1946.11.21-22.De Worms et Cie.Note

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Cession d'actif de Messieurs Worms & Cie
à la société des Ateliers & Chantiers de la Seine-Maritime

Conversations au siège social les 20 & 21 novembre 1946
Des conversations préliminaires ont eu lieu le 20 novembre entre Messieurs Labbé, Malingre et Roy dont certaines en présence de Monsieur Hortala.
Le lendemain un échange de vues a eu lieu entre Messieurs Labbé, Nitot, Abbat, Malingre et Roy.
Monsieur Labbé indique que l'objectif poursuivi est de faire de la société des Ateliers & Chantiers de la Seine-Maritime une société "majeure" propriétaire de ses installations, afin d'augmenter son crédit, d'éviter de recourir à des cautions pour ses opérations financières, d'avoir une situation plus normale quant à la charge de ses amortissements, etc.
La réalisation de l'opération devrait être recherchée avec l'idée de donner une base de départ à la nouvelle société aussi allégée que possible et bien entendu d'éviter au maximum les frais de taxe d'enregistrement, droits de transcription, etc.
Monsieur Malingre fait ressortir qu'il y a lieu de se hâter car on peut craindre que dans les mesures d'assainissement financier qui seront envisagées quand le nouveau gouvernement sera constitué, on relève les droits sur les apports en société, avec établissement éventuel de taxe de première mutation, etc.
Monsieur Hortala signale que dès à présent sur les apports immobiliers il faudrait compter 3.50% de frais y compris la taxe de transcription du bureau des hypothèques.

La cession comporterait :

1°.- Les immobilisations figurant au bilan de Worms & Cie Le Trait au 31 décembre 1945, le prix de cession étant fixé à la différence entre le prix figurant à l'actif après réévaluation et le montant des amortissements, y compris ceux à effectuer en 1946 soit environ 6.000.000.
La valeur de cession ressortirait ainsi à :
- pour les immobilisations anciennes : 349 millions - (262 + 6 millions) = 81 millions.
Bien entendu les immobilisations indiquées comme complètement détruites et qui font l'objet de postes spéciaux dans le bilan à l'actif et d'amortissements équivalents au passif ne feraient pas partie de la cession.
Les immobilisations nouvelles portées provisoirement dans les écritures de Worms & Cie en 1946 en attendant que le dépouillement habituel des bons "C" soit fait à la clôture de l'exercice, seront dès à présent virées aux ACSM.

2°- Stock Worms & Cie au 31 décembre 1946 : 7 millions ½ environ compte tenu des sorties à prévoir d'ici la fin de l'année et stock détruit 4 millions avec cession de la créance pour dommages de guerre correspondante.
Monsieur Roy fait observer que dans ces conditions la provision pour réévaluation du stock va se trouver sans objet.
Monsieur Malingre en convient mais indique qu'il faut s'y résigner car dans l'état actuel des conceptions sur les dommages de guerre il n'y aura d'indemnité pour reconstitution du stock que si ce stock est effectivement utilisé par l'entreprise cessionnaire de la créance des dommages de guerre.
II y aura lieu également de songer aux écritures à prévoir pour la provision sur stock détruit par sinistre de guerre (22.000.000 F).

3°- Créances sur dommages de guerre
La cession de créance était envisagée au cours des conversations de la première journée à un prix relativement modéré mais, de renseignements recueillis par Monsieur Robert Labbé, il résulte que le ministère de la Reconstruction a une position stricte sur les autorisations de cessions de créances de dommages de guerre dont l'évaluation doit être comprise au moins entre la valeur du dommage et 50% de cette valeur.
Cette position conduirait les ACSM à acquérir la créance pour dommages de guerre moyennant plusieurs centaines de millions, ce qui est évidemment déraisonnable.
Au cours de la conversation Monsieur Roy souligne que de toute façon on pourrait envisager de scinder la créance des dommages de guerre de plusieurs parties dont certaines pourraient ne pas être cédées aux ACSM ce qui allégerait la valeur de la créance cédée, mais bien entendu il faudrait au préalable vérifier que l'administration n'est pas opposée à ce scindement.
a) La reconstitution des sinistres successifs qui n'ont profité en rien à la nouvelle société devrait rester en dehors du règlement entre les ACSM et Worms & Cie, cette dernière société étant seule intéressée au recouvrement de l'indemnité pour sinistres successifs dont le montant peut s'élever à 5 ou 6 millions.
b) Des dépenses très importantes de transfert provisoire de matériel, de réparations provisoires en vue de continuer l'exploitation, de mesures conservatoires, etc. dont le recouvrement sur l'État présente un gros aléa peuvent fort bien être exclues de la cession de créance et rester une affaire entre Worms & Cie et le ministère de la Reconstitution. Ce poste est susceptible d'atteindre 20 à 25 millions.
c) Des dépenses importantes ont été engagées au titre des réparations de bâtiments ou de matériel considérés comme non entièrement détruits (elles atteindront 90 à 95 millions en fin 1946).
On peut admettre qu'il serait logique que la charge de ces réparations (avec la créance correspondante sur l'État reste à messieurs Worms & Cie puisque le prix de cession de l'actif non détruit est basé sur une réévaluation d'installations en bon état.
II serait anormal de superposer à cette valeur :
a) Le prix des réparations déjà faites, réparations qui laissent à la charge de l'entreprise un aléa certain, quant au remboursement de l'État.
Cet aléa pourrait, il est vrai, comme suggéré par Monsieur Malingre, faire l'objet d'une garantie de Worms & Cie aux ACSM si la cession de créance pour dommages de guerre couvrait les réparations de bâtiments et matériel endommagés, garantie qui trouverait sa compensation chez Worms & Cie dans la provision créée au titre des dommages de guerre.
b) Les réparations restant à exécuter après la cession des immobilisations car la nouvelle société aurait à payer :
1°- les réparations,
2°- la valeur de la créance,
alors qu'elle n'en recevra qu'une fois la contrepartie et que le prix des installations cédées correspond à des bâtiments et matériel en bon état et que la valeur des immobilisations ne s'en trouvera pas augmentée.
Mais la question se pose de savoir si on peut conserver la créance sur les dommages de guerre chez MM. Worms & Cie et effectuer les réparations à leur compte alors que ceux-ci auraient cédé leurs installations aux ACSM. Peut-être serait-il nécessaire de distinguer entre les réparations exécutées à la date de la cession et celles qui restent à effectuer ? L'administration acceptera-t-elle de faire de telles distinctions ?
Si, en fin de compte, il était décidé de céder aux ACSM la créance de dommages de guerre correspondant aux réparations il serait à tout le moins normal que le prix de cession des immobilisations indiqué ci-dessus pour environ 81 millions soit diminué d'une certaine somme tenant compte du fait que ces immobilisations ont comporté des dégâts pour dommages de guerre à réparer aux frais de l'État en tout ou partie.
d) Reconstitutions intégrales
Nous entendons par là la reconstitution des immobilisations entièrement détruites qui font l'objet des postes du bilan chiffrés à 15.835.000 F et qui, bien entendu, conformément aux instructions administratives, n'ont pas été réévalués et ne sont pas comprises dans le prix de cession de 81 millions des immobilisations anciennes.
Si l'on cède les immobilisations anciennes à la nouvelle société, il paraît nécessaire que les reconstitutions (dont d'ailleurs certaines comportent une part d'extension, fassent l'objet de la cession de créances de dommages de guerre si celle-ci est réalisable sans trop de frais.
Les postes d peuvent faire l'objet d'une liste précise facile à établir en ce qui concerne les bâtiments et un peu plus difficile en ce qui concerne l'outillage détruit.
Sauf objection à provenir de l'administration la cession de ces éléments conduirait à une assez grande clarté dans le bilan de la nouvelle société puisque les immobilisations seraient en somme composées de 3 éléments.
1°- Les anciennes installations non totalement détruites et réparées après sinistres de guerre, cédées à leur valeur comptable nette après réévaluation ;
2°- Les reconstitutions totales (y compris la part correspondant aux extensions) telles que bâtiments du montage bord, peinture, gréement, bâtiment des maçons, etc., grues et appareils de levage nouveaux, outillage en remplacement de celui totalement détruit, etc.
Ces reconstitutions figureront à l'actif du bilan des ACSM :
a) pour le prix d'acquisition de la créance de dommages de guerre correspondante ;
b) pour leur valeur de construction ou d'acquisition (y compris la part d'extension qu'elle comporte) et auront au passif une contrepartie sous un chapitre "réserve" pour le montant de la participation de l'État aux frais de reconstruction, ceci conformément aux instructions actuelles de l'administration sur la comptabilisation des dommages de guerre.
3°- Les installations entièrement nouvelles.
Le bilan de la nouvelle société ne serait pas alourdi des charges de créances de dommages de guerre assez délicates correspondant aux postes a, b, c.
À elle seule d'ailleurs, la valeur des reconstitutions (y compris les extensions) atteindra un total considérable. A la fin de 1948, on peut estimer que celles-ci s'élèveront déjà à environ 30 millions dont 25 millions pour les bâtiments et le reste pour l'outillage, et il reste à engager des dépenses extrêmement importante (direction, entretien mécanique et électrique, outillage, grues de cale, gros rouleau, etc.).
Aucune décision n'est finalement prise. Monsieur Labbé fait remarquer que pour l'immédiat aucun inconvénient ne résulte de la situation actuelle dans nos relations avec les tiers. Monsieur Nitot précise que dans nos rapports avec la Marine nationale ou la Marine marchande il n'est fait aucune objection pour la passation des marchés au nom de la nouvelle société. Quant aux opérations financières elles sont maintenant mises sur pied.
La remarque de Monsieur Malingre faite à l'origine n'en reste pas moins vrai au sujet du risque d'un relèvement de frais d'apport de l'actif Worms & Cie si cet apport est un jour décidé.
D'autre part, si l'actif ancien n'est pas cédé à la nouvelle société les amortissements continueront à être faits chez Messieurs Worms & Cie, ce qui peut présenter des commodités, pour la Maison en 1946, mais qui, si cette situation se prolongeait, pourrait amener des difficultés, à l'égard de la Marine si celle-ci demandait de justifier de nos charges.

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