1942.12.02.De Paul Bonny - journal Pariser Zeitung.Article

NB : Cette coupure de presse est conservée dans un recueil classé au 5 janvier 1942.

Pariser Zeitung
2 décembre 1942

L'École du renégat
par Paul Bonny

C'est aussi le cas de M. François Darlan. L'ex-amiral de la flotte voulait se faire passer pour un "dur", ce qui ne laissait pas d'étonner ceux qui avaient suivi la carrière louvoyante de ce Gamelin de la mer. Pour mieux tromper les Français, il multipliait les diatribes contre l'Angleterre : "de l'issue des négociations franco-allemandes en cours, disait-il le 23 mai 1941, dépend étroitement l'avenir de la France. II s'agit pour elle de choisir entre la vie et la mort."
"Dans un monde anglo-saxon triomphant, clamait M. Darlan le 1er juin 1941, la France ne serait qu'un dominion de deuxième zone, un corps étranger où elle ne saurait jouer aucun rôle honorable."
Lors de l'agression britannique contre Madagascar, le 5 mai 1942, le renégat s'écriait : "une fois de plus, les Anglo-saxons, au lieu de combattre leur adversaire, cherchent des succès plus faciles en attaquant à l'improviste une colonie française... Défendez-vous jusqu'à la limite de vos possibilités, ordonnait le capitulard d'Alger aux défenseurs de Madagascar, et faites payer aussi cher que possible aux Britanniques leur acte de voleurs de grands chemins... N'oubliez pas que les Anglais vous ont trahis dans les Flandres, qu'ils vous ont traîtreusement attaqués à Mers el-Kébir, à Dakar, en Syrie... Défendez-vous ! Défendez l'honneur français. Un jour viendra où l'Angleterre payera..."
Ainsi s'exprimait l'homme qui depuis deux ans a tiré tant d'effets oratoires du sacrifice suprême de milliers de soldats français fidèles aux ordres du Maréchal, ainsi s'étalait la jactance de l'officier qui devait, au premier coup de canon devant Alger, baisser pavillon, livrer les territoires qui leur étaient confiés, se ranger dans le camp de ceux qu'il appelait les "voleurs de grands chemins" et les détrousseurs d'empires, les assassins de Mers el-Kébir et de Dakar, de Rouen et du Creusot. De tous les parjures, cet amiral dégradé publiquement et chassé par le Maréchal Pétain de la communauté française est dans aucun doute le plus vil.
A côté de ces chefs félons s'agitent quelques figures falotes, dont une publicité habile avait fait des personnages de premier plan. C'est le cas de ce Giraud, type du soudard buté, dont l'entêtement coûta si cher aux prisonniers français en voie d'être libérés, et qui trahit si indignement les engagements pris envers le Maréchal Pétain... C'est encore le cas du politicien-affairiste Pierre-Etienne Flandin, qui tant de fois retourna sa veste. Le 16 novembre 1940, cet ancien président du Conseil préparant sa rentrée politique, se déclarait collaborationniste : "Je suis persuadé, disait-il alors, que si, après Munich, au lieu de rejeter les assurances et les offres du chancelier Hitler, on avait engagé des pourparlers, une nouvelle ère de paix aurait pu s'ouvrir en Europe."
"J'affirme qu'à ce moment-là les agences d'informations, presque toute la presse et la radiodiffusion privée en France étaient contrôlées par un consortium juif, tandis que, grâce à trois années de Front populaire, les principaux leviers de commande dans l'État étaient entre les mains de créatures de la Franc-Maçonnerie." Néanmoins, M. Flandin s'est rallié au consortium juif qui domine à Alger, il a rejoint dans le camp américain l'âme damnée de la Franc-Maçonnerie, M. Camille Chautemps, aujourd'hui parfaitement à sa place parmi le personnel de Roosevelt. C'est aussi la place de M. Pucheu, dont on avait fait un ministre de la Révolution nationale, alors qu'il n'était que le fondé de pouvoir de la banque Worms. Exclu du gouvernement où il avait été placé expressément pour trahir les consignes du Maréchal et pour entraver l'effort social du nouvel État français, M. Pucheu se retrouve tout naturellement à Alger où il continue à représenter la Banque Worms.
Depuis le 8 novembre, les positions sont plus nettes et, dans une certaine mesure, la tâche du gouvernement de Vichy doit se trouver facilitée par l'épuration qu'a produite la trahison collective dont Darlan a pris la tête.
Les transfuges de l'Algérie, du Maroc et de l'AOF sont tous des gens qui ont manqué à leurs engagements d'honneur et trahi leur parole d'officier ou de fonctionnaire. Cela situe mieux la place qu'ils peuvent occuper dans l'estime de ceux qui les emploient. Cela permet également de juger mieux la valeur morale de certains officiers que l'Allemagne - réformant de façon sensationnelle, et avec une magnanimité encore jamais vue dans l'histoire les lois de la guerre - avait libérés de captivité sur l'engagement d'honneur de ne pas reprendre les armes contre le Reich et ses alliés. On sait comment ces officiers ont respecté leur serment, et comment certains d'entre eux ont violé, depuis deux ans, les conventions d'armistice.
Les Anglo-Saxons ont-ils, en leur for intérieur, le mépris que nous éprouvons pour les parjures ? Rien n'est moins sûr. Ils ont dans leur langue un mot intraduisible : self-rightousness, qui exprime à merveille leur sentiment d'avoir tous les droits dans un monde qui ne saurait en avoir aucun.
A l'école du renégat, M. Roosevelt fait d'ailleurs figure de maître, lui qui promettait le 12 octobre 1940 : "Pères et mères d'Amérique je vous garantis que vos fils ne seront envoyés dans aucune guerre étrangère. Je l'ai dit et je le répète solennellement." Un maître aussi, M. Churchill, qui, fait prisonnier par les Boers, lors de la guerre du Transvaal, donna sa parole qu'il ne s'évaderait pas... et s'évada, comme il s'en vante dans ses "Mémoires". Tout cela n'empêche ni M. Churchill, ni M. Roosevelt, et encore moins les Darlan, les Girard ou les Boisson de parler d'honneur, de foi et d'honnêteté.

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