1942.04.14.De Worms et Cie.Note

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Note

I - La société Worms & Cie a été constituée à compter du 1er janvier 1874 pour continuer les opérations de la Maison de commerce fondée en 1848 par M. Hypolite Worms ; elle a la forme d'une société en nom collectif et en commandite simple, au capital de 40 millions, avec siège social à Paris, 45, boulevard Haussmann ; ses statuts actuels découlent d'un acte en date du 11 janvier 1940 ; sa durée doit expirer le 30 septembre 1965.
Son caractère racial doit être apprécié tant par rapport aux ordonnances des autorités d'occupation que par rapport à la législation française.

II - Le critérium en fonction duquel une entreprise économique doit être qualifiée de juive au regard des autorités d'occupation est contenu dans la deuxième ordonnance du 18 octobre 1940 concernant les mesures contre les Juifs.[1]
1. Aux termes du paragraphe 1er de cette ordonnance devait être considérée comme entreprise juive "une société en nom collectif dont un associé est juif". Toutes les entreprises économiques juives, ou toutes les entreprises économiques qui avaient été juives après la date du 23 mai 1940, devaient être déclarées à Paris auprès du préfet de police. Outre divers renseignements, cette déclaration devait faire ressortir les faits sur la base desquels l'entreprise était ou avait été juive après le 23 mai 1940, et pour les entreprises qui n'étaient plus juives, l'exposé des faits ayant fait disparaître ces présomptions (parag. 2 de l'ordonnance précitée).
2. C'est dans ces conditions que MM. Worms et Cie ont, par déclaration en date du 29 octobre, reçue sous le n°45 par le commissaire de police au quartier de la Chaussée d'Antin, précisé les faits suivants :
Au 25 mai 1940, la société Worms & Cie comportait trois associés en nom collectif :
M. Hypolite Worms
M. Michel Goudchaux
M. Jacques Barnaud.
M. Michel Goudchaux seul, bien que de religion catholique, devait être considéré comme Israélite au sens des dispositions de l'ordonnance du 27 septembre 1940.
Mais depuis cette date, M. Michel Goudchaux donna sa démission de gérant (démission en date du 15 octobre, entérinée par acte passé le 18 devant Me Rivière, notaire à Paris) cessa au surplus d'être simple commanditaire (donation en date du 25 octobre 1940 à ses trois filles, aryennes au sens des ordonnances allemandes et de la législation française, de l'intégralité de ses droits dans la Société Worms & Cie) et n'eut plus dès lors de lien de quelque nature que ce soit avec la Maison Worms et Cie.
Celle-ci par conséquent ne répondait plus aux définitions retenues par l'ordonnance du 18 octobre 1940 en ce qui concerne la qualification des entreprises juives.
3- Comme, néanmoins, aux termes du paragraphe IV de la même ordonnance, toute opération juridique effectuée après le 23 mai 1940 et disposant des biens d'Israélites pouvait être déclarée nulle par le chef de l'administration militaire en France, successivement M. von Ziegesar et M. von Falkenhausen furent désignés par le Militärbefehlshaber In Frankreich comme commissaire auprès de la Maison Worms & Cie.
Lorsque les autorités françaises connurent l'intention des autorités d'occupation de désigner un commissaire allemand auprès de la Maison Worms & Cie, elles se refusèrent à désigner une personnalité chargée d'assumer en leur nom une mission d'administrateur provisoire ; mais sur le désir exprimé par MM. Worms & Cie de voir adjoindre un Français au commissaire allemand, elles autorisèrent M. de Sèze, ancien inspecteur de la Banque de France, à accepter du Militärbefehlshaber in Frankreich les fonctions de commissaire adjoint.
Le but essentiel de la mission de ces commissaires est, dans ces conditions, de s'assurer de l'aryanisation régulière de la participation de M. Michel Goudchaux dans la société...
Worms & Cie comme aussi, mais subsidiairement, de celle de la participation de Mme Jean Labbé, née Goudchaux (transmise par acte du 19 octobre 1940 à ses deux fils, aryens au sens des ordonnances allemandes et de la législation française), bien que le caractère racial de cette dernière, simple commanditaire, n'ait pas à être retenu pour la qualification de la société elle-même.
Il est bon de relever que les commissaires auprès de la Maison Worms & Cie n'ont jamais voulu faire usage des droits de gestion dévolus aux administrateurs provisoires par l'ordonnance du 20 mai 1940 ; ils ont notamment tenu ni à confirmer ni à infirmer les pouvoirs des gérants de la société, ou ceux des titulaires de procuration, qu'il s'agisse de détenteurs de la signature sociale du siège ou dans les succursales, alors que, de règle, le premier acte des administrateurs provisoires est l'annulation de tous les pouvoirs ou procurations existant et leur remplacement par d'autres.
A plus forte raison, aucun représentant des autorités d'occupation - ni a fortiori du gouvernement français - n'est jamais intervenu à quelque titre que ce soit dans la gestion des entreprises dans lesquelles MM. Worms & Cie possédaient un intérêt.

III - Les ordonnances allemandes l'emportant pour la zone occupée sur la législation française, l'analyse qui précède suffit pour conclure qu'en réalité la société Worms & Cie n'est pas une entreprise juive.
Il parait néanmoins utile de se référer aux textes français régissant la matière, d'où ressort d'ailleurs une conclusion identique.
La loi du 22 juillet 1941 (J.O. du 26 août 1941), modifiée par la loi du 17 novembre 1941 (J.O. du 2 décembre 1941) prévoit qu'un administrateur provisoire peut être nommé pour tout bien ou entreprise industrielle ou commerciale "lorsque ceux à qui ils appartiennent ou les dirigent ou certains d'entre eux sont Juifs, ou lorsqu'ils ont été vendus ou cédés par des Juifs depuis le 23 mai 1940 dans des conditions n'assurant pas l'élimination de toute influence juive, mais dans ce dernier cas, à condition que la nomination de l'administrateur provisoire intervienne au plus tard un an à dater de la publication de la présente loi".
Aucun administrateur provisoire n'a été désigné pour la Maison Worms & Cie par le commissaire général aux questions juives pour l'application des dispositions précédentes. Il n'aurait d'ailleurs pu s'agir au regard de la loi française que d'une mesure analogue à celle prise par le Militärbefehlshaber in Frankreich à savoir la vérification de l'élimination de toute influence juive.
L'on peut noter à cet égard qu'en raison de la forme juridique de la société Worms & Cie (société en nom collectif et en commandite simple), les trois filles aryennes de M. Michel Goudchaux sont devenues de simples commanditaires, sans influence aucune sur les affaires de l'entreprise et que les deux fils de Mme Jean Labbé, également aryens et simples commanditaires ont repris purement et simplement la part de leur mère qui n'avait jamais été elle-même que simple commanditaire, sans influence non plus sur les affaires de la société Worms & Cie.
Il convient enfin de signaler que la participation de M. Michel Goudchaux dans le capital de la Maison Worms & Cie s'élevait à la proportion de 17,69% et celle de Mme Jean Labbé à la proportion de 10%.

IV - Dans ces conditions, aucun membre de la société, associé gérant ou commanditaire, n'est juif au regard des deux législations, d'occupation et française.
Aucun titulaire de la procuration de la Maison Worms & Cie, en zone occupée ou en zone non occupée, au siège ou dans les succursales et établissements, ne se trouvait au surplus être de race juive.

14 avril 1942


[1] Cette ordonnance est entrée en vigueur dès sa publication, intervenue le 20 octobre au Vobif 1940, page 112.


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