1944.12.02.De Gabriel Le Roy Ladurie.Au juge Georges Thirion.Interrogatoire

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Affaire contre Worms et autres
Participation Puzenat

2 décembre 1944

Nous introduisons :
Le Roy Ladurie, inculpé déjà entendu, assisté de Me Bizos, son conseil.
Il déclare :
Je n'ai rien à ajouter aux déclarations de Monsieur Worms concernant notre prise de participation minoritaire dans les Établissements Puzenat.
Depuis lors, nous avons toujours eu le souci de conserver à cette entreprise son caractère familial, mais notre Maison s'étant portée caution solidaire du règlement à 100% du passif concordataire d'environ 40.000.000 de francs avait le droit et le devoir d'exercer un contrôle financier vigilant et, par conséquent, de se faire tenir de façon suivie au courant de la marche industrielle et commerciale de la société.
En 1939-1940, nous avons donc assuré les moyens financiers exigés par l'apurement du passif en souffrance et par la mise en route des commandes de guerre françaises.
En juillet 1940, je me suis rendu à Bourbon-Lancy et au cours d'entretiens que j'ai eus avec Monsieur Verdier et Monsieur Puzenat, j'ai approuvé la dispersion des ateliers de munitions et souscrit sans réserve au programme que se fixaient les dirigeants de la société :
1°- d'écarter systématiquement toute fabrication d'armement pour le Reich ;
2°- de limiter à tout prix des prélèvements de personnel et les enlèvements d'outillages et de stocks ;
3°- de maintenir l'usine en marche pour le profit quasi exclusif de l'agriculture français ;
4°- de préparer des programmes techniques d'après-guerre susceptibles de faire face à la concurrence étrangère.
Monsieur Bernard Verdier pourra vous dire si ces directives furent respectées dans la pratique.
Je dois cependant souligner les risques et les difficultés auxquels s'est heurtée l'exécution du premier point. Peu d'ensembles industriels offrent autant que celui de Puzenat d'aussi grandes possibilités d'une adaptation rapide à une production de matériel de guerre en série. L'actuelle mise en train d'une commande de projectiles pour la sous-direction de l'Armement en fournira bientôt un nouveau démenti. Or, de fin juin 1940 à août 1944, Puzenat n'a pas fait la moindre livraison de matériel de guerre à l'armée allemande.
Ainsi que l'a exposé Monsieur Worms, le pourcentage dérisoire de matériel agricole prélevé par l'ennemi s'élève à moins de 6% du chiffre d'affaires global. De tels résultats n'ont été atteints que grâce au courage des dirigeants de la société et au soutien que leur a apporté la Maison Worms. L'une et l'autre n'ont pourtant manqué ni de sollicitations ni de menaces émanant simultanément du Rustungskommando de Dijon et du Majestic. Ce dernier par l'intermédiaire de ses représentants à la Maison Worms, les commissaires Ziegesar et Falkenhausen.
Sur le plan bancaire la politique d'intransigeance de la société Puzenat se traduit actuellement par un solde débiteur des Établissements Puzenat dans nos livres de l'ordre de 5.000.000 de francs. Industriellement, cette société aurait pu réaliser des bénéfices considérables.
En résumé, les accusations portées contre nous par la Commission de justice du CNR au sujet de la société Puzenat sont dénuées de tout fondement.
J'ignore tout de la prétendue commande d'essieux de voitures et de roues de fourgons dont il y est fait état et je m'en rapporte à cet égard à ce que vous dira Monsieur Bernard Verdier.
Et signant après lecture.


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