1944.12.07.De Lucien Émo.Au juge Georges Thirion.Déposition

Copie

Le PDF est consultable à la fin du texte.

NB : Ce document provient d'un dossier intitulé "Département maritime" et daté du 7 décembre 1944. Lui sont annexés :
- le rapport du commandant Dassié daté du 7 décembre 1944,
- un courrier au Directeur de la Bauaufsicht der Kriegsmarine daté du 3 mars 1944,
- une note datée du 7 décembre 1944 sur la situation de la flotte Worms & Cie depuis le début des hostilités,
- une note datée du 24 octobre 1944, intitulée "Navires envoyés de Bordeaux en Afrique du Nord en 1941",
- une note datée du 22 janvier 1941 au sujet du départ éventuel pour Casablanca des navires immobilisés à Bordeaux [informations réparties dans les recueils annuels concernés],
- une note datée du 18 mars 1941 intitulée "Navires immobilisés à Bordeaux",
- une note datée du 27 mars 1941 intitulée "Situation des "Le-Trait", "Pontet-Canet", "Fronsac",
- une note datée du 29 mars 1941 intitulée "Départ éventuel des navires de Bordeaux",
- une note datée du 29 mars 1941 intitulée "Départ de "Pontet-Canet" et "Le-Trait" pour la Méditerranée",
- une note datée du 8 avril 1941 intitulée "Départ de Le-Trait" et "Pontet-Canet" pour la Méditerranée",
- une note datée du 15 mai 1941 intitulée "Déréquisition du "Mérignac".

7 décembre 1944

Déposition de Monsieur Émo

L'an 1944, le 7 décembre, devant nous, Thirion, juge d'instruction au Tribunal de première instance du département de la Seine, assisté de Lombard, greffier, a comparu :
Monsieur Émo, Lucien, 56 ans, directeur général des Services maritimes de la Maison Worms, demeurant à Paris, 61, rue Scheffer, témoin qui, serment prêté conformément à la loi,
dépose :
J'appartiens à la Maison Worms depuis trente-huit ans.
Le département "Services maritimes" a quatre activités, savoir : armement maritime, transit, manutention, consignation de navires.
La Maison Worms avait, en 1939, vingt-quatre navires dont vingt-trois ont été réquisitionnés lors de la déclaration de guerre par la Marine nationale et la Marine marchande. A partir de cette époque, nous n'avons plus agi que comme gérant technique et avons perdu le contrôle de l'exploitation.
Lors de l'armistice, neuf de nos navires se trouvaient en Angleterre et ont été saisis par les autorités britanniques. Les autres se trouvaient dans les ports du sud-ouest ou en Afrique du Nord. Six navires qui se trouvaient à Bordeaux ont été réquisitionnés par les Allemands, mais après plusieurs démarches nous avons réussi, d'accord avec la Direction des transports maritimes, à en faire déréquisitionner trois qui sont passés en Afrique du Nord. À l'heure actuelle, il ne reste plus à flot que dix bateaux dont six en Angleterre, trois en Afrique du Nord et un à Madagascar. Les autres ont été soit coulés, soit sabordés par les Allemands, soit emmenés par eux. Le vingt-quatrième bateau qui n'avait pas été affrété par les Transports maritimes a été réquisitionné par les Allemands à Bayonne, et a été coulé depuis.
En résumé, certains de nos bateaux ont navigué pour l'ennemi, mais uniquement sous le régime de la réquisition allemande.
En août 1943, le s/s "Château-Larose", qui avait été laissé à la disposition de la Marine marchande par les Allemands, se trouvait à Marseille et a été désigné pour effectuer un voyage sur la Corse. J'ai reçu mission de Monsieur Worms d'aller trouver le capitaine et de lui faire comprendre qu'il devait tout faire pour que son bateau ne rentre pas dans la métropole, même au prix d'avaries graves. Je me suis acquitté de cette mission et je dépose à cet égard un rapport que m'a fait parvenir le capitaine Dassie, actuellement à Casablanca.
Comme transitaire et consignataire de navires, la Maison Worms n'a eu aucune activité pour le compte des Allemands.
Comme entrepreneur de débarquement, la succursale de Bordeaux, sous la pression du commissaire allemand von Falkenhausen a dû accepter le débarquement de minerai espagnol pour le compte d'une maison allemande, et ce, pendant près de deux ans. Les ordres du commissaire von FaIkenhausen ont été formels. Il s'agissait d'un travail important, mais qui ne fut pas lucratif pour la Maison Worms. En effet, les déficits annuels enregistrés par la succursale de Bordeaux sont supérieurs à 1.000.000 de francs pour la période envisagée.
Pour être complet, je dois indiquer que la Maison Worms avait, au Havre, un petit atelier de réparations (vingt-cinq ouvriers), qui assurait l'entretien de ses propres navires. Cet atelier fut détruit en 1940, et reconstitué en 1941 pour occuper le personnel et remettre en état notre matériel de manutention. Fin 1941, nous avons dû accepter quelques petits travaux mécaniques pour le compte des Allemands qui, par la suite, réquisitionnèrent l'atelier et le personnel parce qu'ils étaient peu satisfaits du rendement de l'atelier.
Je dépose à cet égard copie d'une lettre adressée aux services allemands le 3 mars 1944.
Je dépose également deux notes concernant les positions successives de notre flotte pendant la période d'occupation.
L'ensemble du département Services maritimes s'est soldé par un compte profits et pertes négatif, mais il y a lieu de considérer que des sommes considérables devront être affectées à la reconstitution du matériel.
Et signe après lecture.


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