1944.09.26.De Worms et Cie.Note.Annexe 6

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NB : Note annexée à la note de Gabriel Le Roy Ladurie datée du 26 septembre 1944.

Annexe VI

L'attitude de MM. Worms & Cie et de Monsieur Le Roy Ladurie en ce qui concerne les prétentions de la maison Henkel sur les Établissements Fournier-Ferrier ou leurs filiales est caractéristique de celle qu'ils ont toujours eue vis-à-vis de l'occupant et qui consistait :
1°- à ne céder aucun actif français à l'Allemagne,
2°- à ne négocier d'accord d'aucune sorte avec les industriels allemands,
3°- si aucune de ces deux solutions n'était possible, à poursuivre des négociations en accord avec l'administration française et dans le but de ne pas les faire aboutir.
En ce qui concerne les Établissements Fournier-Ferrier la situation se présente comme suit :
Cette société appartenait à divers groupes d'actionnaires en désaccord et qui avaient entamé des actions contentieuses extrêmement compliquées. Worms fut sollicité pour prendre la place d'un des groupes d'actionnaires afin de tirer au clair la situation contentieuse et assurer la direction de l'entreprise.
L'action contentieuse a duré de nombreux mois et c'est seulement en novembre 1942 que Worms et Monsieur Le Roy Ladurie notamment ont pensé qu'ils pouvaient commencer à étudier la situation interne des Établissements Fournier-Ferrier et de ses filiales, spécialement la Société normande des corps gras, Monsieur Le Roy Ladurie a été informé que la Société normande des corps gras était l'objet d'une très vive pression du Groupe Henkel & Cie pour avoir à lui céder sa majorité sous une forme ou sous une autre. Sans plus tarder, Monsieur Le Roy Ladurie a informé le groupe Henkel que la position de Worms chez Fournier-Ferrier, et par conséquent à la Société normande des corps gras rendait impossible toute opération de ce genre à laquelle Worms était d'ailleurs formellement opposé.
Certains dirigeants du groupe Unilever avaient eu vent des prétentions du Groupe Henkel. Ils ont cru que Worms accepterait le dictât du Groupe Henkel comme eux-mêmes avaient été obligés de l'accepter en ce qui concerne la marque Persil. Ils ont même fait courir le bruit que la célébration de l'union Société normande des corps gras/Henkel serait faite par un dîner aux bougies et ils assuraient que cette opération n'avait été entravée que par un exploit d'huissier qu'ils auraient fait obtenir à la direction des produits chimiques de la Production industrielle. Cette assertion est entièrement dénuée de fondement et peuvent en attester :
- Monsieur Rougier, directeur des Industries chimiques qui a encore ce titre à l'heure actuelle,
- Monsieur L'Hénaf, commissaire du gouvernement auprès du Comité de la savonnerie, actuellement chef de cabinet adjoint de Monsieur Lacoste, ministre de la Production industrielle.
Une explication loyale intervint d'ailleurs dans la suite entre Monsieur Le Roy Ladurie et les représentants du Groupe Unilever : Messieurs Faure et Fusier, pour mettre au point cette question ainsi que celles qui se sont présentées par la suite.
La résistance opposée par Monsieur Le Roy Ladurie aux prétentions du Groupe Henkel présentait un risque certain car il était avéré qu'un des dirigeants de ce groupe était un ami personnel de Monsieur Himmler. Néanmoins, les dirigeants de Henkel, au bout de quelques mois, n'ont pas maintenu leurs prétentions et ont demandé à faire participer les Établissements Fournier-Ferrier et leurs filiales à l'exploitation de procédés Henkel. Le commissaire allemand placé auprès de Worms, et qui a vivement insisté pour qu'un accord de ce genre soit conclu, s'est heurté à la résistance de Monsieur Le Roy Ladurie qui a demandé des instructions à la direction des Industries chimiques. Celle-ci a été d'avis qu'aucun accord ne devait être passé sur ce plan particulier mais seulement sur le plan général. De plus, Monsieur Le Roy Ladurie apprit à ce moment l'attitude d'Henkel vis-à-vis d'Unilever, attitude qui consistait à accaparer complètement la marque Persil. Il a donc fait connaître aussitôt qu'aucune entente n'était possible tant que le différend important créé par Henkel avec Unilever ne serait pas réglé. Monsieur Le Roy Ladurie en a avisé aussitôt les représentants de ce Groupe. Henkel fit alors répondre qu'un accord amiable était intervenu avec les dirigeants d'Unilever dont les membres français, consultés, répondirent par la négative. Monsieur Le Roy Ladurie maintint donc son point de vue vis-à-vis d'Henkel et les Établissements Fournier-Ferrier ainsi que leurs filiales n'ont plus été depuis plus de douze mois l'objet d'aucune tentative de la part du Groupe Henkel.
Cet exemple montre que la doctrine de Worms était juste et son application efficace puisque, en définitive, ayant pris une participation dans une affaire qui risquait fort de passer entre les mains de l'ennemi, Worms l'a retrouvée au moment de la Libération entièrement libre de tout engagement.


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