1946.01.07.De Hypolite Worms.Note au sujet de la résistance de la Maison au STO

Ce document est conservé aux Archives nationales - Caran, sous la cote F12 9566. 

7 janvier 1946

Note sur l'action de la Maison Worms dans la résistance
au Service du travail obligatoire en Allemagne

Dès l'organisation du Service du travail obligatoire en Allemagne, la Maison Worms eut sans cesse la préoccupation de tourner les règlements pour mettre, aussi complètement que possible, son personnel à l'abri de ces déportations déguisées.

- I -

Elle utilisa à plein, notamment, les particularités de son organisation, avec laquelle les occupants étaient peu familiarisés pour fournir des listes de personnel toujours incomplètes, ne se rapportant qu'à une seule catégorie d'activité et, bien entendu, selon les circonstances, à celle qui était la moins exposée du fait des exceptions dont bénéficiaient certaines spécialités de travailleurs.
Le département des Services maritimes était de ceux-là et la Maison trouva ici une heureuse contre-partie du sacrifice qu'elle s'était imposé en maintenant en activité une partie importante du personnel de ses succursales maritimes, alors complètement désaffectées.
Ce personnel put ainsi bénéficier d'une carte de travail qui le mettait à l'abri de la réquisition massive, en raison de l'assimilation du personnel sédentaire des compagnies d'armement à leur personnel navigant lequel jouissait d'une exemption quasi totale.
101 employés des Services maritimes de la Maison se sont trouvés dans ce cas. Les autres, au nombre de 160 environ, furent, mis à un régime de disponibilité qui, tout en leur assurant le maintien d'une partie plus ou moins importante de leurs appointements, selon l'ancienneté et la fonction, les mit à l'abri de toute déclaration aux Services allemands, malgré le lien de fait qui les unissait toujours à leur entreprise.
En ce qui concerne le  personnel des Services bancaires, celui-ci, plus exposé, put bénéficier, à différentes reprises, de l'alibi fourni par la déclaration qui couvrait les seuls effectifs du personnel maritime et, finalement, on put arriver aux résultats suivants, particulièrement éloquents :
- Sur un ensemble de plus de 800 employés, tant parisiens que provinciaux, un seul partit en Allemagne au titre des Services maritimes et deux seulement au titre des Services bancaires.

- II -

L'action de la Maison Worms ne se limita pas à cette attitude en quelque sorte passive, mais elle s'exerça d'une façon beaucoup plus positive.
Tant, en effet, pour son Département combustibles que par son Département minier, elle put, dans ses tourbières, dans ses exploitations forestières et minières, non seulement incorporer dans ses contrôles normaux un nombre important de travailleurs, soit par mutations de personnel en provenance de secteurs menacés, soit par engagements directs, mais encore cacher, hors de tout contrôle, un nombre presque aussi important - plusieurs centaines - de réfractaires, lesquels d'ailleurs ne faisaient souvent même pas partie de son personnel, et qu'elle prit néanmoins en charge pour éviter leur déportation en Allemagne.
On en trouve de nombreux exemples dans les effectifs tourbiers et forestiers, mais ceux-ci sont particulièrement abondants dans les exploitations minières de Charrier et de Montmins, dont les deux listes totalisent 156 réfractaires.
Ces derniers appartiennent aux milieux les plus divers : ouvriers, étudiants, employés, échappés, dans leur immense majorité des organisations Todt ou permissionnaires du STO, en Allemagne, ou même membres des maquis de la région : tous embauchés irrégulièrement, engageant ainsi directement la responsabilité des dirigeants.

Cette résistance active, qu'on voit ainsi pratiquer sur une échelle très vaste n'eut pas été concevable sans la complicité et l'adhésion expresse à cette politique de toute la hiérarchie et notamment de la plus haute.
A l'appui de cette action, trois séries de documents sont jointes en annexes :
1°- liste de mutations de personnel entre un département plus menacé et un département moins menacé,
2°- listes de travailleurs ayant appartenu à certaines exploitations dont les contrôles ont pu être retrouvés et qui, pour être incomplètes, n'en constituent pas moins un témoignage corroborant les déclarations ci-dessus,
3°- recueil de déclarations faites par un certain nombre réfractaires dont on a pu retrouver les traces.

H. Worms

[Les annexes manquent - voir la note de H. Worms du 31 janvier 1947.]

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