1945.11.27.Note (sans émetteur ni destinataire).Transfert des ACSM à une société anonyme

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27/11/45

Transfert à une société anonyme des chantiers navals de Worms & Cie

Dans une note dont nous remettons ci-joint copie, nous avons, le 31 août 1945, exposé les obstacles auxquels se heurte l'exécution de ce transfert suivant le mode normal d'un apport en nature que MM. Worms & Cie feraient de leurs chantiers au Trait à la nouvelle société, et nous avons recherché des solutions susceptibles de permettre pratiquement la séparation des chantiers navals des autres entreprises exploitées par MM. Worms & Cie.
Ainsi que nous l'avons indiqué, les difficultés en cause ne concernent nullement le taux ou l'assiette du droit d'apport que percevra l'administration de l'enregistrement. MM. Worms & Cie ne contestent pas que le droit d'apport soit calculé sur la valeur actuelle réelle des chantiers.
La question relève exclusivement de l'administration des contributions directes : la réalisation de l'apport dégagera une forte plus-value sur la valeur comptable présente des immobilisations, et la taxation immédiate de cette plus-value ne pourrait régulièrement être évitée que sous condition de procéder à des réinvestissements considérables et, à divers égards, injustifiés.
Si, pour mettre à jour au 31 décembre 1945 les chiffres de notre note du 31 août 1945, nous tenons compte que l'exercice 1945 achèvera à peu près l'amortissement des prix de revient, et nous admettons, pour le raisonnement et sous toutes réserves, que la valeur de cession des immobilisations pourra atteindre l'ordre de grandeur de 60 millions, nous voyons que MM. Worms & Cie en comptabilisant les actions qu'ils recevraient de la nouvelle société anonyme en représentation de leur apport feraient apparaître une plus-value de cette importance de 60 millions.
Pour éviter l'imposition immédiate de cette plus-value, comme le leur permet l'art. 7bis du code général, Mm. Worms & Cie devraient réinvestir dans les trois ans :

le montant de la plus-value

60.000.000

ajouté au prix de revient des immobilisations

100.000.000

soit au total

160.000.000

Le réinvestissement des F 60.000.000 s'effectuerait dans l'opération même d'apport, en actions que MM. Worms & Cie recevraient de la nouvelle société.
Resteraient à remployer F 100.000.000. Cette somme ne saurait être qu'en partie investie dans la nouvelle société en actions de numéraire, car on ne peut imposer à cette société un capital disproportionné avec les besoins et les possibilités de l'industrie des constructions navales, et il faut éviter de la grever de charges plus lourdes, et de lui faire courir plus d'aléas financiers que ses collègues des autres chantiers.
C'est donc dans leurs propres affaires (navires, commerce des charbons, etc.) que MM. Worms & Cie devraient chercher à réinvestir la plus grande partie des F 100.000.000 ci-dessus. Mais on arriverait ainsi à la conséquence véritablement anormale d'obliger MM. Worms & Cie à accomplir un effort financier considérable pour les branches d'activité autres que celle des constructions navales pour laquelle ils entendent ménager leurs ressources en vue de renforcer son potentiel.
C'est d'ailleurs bien un effort financier considérable qui en toute hypothèse leur serait demandé, et non pas le remploi de paiements qu'ils auraient reçus. Il n'y aurait pas de problème de réinvestissement si MM. Worms & Cie cédaient à des tiers les chantiers contre espèces. Il y en a un parce qu'apportant leurs chantiers à une société filiale, ils ne reçoivent en échange que des actions d'apport qu'ils conserveront, et parce qu'il leur faudra trouver ailleurs que dans la cession les ressources nécessaires pour procéder aux investissements exigés par l'art. 7bis.
Nous avons dû conclure que l'opération de transfert des chantiers à la nouvelle société anonyme aboutissait dans ces conditions à une catastrophe financière, et s'avérait donc irréalisable dans le cadre de l'art. 7bis.
I - On pourrait trouver une solution dans le report de l'exigibilité des droits, et admettre qu'en ce qui concerne l'application de l'art. 7bis, la plus-value de réévaluation ne soit pas dégagée actuellement, mais seulement dans l'hypothèse de liquidation des actions d'apport détenues par MM. Worms & Cie, actions que ceux-ci s'engageraient d'ailleurs sans difficulté à conserver d'une manière permanente dans leur portefeuille, sauf à payer l'intégralité des droits dont la suspension aurait été accordée s'il en était autrement.
L'apport - au point de vue comptable - se ferait sur la base de la valeur en écritures des chantiers ; les droits - au point de vue fiscal - seraient liquidés sur la base de leur valeur réelle.
L'article 7bis n'aurait pas à jouer, au moins pour le moment.
II. Mais l'exécution de MM. Worms & Cie de la réévaluation prévue par les art. 69 et suivants de l'ordonnance n° 45-1.820 du 15 août 1945, puis l'apport en nouvelle société des biens réévalués, paraissent fournir une solution régulière du problème posé par la plus-value.
Nous envisageons, sous toutes réserves et pour le simple raisonnement, que la valeur compensée des immobilisations du Trait, après réévaluation maxima, dépasse F 200.000.000.
Pour les raisons indiquées ci-dessus, il ne peut être question d'ouvrir l'exploitation de la nouvelle société avec un capital de cette importance. Comme les textes susvisés du 15 août 1945 en donnent la possibilité, la réévaluation serait limitée au stade correspondant à une valeur compensée des immobilisations égale à la valeur de cession adoptée avec l'administration de l'enregistrement pour l'assiette du droit d'apport, soit F 60.000.000.
MM. Worms & Cie inscriraient à leur bilan : au passif cette réserve spéciale de F 60.000.000, et en regard à l'actif les F 60.000.000, d'actions d'apport. Mais il ne serait plus question de plus-value de cession, à taxer ou à réinvestir, et les difficultés exposées dans la première partie de cette note ne s'élèveraient donc plus.
Quant à la société anonyme (nouvelle) des chantiers navals, elle ouvrirait son exploitation avec un capital correspondant aux immobilisations reçues en apport de F 60.000.000, chiffre normal pour les besoins et les possibilités de l'affaire.
Sans doute MM. Worms & Cie se trouveraient-ils après réévaluation et apport dans la situation un peu particulière de disposer à leur bilan d'une plus-value dégagée par la réévaluation d'éléments (chantiers de constructions navales), qui cesseraient de figurer à l'actif. Mais il ne semble pas que cette particularité impose de liquider la réserve spéciale, ou d'en disposer dans un délai quelconque. Il semble même que l'aliénation ultérieure de tout ou partie des actions d'apport susvisées doive ester sans influence sur le sort de ladite réserve spéciale.
Au surplus, cette réserve spéciale fournie par la réévaluation des immobilisations des chantiers ne constituerait qu'un élément du total de réserve spéciale qui apparaîtrait au bilan de MM. Worms & Cie, ce total comprenant en outre les plus-values fournies par la réévaluation parallèle des immobilisations des autres activités (navires, installations de commerce des charbons...) conservées par eux, étant entendu que le portefeuille titres pourra être laissé en dehors de la réévaluation.
Si comme il semble, l'interprétation ci-dessus rencontre l'approbation de l'administration des contributions directes, la séparation des chantiers de constructions navales, de leurs autres activités, envisagée par MM. Worms & Cie en plein accord avec les départements ministériels intéressés, pourrait être réalisée sans se heurter aux difficultés que nous rencontrons jusqu'à présent.

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