1940.11.22.Du journal La France au Travail.Article

NB : Cet article provient d'un recueil de coupures de presse datées du 17 octobre 1940 au 21 décembre 1941, qui est classé au 17 octobre 1940.

La France au Travail
22 novembre 1940

Au temps des 200 familles
Quand les trusts faisaient décorer leurs agents

Dans notre article d'hier, révélant la menace qui pèse sur une Compagnie française d'assurances restée trop indépendante vis-à-vis du capitalisme international, nous avons cité le nom de son ancien directeur général, le juif May et nous avons mentionné que les actionnaires de la Compagnie n'avaient pas eu à se féliciter des services de cet agent des trusts.
En effet, une vaste escroquerie était découverte, en 1934, par le conseil d'administration de la Compagnie. Cette escroquerie avait été consommée dans la branche crédit par le directeur général de la Société, le sieur May, qui avait consenti, à l'insu du conseil, des avals de traites pour des sommes considérables et non comptabilisées.
Ces traites, escomptées à court terme, avaient été renouvelées à chaque échéance et cela, pendant plusieurs années. Le montant total de l'escroquerie s'élevait à 90 millions.
Les principaux bénéficiaires de ces agissements n'étaient autres que les amis et coreligionnaires de May : Jacques Haïk, le cinéaste filou trop connu et les frères Sciarri, dont la banque, 194, rue de Rivoli abritait le journal maçonnique "La Lumière".
Le juif May fut, bien entendu, révogué et une plainte fut déposée au Parquet contre lui. L'enquête, menée far la police, laissa beaucoup à désirer. Il est vrai que l'un des enquêteurs, l'inspecteur L..., appartenait à la loge "l'Acacia". Mais la contre-enquête ordonnée par la Compagnie et poursuivie en dehors de la police officielle devait amener des découvertes intéressantes.
Le sieur May bénéficiait, en haut lieu, d'appuis sérieux, notamment à la Gde Chancellerie de la Légion d'Honneur, auxquels il devait son ascension rapide dans l'Ordre : chevalier en novembre 1925, officier en août 1930 et commandeur en octobre 1933.
Ces complaisances devaient susciter d'ailleurs l'indignation des "membres de la Légion d'Honneur décorés au péril de leur vie" qui, dénonçant le scandale dans leur bulletin, rappelèrent qu'il fallait au moins 13 ans pour franchir les trois grades de la Légion d'Honneur.
Pour atteindre à un tel résultat, il a fallu à M. May des amitiés puissantes et dévouées, et de la part des pouvoirs publics des complaisances coupables. On ne saurait arguer de "titres exceptionnels", le Journal officiel ne les ayant pas mentionnés comme il est de droit (bulletin n° 21, juillet 1934).
On commetttait là une légère erreur : M. May n'ayant pas l'ancienneté voulue pour devenir officier, on lui avait trouvé des motifs exceptionnels.
Ces motifs, les voici : "M. May (Armand) directeur de la Cie d'assurances l'U... à Paris.
Chevalier d'octobre 1925.
Titres exceptionnels : à l'occasion du centenaire, est assureur du Gouvernement général de l'Algérie ; a créé, en outre, pour chacune des branches de l'activité économique, des modèles de contrats dans lesquels les industriels ont pu trouver la sécurité indispensable au développement de leurs affaires.
A ainsi aidé pour une part importante, à la prospérité de ce pays."
On ne se moque pas plus cyniquement du monde. Le fonctionnaire qui a pondu ce chef d'œuvre d'humour mériterait bien, lui aussi, d'être décoré.
Il est vrai qu'en ce temps-là les trusts étaient tout-puissants. Ils jugeaient bon, pour en imposer aux gogos, de faire décorer leurs agents par un gouvernement à leur dévotion.
Et May n'était pas le seul à bénéficier de ces complaisances profitables aux 200 familles.


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