1945.04.23.De Hypolite Worms.A Raymond Meynial.Original

Original

23.4.45

Mon cher Raymond
J'ai vu longuement Grédy hier. Il m'a raconté son voyage à Londres. Je voudrais qu'avant votre départ pour la capitale britannique, vous trouviez le temps de lui parler. Il vous donnera un certain nombre de détails qui m'ont frappé. C'est ainsi par exemple que le chef actuel de Holts (nos meilleurs clients) et auquel leur agent à Port-Saïd (frère de notre propre directeur, Acfield) parlant de ses relations d'avenir avec notre maison, a dit : « Oui, enfin, nous verrons ce que le ministère décidera. »
D'autres indications ou bruits semblent montrer que certains armateurs attendent un peu de voir ce qui va se passer. Je relie cela à ce que Dunker avait raconté du soi-disant rapport de l'Intelligence Service, fait par [1 mot illisible] où il était question d'Égypte et de concurrents jaloux. Je relie cela également aux bruits qui nous parviennent de tous côtés sur l'enquête que les Anglais semblent faire actuellement sur moi et sur la Maison et sur le rapport qui a été demandé au ministère de l'Intérieur. Enfin, Grédy qui est très intime avec Spitzer de la banque suisse, votre ami, et qu'il a vu à Londres, vous racontera qu'en parlant de la campagne contre la Maison, Spitzer lui a dit très nettement qu'il se demandait si cette campagne n'était pas plutôt d'origine maritime que d'origine bancaire.
Enfin, vous savez que Georges Savon est déchaîné contre nous, que [1 mot illisible], directeur actuel des Transports maritimes à Londres, est un employé de Savon, l'homme de Georges Savon aux [1 mot illisible] de Port-Saïd.
Je me demande donc si pression n'est pas faite depuis quelque temps sur le Ministry of Shipping et celui-ci fait une vaste enquête ou bien pour la blanchir ou au contraire pour la faire mettre sur la liste noire, sinon officiellement, en tous cas en la faisant boycotter par tous les armateurs anglais sous le prétexte qu'elle est indésirable.
Cette question des relations avec l'Angleterre me préoccupe beaucoup depuis quelque temps et méritera toute votre attention à Londres lorsque vous y serez. Une conversation d'homme à homme avec [1 mot illisible] vous éclairera probablement. De même il faut essayer par tous les moyens de faire donner un bon rapport sur nous par le ministère de l'Intérieur aux Anglais.
Autres renseignements : Il faut soigner Carriguel de la banque, qui est persona grata auprès de la banque d'Angleterre. Lui pourrait y faire du bon travail pour nous.
Enfin Grédy a entendu dire que Palenski nous en voulait à mort, à moi (?) et à la Maison, ce qui éclairerait beaucoup de choses, parce que, bien qu'on dise qu'il n'a pas l'air de mener la danse contre nous, il le fait peut-être dans la coulisse, et, comme je l'ai souvent pensé, c'est peut-être lui l'âme du complot qui se sert de tous les éléments déchaînés les uns après les autres, bancaires d'abord, maritimes ensuite, tous nos concurrents lui servant de complices.
Je m'excuse de ce gribouillage informe mais j'ai écrit tout cela à la hâte pour donner cette lettre à Grédy qui repart cet après-midi. En tous cas il faudrait bien que nous passions une heure ou deux, ensemble, en tête-à-tête, avant votre départ pour Londres.
Affect[ueusement] à vous,

HW


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