1942.03.17.PV réunion.Syndicat professionnel du personnel de la Maison Worms & Cie

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Syndicat professionnel du personnel de la Maison Worms & Cie

Procès-verbal de la réunion du bureau syndical
tenue à Paris, le 17 mars 1942

Le bureau composé de :
MM.
Roger Millot - président
Eugène Vincent - vice-président
Mélèce Decaix - secrétaire général
René Belliard - secrétaire-adjoint
René David - trésorier-général.
Jacques Lavenir - trésorier-adjoint
s’est réuni à Paris, en comité syndical, le mardi 17 mars 1942 pour l’e­xamen de l’ordre du jour suivant :
1°/- Situation des disponibles ;
2°/- Problème des salaires et du coût de la vie ;
3°/- Décret du 17.2.42 sur le relèvement des salaires ;
4°/- Caisse de retraites ;
5°/- Action sociale (jardins familiaux - colonies de va­cances - prêts hypothécaires) ;
6°/- Situation financière - Vie des sections ;
7°/- Questions diverses.
À 9 heures 30, le président déclare la séance ouverte et passe immédiatement à la lecture du courrier reçu de tous les délégués syndicaux à qui l’ordre du jour avait été préalablement commu­niqué. Cette correspondance apporte l’accord unanime des sections sur l’ensemble des problèmes mis à l’étude ainsi qu’un nouveau témoignage de leur entière confiance à l’égard du bureau. Tout en s’en félicitant, le président rend hommage à la parfaite discipline qui règne dans tous les secteurs de notre communauté syndicale et qui en assure, par la vo­lonté et l’effort de tous, la cohésion absolue.

I. Situation des disponibles
Le bureau syndical note, avec gratitude, les nou­velles mesures prises en faveur du personnel, en disponibilité à la suite des conversations antérieures ou président avec le siège social. Cette reconduction pour un nouveau trimestre est d'autant plus appréciée qu’el­le n’engage en rien, pour le moment, la situation du personnel maintenu dans des succursales en activité réduite.
Le bureau se préoccupe dès maintenant de la situa­tion des disponibles pour la période suivante ainsi que de celle du per­sonnel maintenu provisoirement en activité.

II. Problème des salaires & du coût de la vie
C’est actuellement le problème le plus angoissant. La disproportion entre le coût de la vie et les salaires s’aggrave cha­que jour et depuis le cri d’alarme lancé en novembre par le comité, la situation n’a fait qu’empirer. De toutes parts sont parvenues au comité les preuves de l’émotion générale en présence de cette situation qui ne saurait se prolonger sans entraîner de graves répercussions pour le per­sonnel.
Considérant d’une part que les salaires proprement dit demeurent bloqués et que, d’autre part, l’incidence du coût de la vie se répercute plus durement sur les budgets familiaux, le bureau se propose de soumettre à la Maison un voeu tendant :
1°/- à une majoration substantielle de l’indemnité de vie chère.
2°/ à un relèvement simultané de l’indemnité pour charges de famille.

III. Décret du 17.2.42 sur le relèvement des salaires anormalement bas
Ce décret fait l’objet d’une étude attentive notamment en ce qui concerne ses répercussions possibles sur les salaires de base les plus bas de notre convention collective.
Il semble qu’il ne soit pas de nature à apporter de profondes modifications à notre contrat, mais il apparaît d’ores et dé­jà que ses modalités d’application posées sur le plan local sont suscep­tibles d’entraîner certaines entorses au principe de l’uniformité de no­tre convention.
Quoi qu’il en soit, s’agissant d’une mesure légale, le syndicat ne peut que faire confiance à la Maison pour son application au mieux des intérêts de son personnel.

IV. Caisse de retraites
À cet article, le bureau retrouve un problème vieux de plusieurs années et qui reste toujours ouvert par la volonté du lé­gislateur modifiant périodiquement le plafond des assurances sociales.
La question a déjà fait l’objet d’un rapport du se­crétaire général en 1938 ; l'assemblée générale de Bordeaux l’a reprise l’année suivante sous forme d’un voeu et elle se présente à nouveau au­jourd’hui avec une acuité accrue du fait de l’augmentation brutale du plafond jusqu’à 42.000 francs.
La situation actuelle ne permet sans doute pas la recherche d’une solution radicale du problème et seules des mesures transitoires peuvent être appliquées. Il n’en demeure pas moins que, la question doit être posée de façon formelle pour que puissent dès maintenant être envisagées les modalités d’un nouveau statut de la caisse de retrai­te Worms & Cie pour l’avenir.
Il serait souhaitable néanmoins que soit dès mainte­nant étudiée une solution permettant à tout employé qui le désire de se constituer une retraite en dehors de celle des assurances sociales dont le taux est dérisoire.
De même que pour le personnel inscrit à la caisse de retraite, il serait intéressant de le faire bénéficier de l’assurance-maladie moyennant certaines modalités déjà étudiées par la Maison.

V. Action sociale
Dans ce domaine aux possibilités si étendues, les initiatives de la Maison se poursuivent, en dépit des circonstances, avec une volonté qu’anime ce que nous avons déjà appelé « l’esprit de Bordeaux ».
Pour l’exécution et le développement de ces mesures sociales, le syndicat doit s’employer à fond, sans attendre la consécra­tion officielle que la charte du travail prévoit pour les comités sociaux. C’est ce qu’ont compris les délégués de nos différentes sections qui se sont aussitôt mis à l’oeuvre.
En ce qui concerne les jardins familiaux notamment une mention spéciale doit être réservée aux sections :         
- du Havre : un terrain de 20.000 m2 loué, défriché et réparti entre 60 adhérents.
- à Rouen : très belle réalisation également, création d’un groupement des jardins familiaux de la Maison Worms & Cie.
- à Dieppe et enfin à Bordeaux et Marseille où la question est sé­rieusement à l’étude.
Pour les sections moins importantes qui ne peuvent envisager des réalisations de ce genre, la question est posée de savoir si la Maison ne pourrait accepter d’aider au même titre les locations individuelles de terrains à cultiver.
- prêts hypothécaires. Depuis la création du système, plusieurs demandes ont déjà reçu une solution favorable ; nous savons que d’autres dossiers sont actuellement en cours et ne doutons pas de leur heureux aboutissement.
Le Bureau a reçu de différents côtés des suggestions visant à une adaptation de cette intéressante initiative aux circonstan­ces présentes. Compte tenu de l’augmentation constante de toutes choses le montant des prêts consentis et le cadre d’application apparaissent insuffisants. Il serait souhaitable que le système soit assoupli et élargi notamment en ce qui concerne le nombre des bénéficiaires admis, le plafond et la durée d’amortissement. Les prêts ne pourraient-ils par ailleurs être consentis pour un achat de terrain sans construction immé­diate. Dans quelle mesure le personnel en disponibilité pourrait-il bé­néficier de ces avantages ?
- Colonies de vacances. L’étude annoncée par la Maison à ce sujet se poursuit et, dans le cadre limité qui lui est actuellement tracé, semble devoir aboutir à d’heureux résultats.
Plusieurs modalités sont examinées par le bureau en vue de les soumettre au siège social, notamment la possibilité d’une participation de la Maison aux frais de séjour en sanatorium d’enfants de santé délicate ou, en dehors de toute organisation officielle, au séjour individuel d’enfants à la campagne pendant les vacances.

VI. a) Situation financière
Le trésorier met le bureau au courant de la situa­tion financière qui est suffisante pour assurer, sauf imprévu, les dé­penses courantes jusqu’à la fin de l’exercice.
Malgré la hausse constante des charges, le bureau décide de ne pas demander à la prochaine assemblée une augmentation de ­la cotisation annuelle. Il est toutefois nécessaire que chaque délégué observe la plus grande régularité dans la perception des cotisations dont le relevé doit parvenir au trésorier au début de chaque trimestre.

b) Vie des sections
Rien de particulier à signaler dans l’ensemble. Les sections, même les plus éprouvées continuent à fonctionner normalement. Les plus lointaines, comme Marseille et Alger, sont maintenant en liai­son étroite avec le bureau. Marseille s’est particulièrement développée et le transfert d’une importante fraction de la D.G.S.M. en ce port pos­tule en faveur de la création d’une section spéciale. Le secrétaire gé­néral est chargé de régler cette question.

VII. Questions diverses
C’est surtout la charte du travail qui retient l’at­tention du bureau qui tient à faire le point à l’aide des différentes informations qu’il possède.
La charte est encore bien loin semble-t-il de l’ère des réalisations pratiques. Pourtant, il est désormais hors de doute que notre syndicat sera dissous. Il conviendra, à ce moment, d’étudier la création de comités sociaux utilisant les cadres du syndicat et de réaliser la création d’un organisme d’une forme à déterminer permettant de maintenir la liaison entre le personnel et la Maison.
L’examen minutieux de tous ces problèmes étant ache­vé, le bureau fixe les différents points sous la forme des voeux sui­vants qu’il va soumettre au siège social :
« Le bureau du syndicat, agissant au nom du comité syndical en vertu des pouvoirs qui lui ont été donnée à l’unanimité le 26.11.1941 :
1°/ exprime sa satisfaction pour les mesures prises en fa­veur des disponibles et souhaite le maintien en activité du personnel actuellement en service.
2°/ reprenant les voeux émis au cours de la réunion du comité les 26 et 27 novembre 1941, serait heureux d’enregistrer une réponse favorable aux questions suivantes :
a) révision des salaires de base de la convention collective ;
b) situation du personnel entre 60 et 65 ans.
c) prime d'ancienneté du personnel féminin.
d) prime de bienvenue à la naissance d’enfants du personnel.
e) assouplissement du régime des prêts hypothécaires ; cas parti­culiers du personnel sinistré.
3°/ exprime sa profonde gratitude pour les nouvelles mesures sociales prises par les directions générales concernant les jardins fa­miliaux et les colonies de vacances ; souhaite la généralisation de l’ai­de apportée au personnel pour les jardins familiaux dans les cas particu­liers où une section n’a pu être constituée.
4°/ attire respectueusement l’attention du siège social sur la question de la caisse des retraites et souhaite la prompte institution de l’assurance-maladie ainsi que la possibilité d’accession de tout le personnel à une caisse de retraite permettant de compléter la retraite des assurances sociales véritablement minime et presque toujours hors de proportion avec les versements effectués.
5°/ reprenant le voeu exprimé par le comité syndical le 27 novembre 1941, se permet de suggérer une sensible augmentation de l’in­demnité de vie chère conjuguée avec l’augmentation de l’allocation pour charges de famille de façon à tenir compte, dans toute la mesure du possible, des charges croissantes apportées par la hausse incessante du coût de la vie tout spécialement pénible pour les salaires les plus faibles.
Reçu successivement par monsieur Robert Labbé, monsieur Vignet et les contrôleurs financiers : messieurs Hurpy et Malingre, le bureau par l’organe de son président, fait un tour d’horizon complet de la situation et commente chacun des points soumis à la bienveillante attention de la Maison. (Une note reproduisant les vœux ci-dessus a été simultanément déposée sur le bureau de monsieur Emo, absent de Paris).
Monsieur Robert Labbé fixe ainsi, au fur et à mesure de l’examen de chaque point, la position du siège social et les solutions susceptibles d’être apportées, à plus ou moins brève échéance, aux problèmes en cause.
Sur le plan social, la Maison s’est toujours trouvée à l’avant-garde parce qu’elle sait qu’elle doit et peut faire quelque chose. En exprimant sa volonté de persévérer dans la voie où il s’est engagé, monsieur Labbé précise qu'il voit là une oeuvre de soli­darité à l’accomplissement de laquelle chacun doit apporter sa contri­bution. Exprimant sa satisfaction des réalisations accomplies dans le domaine des jardins familiaux, monsieur Labbé se déclare d’accord pour aider les initiatives particulières chaque fois qu'une solution d’ensem­ble ne pourra être réalisée.
Pour les colonies de vacances, les circonstances actuelles ne permettent pas la réalisation de vastes projets, aussi la Maison envisage-t-elle la question sous forme d’une aide apportée aux familles désirant s’adresser aux oeuvres déjà existantes. La participa­tion de la Maison serait envisagée suivant une échelle tenant compte de la situation personnelle de l'employé, de ses charges familiales et, dans cet ordre d'idée, le siège social est favorable à un examen de cas par­ticuliers aussi bien pour séjour au sanatorium que pour vacances d’en­fants à la campagne.
Tout en comprenant les raisons de la demande formu­lée en ce qui concerne les prêts hypothécaires, monsieur Labbé fait ob­server que les circonstances présentes et l’incertitude du lendemain doi­vent inciter à la prudence ; il lui semble dangereux, dans de telles con­ditions, de voir trop grand : l’avenir n’apporterait-il pas une diminu­tion des possibilités de remboursement d’un prêt trop généreusement con­senti dans la période anormale que nous traversons ? C’est une éventuali­té à laquelle il convient de réfléchir. Maintien donc du statu quo, avec bien entendu examen aussi large que possible de chaque cas particulier, notamment en ce qui concerne le personnel sinistré. Monsieur Vignet, de son coté, signale que deux nouveaux dossiers viennent de passer à sa si­gnature et vont ainsi entrer dans la phase d'exécution.
La question de la caisse des retraites a fait l'objet de toute l’attention du siège social qui apporte la plus grande compré­hension aux soucis du comité (témoin les dispositions prises pour atté­nuer dans la mesure légalement passible, les effets du récent décret). Toutefois, c’est encore l'incertitude des évènements et d’un avenir plein d’inconnues qui retient la Maison dans une voie où elle ne peut momentanément s'engager plus avant tout en comprenant le légitime désir du personnel. Une retraite, quelque forme qu'on l’envisage, pose un problème de capitalisation : problème difficile à résoudre dans les circonstances actuelles. Il convient aussi de tenir compte des charges sociales que les mêmes circonstances rendent de plus en plus lourdes pour l’employeur (elles représenteraient actuellement environ 29 % du salaire).
Enfin, la situation difficile du personnel, en pré­sence de la hausse désordonnée du coût de la vie, est entièrement com­prise par la Maison qui a le souci d'y apporter remède dans toute la mesure des possibilités. Le problème des salaires n’appartient plus ex­clusivement au cadre patronal depuis la position prise par le gouverne­ment en la matière, néanmoins, monsieur Labbé espère que les pouvoirs publics prendront une décision dans un avenir proche.
En terminant, monsieur Labbé examine la question des comités sociaux d'entreprises telle qu’elle se présente, en appli­cation de la charte du travail. Il y a d’abord, remarque-t-il, une question de fond qui n’a pas encore été résolue : c’est celle des en­treprises aux activités multiples qui nous touche particulièrement. On ne voit pas encore comment pourrait être réalisée une solution harmo­nieuse entre tant de professions diverses. Le syndicat, en groupant deux départements bien différents, a fait la preuve des possibilités d’union sur le plan professionnel et social et il est grandement sou­haitable que cette union continue à porter ses fruits.
D’autre part, un texte sur la corporation marine de transport serait en voie d’élaboration : il faut en attendre la pu­blication pour fixer une ligne de conduite. Tout ceci nous amène à cet­te constatation que, de part et d’autre, il n’y a pas d’autre devoir pour l’instant que suivre très attentivement la question, échanger mu­tuellement ses informations pour sauvegarder, autant qu’il sera possi­ble de le faire, cette belle institution qui fait l’honneur de la Mai­son autant que de son personnel : notre syndicat professionnel.

À Paris, le 17 mars 1942

Le président
Signé Roger Millot

Le secrétaire-général
Signé Decaix

 

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