolite Worms

38,27%

M. Robert Labbé

11,42%

Mme Fauchier-Delavigne

6,17%

Mme Fauchier-Magnan

6,17%

Mme Lebel

6,17%

Mme Razsovich

5,56%

M. Barnaud

3,70%

Mme Blanchy

2,84%

Mme Boccon-Gibod

2,84%

Mme Desforges

2,84%

M. Henri Goudchaux

2,84%

M. Jacques Goudchaux

2,84%

M. Léon Labbé

2,78%

M. Michel Leroy

2,78%

M. Roger Leroy

2,78%

M. Meynial

1,60%

M. Raymond Meynial avait été nommé chevalier de la Légion d'honneur au titre de gérant de Worms et Cie, dans la promotion de janvier 1949.
M. Jacques Barnaud, ancien associé-gérant avait abandonné ses fonctions à la suite des incidents survenus au moment de la Libération et particulièrement de l'arrestation de M. Hypolite Worms (voir sa lettre courageuse à ses co-associés de Worms et Cie dans notre fascicule d'août 1948).
II avait été, en outre, l'objet lui-même de poursuites devant la Haute Cour de justice, en son titre d'ancien délégué général aux relations économiques franco-allemandes sous le gouvernement du maréchal Pétain, et inculpé d'intelligence avec l'ennemi et d'indignité nationale. Mais, au début de 1949, la commission d'instruction de la Haute Cour de justice présidée par M. Bouchardon le faisait bénéficier d'une ordonnance de non-lieu.
Par acte du 16 décembre 1949, M. Jacques Barnaud redevenait associé en nom collectif et co-gérant de Worms et Cie.
Cette rentrée entraîna les modifications dans divers articles du pacte social, et, particulièrement, le texte de l'article 1er devint le suivant :
« II existe entre MM. Worms, Robert Labbé, Barnaud et Meynial, Mme Blanchy, Mme Boccon-Gibod, Mme Desforges, MM. Henri et Jacques Goudchaux, Mme Fauchier-Delavigne, Mme Fauchier-Magnan, Mme Lebel, Mme Razsovich, M, Léon Labbé, MM. Michel, Paul et Roger Leroy, à compter du 1er janvier 1950, une société en nom collectif à l'égard de MM. Worms, Barnaud, Robert Labbé et Meynial, en commandite seulement à l'égard de MM. Leroy, Goudchaux, M. Léon Labbé et de Mmes Razsovich, Fauchier-Delavigne, Fauchier-Magnan, Lebel, Blanchy, Boccon-Gibod et Desforges.
La raison et la signature sociales sont Worms et Cie. »
D'autre part, l'ancien texte des deux premiers alinéas de l'art. 12 fut remplacé par celui-ci :
« La société est gérée et administrée par MM. Worms, Barnaud, Robert Labbé et Meynial, co-gérants solidairement responsables.
Ces fonctions sont ici expressément acceptées respectivement par chacun de MM. Worms, Labbé et Meynial, et pour M. Barnaud par M. Worms, en vertu des pouvoirs spécieux à lui conférés par ledit M. Barnaud aux termes de l'acte sous seing privé du 5 décembre 1949.
MM. Worms, Barnaud, Labbé et Meynial auront ensemble ou séparément les mêmes pouvoirs pour agir au nom de la société. » (J.S.S 3.01.1950)
Nous nous trouvons, une fois de plus, en face d'une énigme - mais sans donner à ce mot la moindre expression tragique - de l'affaire Worms et Cie.
En effet, le nouvel art. 1er des statuts sociaux comprend parmi les associés commanditaires M. Paul Leroy.
M. Paul René Leroy était le mari de Melle Suzanne, Renée, Marguerite Worms, fille de M. Lucien Worms, et, par conséquent, sœur de M. Hypolite Worms.
De son mariage avec Melle Worms, il avait eu trois fils : MM. Roger, Raymond et Michel Leroy.
Lorsque Mme Leroy décéda le 9 décembre 1925, ses droits dans Worms et Cie, s'élevant à 155.000 F furent partagés (voir notre fascicule de mai 1948) comme suit :
A son mari, M. Paul Leroy, en usufruit : 38.750 F
et à chacun de ses trois fils la pleine propriété de : 38,750 F
plus le tiers (12.916 F 67) des 38.750 F, dont leur père avait l'usufruit.
Puis, lorsque Mme veuve Lucien Worms décéda le 21 juin 1932, ses trois petits-fils : MM. Roger, Raymond et Michel Leroy reçurent ensemble 201.000 F de droits nouveaux (67.000 F pour chacun).
En résumé; dans Worms et Cie., il n'y avait point d'autres associés Leroy que l'ensemble des héritiers de Mme Leroy et spécialement pour la propriété des intérêts les trois fils de Mme Leroy. C'est bien ainsi, d'ailleurs, que se présentait la nouvelle répartition des droits sociaux après l'augmentation du capital par incorporation des réserves de janvier 1940 où "les héritiers Leroy" figuraient pour 2.769.231 F.
Dans l'acte du 13 septembre 1944, M. Paul René Leroy, administrateur de sociétés, dont nous avons publié une longue note biographique dans notre fascicule de mai 1948 - figurait encore parmi les associés, mais non dans la répartition du capital qui réunissait bien les 2.769.231 F mais seulement pour les trois fils de feue Mme Leroy.
Si bien, au fond, que M. Paul Leroy n'était un associé qu'indirect.
C'est, d'ailleurs, ce qui ressort des actes cités plus haut, où M. Paul Leroy n'intervient pas.
Comment, dans ces conditions, peut-il figurer encore parmi les associés actuels, puisque, comme nous le verrons ci-dessous, on ne le trouve pas non plus dans la répartition du capital social ?
Le même jour, 16 décembre 1949, un nouvel acte précise que les associés de Worms et Cie ont décidé de porter le capital de 40.800.000 F à 400 millions par incorporation au dit capital d'une somme de 359.200.000 F « à prendre sur la réserve spéciale provenant de la réévaluation des immobilisations des chantiers navals possédés par la société au Trait (Seine inférieure) et connus sous le nom de Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime ».
Nous avons souligné intentionnellement "l'origine" de l'augmentation du capital. On verra plus loin pourquoi.
Cette opération a été faite conformément aux nouvelles dispositions statutaires que nous avons détaillées plus haut et dans les conditions suivantes :

M. Hypolite Worms

128.762.259 F

M. Robert Labbé

32.176.210 F

M. Jacques Barnaud

13.846.420 F

M. Raymond Meynial

5.987.640 F

Mme Blanchy

10.628.065 F

Mme Boccon-Gibod

10.628.065 F

Mme Desforges

10.628.065 F

M. Henri Goudchaux

10.628.065 F

M. Jacques Goudchaux

10.628.065 F

Mme Fauchier-Delavigne

23.089.840 F

Mme Fauchier-Magnan

23.089.840 F

Mme Lebel

23.089.840 F

M. Léon Labbé

10.403.526 F

Mme Razsovich

20.807.050 F

M. Michel Leroy

10.403.525 F

M. Roger Leroy

10.403.525 F

On le voit, il n'y a pas trace ici de M. Paul Leroy.
D'autre part, il faut noter une modification dans l'état civil de Mme Boccon-Gibod, née Geneviève Marie Goudchaux ayant épousé, en premières noces, M. Christian Henry Boccon-Gibod dont elle devint veuve et qui se remaria en 1948 avec M. François Boccon-Gibod, ingénieur, lui-même veuf de sa première femme, née Taillefer.
A la suite de cette augmentation de capital, les droits de chacun des associés dans le capital social furent les suivants :


Droits anciens

Droits nouveaux

M. Hypolite Worms

12.307.692

141.069.951 F

M. Robert Labbé

2.600.000

38.776.210 F

M. Jacques Barnaud

1.846.153

15.692.573 F

M. Raymond Meynial

800.000

6.787.640 F

Mme Fauchier-Delavigne

3.076.923

26.166.763 F

Mme Fauchier-Magnan

3.076.923

26.166.763 F

Mme Lebel

3.076.923

26.166.763 F

Mme Razsovich

2.769.231

23.576.281 F

Mme Blanchy

1.415.385

12.043.450 F

Mme Boccon-Gibod

1.415.385

12.043.450 F

Mme Desforges

1.415.385

12.043.450 F

M. Henri Goudchaux

1.415.385

12.043.450 F

M. Jacques Goudchaux

1.415.385

12.043.450 F

M. Léon Labbé

1.400.000

11.803.526 F

M. Michel Leroy

1.384.615

11.788.140 F

M. Roger Leroy

1.384.615

11.788.140 F

Diverses modifications statutaires accompagnèrent cette opération.
L'art. 8 fut remplacé par le suivant :
« Les associés gérants auront droit au remboursement de toutes les dépenses, frais de déplacement, faux frais et frais de toute nature qu'ils feront dans l'intérêt de la société. Chaque associé gérant aura droit, de plus, d'effectuer dans l'exercice de ses fonctions, des prélèvements dont les modalités de détermination seront fixées par une délibération des associés votant à la majorité. Ces prélèvements seront passés par frais généraux. »
D'autre part, l'art. 10, qui fixe les conditions de répartition des super-bénéfices, a été également modifié et précise que, à dater du 1er janvier 1950, cette répartition sera effectuée dans les nouvelles conditions suivantes :
1°- Jusqu'à 12 millions proportionnellement aux droits de chacun des associés dans le capital social.
2°- Au-delà de cette somme :
4/10 aux gérants et 6/10 au capital conformément au barème suivant :

M. Hypolite Worms

35,27%

M. Robert Labbé

9,69%

M. Jacques Barnaud

3,92%

M. Raymond Meynial

1,70%

Mme Blanchy

3,01%

Mme Boccon-Gibod

3,01%

Mme Desforges

3,01%

M. Henri Goudchaux

3,01%

M. Jacques Goudchaux

3,01%

Mme Fauchier-Delavigne

6,54%

Mme Fauchier-Magnan

6,54%

Mme Lebel

6,54%

M. Léon Labbé

2,95%

Mme Razsovich

5,90%

M. Michel Leroy

2,95%

M. Roger Leroy

2,95%

En ce qui concerne les plus-values, réserves et bénéfices non distribués, la répartition se fera, dans les mêmes proportions que celles des super-bénéfices au-delà de 12 millions.
Toutefois, dans les augmentations de capital par répartition de réserves n'ayant pas leur origine dans un prélèvement sur le compte de "profits et pertes", un tiers seulement de la part revenant aux gérants en cette qualité, pourra être incorporé au capital, les deux autres tiers devant être inscrits comme préciput à exercer à la liquidation. C'est d'ailleurs ce qui s'est déjà effectué lors de l'augmentation de ce genre du capital en janvier 1940, et c'est ainsi que, à ce titre, M. Hypolite Worms bénéficie déjà d'un préciput de 15 millions en chiffres ronds.
Les art. 15 - qui vise le cas de décès des associés gérants - et 18 - conditions de la liquidation - ont été également modifiés.
Mais les conditions mêmes de cette augmentation de capital ne sont pas sans soulever certaines questions, puisque les 359.200.000 F qui ont servi à l'effectuer ont été prélevés, d'après les actes et les insertions légales, « sur la réserve spéciale provenant de la réévaluation des immobilisations des chantiers navals possédés par la société au Trait (Seine inférieure) et connus sous le nom de Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime ».
Nous avons bien, effectivement, signalé, dans notre fascicule de mai 1948, que la maison Worms et Cie avait, au lendemain de l'armistice de 1918, repris une ancienne création d'un de ses associés gérants de l'époque, M. Majoux, affaire de constructions et réparations navales qui devint un "département" de la société mère, sous le titre "Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime, Worms et Cie".
Mais, il n'en est plus de même, puisque, par acte du 25 juillet 1945, ce "département" a été constitué en société particulière sous le titre "Société anonyme des Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime" avec, précisément, comme objet :
« La reprise et l'exploitation de l'entreprise de construction et de réparation de navires que MM. Worms et Cie possèdent au Trait (Seine inférieure) et à cet effet, l'acquisition par voie d'apport ou autrement, ou la prise à bail avec ou sans promesse de vente du nom commercial, des marchés en cours, de la clientèle, de l'achalandage des chantiers du Trait, de leur outillage non immeuble par destination et des objets de nature mobilière servant à l'exploitation, des stocks de matières premières et d'approvisionnements, des éléments immobiliers, terrains, constructions, maisons ouvrières et gros outillage...[2] »
Ainsi, il ne s'agissait pas simplement de l'exploitation des Chantiers du Trait, mais encore, et d'abord, d'après l'art. 2 des statuts, de leur reprise, avec acquisition éventuelle « des éléments immobiliers, terrains, constructions, maisons ouvrières outillage ».
Alors, comment Worms et Cie peuvent-ils posséder encore, en décembre 1949, des immobilisations aux Chantiers du Trait et nommément - I'acte est très précis - connu sous le titre Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime, alors que ce titre appartient non plus à Worms & Cie, mais à une société distincte, et que les immobilisations antérieures doivent normalement être passées entre les mains de cette nouvelle société.
Doit-on penser que celle-ci s'est bornée jusqu'ici à l'exploitation des Chantiers du Trait, mais alors on ne comprendrait pas que cette société, si elle n'avait encore rien acquis personnellement, pouvait l'année dernière, par décision de l'assemblée extraordinaire du 3 août 1949, soit 4 ans après sa constitution, augmenter son capital de 10 à 40 millions par incorporation directe d'une partie de la réserve spéciale de réévaluation, en élevant de 1.000 à 5.000 francs la valeur nominale des actions (J.S.S. du 12 août 1949).
Si elle n'avait encore rien acquis, de quelle réévaluation, ou plutôt, réévaluation de quoi s'agissait-il alors ? Des éléments mobiliers ? L'envergure de la réévaluation - on a vu que les 50 millions de cette augmentation de capital n'étaient que partie de la réserve de réévaluation - nous paraît difficilement considérable avec cette hypothèse.
En tout cas il y a là une obscurité nouvelle qui s'apparente véritablement aux méthodes trop habituelles de Worms et Cie.
Le fait que Worms et Cie possède le contrôle total des Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime n'a rien à voir en la circonstance et ne lui permet aucune intervention directe dans l'actif de cette dernière.
La question se pose donc de savoir quelles sont, à l'heure actuelle, les relations exactes existant entre Worms et Cie et les Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime.
Les insertions légales relatives à l'augmentation du capital de 40.800.000 F à 400 millions et aux modifications des statuts de Worms et Cie ont été faites au Journal spécial des sociétés par actions.
(A suivre.)

     R. Mennevée

P.S. Parmi les "oublis" que manifeste Worms et Cie à l'égard des dispositions légales, nous citerons encore que cette banque ne publie pas ses bilans au Bulletin des annonces légales obligatoires, comme le prescrit la loi du 13 juin 1941, toujours en cours.
On nous objectera peut-être que Worms et Cie n'est pas seulement banque, mais aussi affaire d'armement maritime.
Cela ne saurait annuler en rien l'obligation légale signalée plus haut. En effet, Worms et Cie, d'une part, figure au répertoire des banques, et, d'autre part, est même membre du conseil d'administration de l'Association professionnelle des banques. Enfin, elle fait nettement appel à l'épargne publique par ses émissions d'obligations ou ses augmentations de capital de sociétés diverses, émissions et appels qu'elle a, d'ailleurs, très considérablement développés au cours de ces années dernières.
Nous posons donc, au moins au ministre des Finances, la question suivante :
Pourquoi la banque Worms et Cie n'est-elle pas mise dans l'obligation de se soumettre aux dispositions de la loi du 13 juin 1941, c'est-à-dire de publier ses bilans au Bulletin des annonces légales obligatoires ?

Appenda aux chapitres précédents

Ajouter à IIIe partie, chapitre 1er - De 1917 à 1925 - Chambre de commerce franco-polonaise.
La maison Worms et Cie a été, en mars 1920, parmi les fondateurs de la Chambre de commerce franco-polonaise, qui fut installée, par la suite, rue Godot de Mauroy à Paris - elle figurait sur la liste des membres donateurs, et était représentée au conseil d'administration par le commandant J. R. Denis, son secrétaire général.

Société normande de distribution d'eau, de gaz et d'électricité

La société Worms et Cie participa, en février 1921, à la constitution de cette société, fondée par la Société lyonnaise des eaux et de l'éclairage, par acte Moyne à Paris, du 1er février 1921, avec siège social au Trait, canton de Duclair (Seine inférieure).
Elle avait pour objet : l'obtention, la reprise, l'affermage, l'exploitation de toutes concessions ou permissions pour la production, la distribution et la vente de l'eau, du gaz et de l'électricité, ainsi que de tous autres agents ou procédés de chauffage, d'éclairage et de production de force motrice, etc.
Elle était au capital de 1 million de francs, en 2.000 actions de 500 F souscrites en espèces et libérées du quart, par huit personnes et sociétés, comprenant les deux sociétés fondatrices et leurs représentants au conseil d'administration et que nous retrouverons ci-dessous.
La société était administrée par un conseil composé de 5 à 20 membres. L'assemblée constitutive du 9 février 1921 avait nommé comme premiers administrateurs :
M. Jean Siegler, ingénieur à Paris,
M. Henri Léon Macaux, ingénieur à Paris,
M. Édouard Gustave Laine, ingénieur à Paris,
représentant tous la Société lyonnaise des eaux et de l'éclairage,
et MM. Georges Majoux, industriel, au Trait,
Joseph Denis, à Paris,
et Michel Goudchaux, à Paris
représentant tous trois Worms et Cie.
Les statuts  de la Société normande de distribution d'eau, de gaz et d'électricité ont été publiés dans le Journal de Rouen, du 8 mars 1921.


[1] Voir aux années 1948 et 1949.

[2] Statuts dans J.S.S. du 28 août 1945. On constatera à propos de cette insertion, une nouvelle contravention aux dispositions légales, puisqu'elle ne comporte pas la composition du premier conseil d'administration.


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