1944.12.08.De Gabriel Le Roy Ladurie.Au juge Georges Thirion.Interrogatoire

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Aff. c/ Worms et autres

8 décembre 1944

Interrogatoire de Le Roy Ladurie

L'an 1944, le 8 décembre, devant nous Thirion, juge d'instruction au Tribunal de première instance du département de la Seine, assisté de Lombard, greffier, a comparu :
Le Roy Ladurie Gabriel - inculpé déjà entendu, assisté de Me Bizos, son conseil -
II déclare :
Demande - II nous a été signalé que la Maison Worms aurait participé à des opérations de commerce avec les pays du nord, notamment la Suède, par le canal de laquelle elle aurait pu, indirectement, travailler pour l'ennemi ?
Réponse - La Maison Worms, en tant que telle, n'a jamais ni avant la guerre ni depuis la guerre, fait de commerce de marchandises avec aucun pays scandinave. Depuis leur création, les Services bancaires servent de correspondant à un nombre important de banques et de sociétés industrielles scandinaves, mais il ne s'agit là que d'opérations bancaires du type le plus courant, dépôt de fonds, virements et accréditifs documentaires. Pour ces derniers, ils sont, depuis septembre 1939, sous le contrôle étroit du ministère des Finances et de l'Office des changes.
Par contre, du fait même de l'expérience que nous avions acquise dans les pays scandinaves, nous avons été amenés au printemps de 1939 à faciliter la création de deux sociétés qui, elles, sont spécialisées dans les opérations commerciales entre la France et les pays Scandinaves :

1°- Union d'exportateurs français pour l'Europe du nord (UEFEN) 12, rue Tronchet, à Paris
L'UEFEN a été créée sous nos auspices le 5 avril 1939 sous la forme de société anonyme à capital variable, dans le cadre des décrets-lois du 25 mai 1938 accordant l'agrément de l'État aux organismes ayant pour but de favoriser le commerce à l'exportation.
Par décret du 24 juin 1939, elle a obtenu l'agrément du gouvernement français.
La société a pour objet de faciliter les ventes à l'étranger de produits français, en particulier dans les pays du nord.
Mais elle ne traite jamais de contrats fermes pour son compte ; elle ne se porte pas ducroire ; elle est avant tout un agent de négociation et de renseignement pour les industriels exportateurs.
Je dépose au sujet de cette société une note résumant l'ensemble de son activité pendant l'occupation.
Pendant l'occupation, des bruits ayant couru et qui tendaient à faire penser que la société n'avait pas servi exclusivement soit des intérêts français, soit des intérêts scandinaves, il fut procédé, à la demande de certains de nos amis, à une enquête en Suède. Le résultat de cette enquête a été officiellement transmis au Comité français de la Libération nationale à Alger le 19 avril dernier par Monsieur de Belgrade, délégué du gouvernement suédois auprès du Comité. Ce document, que je verse au dossier, confirme de façon indiscutable qu'aucun des produits français, dont l'importation en Suède a été négociée par l'UEFEN n'a été réexporté de. Quoi qu'il en soit, je confirme que la Maison Worms ne jouait dans cette société qu'un rôle d'actionnaire ; que si elle lui apportait son concours moral et technique elle n'a jamais suivi son activité dans le détail et ne saurait être tenue pour responsable d'une erreur de service qui aurait pu être commise.

2°/ Société centrale d'achats pour l'Europe du nord (SCANE) 34, boulevard des Italiens, à Paris
Créée le 23 mai 1939, cette société avait pour but de faire effectivement des opérations de commerce à l'importation et l'exportation avec les pays scandinaves ; elle devait, dans notre esprit, constituer le service d'exportation pour les pays du nord, pour le compte d'entreprises françaises qui n'étaient pas outillées pour ces pays. Le capital est de 3.200.000 francs sur lequel nous détenons 1.056.000 francs.
Je vous dépose une note détaillée sur la structure de cette société et les opérations qu'elle a pu faire sous le régime de l'occupation. Je confirme de la façon la plus formelle qu'elle n'a, ni directement, ni indirectement, fait aucun acte de commerce avec l'ennemi.


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