1936.07.25.D'Henri Nitot - ACSM.A Hypolite Worms.Courrier.Conversation avec M. Haarbleicher

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Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime
Le Trait (Seine-Inférieure)

Worms-Le Trait
R C Rouen B 106 - Seine N° 248 4-2

Le 25 juillet 1936
M. Hypolite Worms
de la Maison Worms & Cie
45, boulevard Haussmann – Paris (9e)

Cher Monsieur,
Je viens vous rendre compte de la conversation que j’ai eue hier matin avec M. Haarbleicher.
La position générale du directeur à la Marine marchande est la suivante :
1° - En accord avec M. Tasso, il veut bien considérer dans la révision des allocations du crédit maritime concernant le navire Dreyfus nos hausses de salaires et celles de Schneider soit directes soit consécutives à la semaine de 40 heures, et ceci aussi bien pour la main-d’œuvre directement appliquée à la production que pour la main-d’œuvre comprise dans les frais généraux ; par contre le ministre refuse totalement de considérer les hausses de matières ainsi que la partie matières des frais généraux.
Naturellement j’ai protesté en disant que la révision des matières me paraissait aussi justifiée que celle des salaires puisque la hausse des matières résulte essentiellement des hausses de salaires chez nos sous-traitants.
Le Directeur m’a répondu que pour le moment il n’arriverait certainement pas à faire changer l’opinion du ministre car celle-ci est conforme à l’attitude générale du gouvernement ; il m’a conseillé toutefois de protester dans la réponse que nous ferons à la dépêche ministérielle et m’a dit de ne pas désespérer du résultat.
2° - A l’appui de la règle générale ci-dessus M. Haarbleicher m’a remis le petit tableau suivant qu’il a établi lui-même et qui est tiré à peu près exactement des renseignements contenus dans les notes chiffrées remises par Schneider et par nous-mêmes.

 

Worms

Schneider

Salaires

1.677.000

510.000

40 heures

1.125.000

726.000

Matières

1.350.000

218.000

Totaux   

4.152.000

1.454.000

Ce tableau fait ressortir pour l’augmentation des salaires directs une somme totale un peu supérieure à deux millions et une somme d’un peu moins de deux millions en ce qui concerne la répercussion de la semaine de 40 heures, soit quatre millions de francs en tout pour les hausses diverses de salaires.
M. Haarbleicher m’a dit qu’en ce qui le concernait et sous réserve des justifications qui nous seront demandées par le service de la surveillance il se ralliait en principe à ce chiffre total de quatre millions, qu’il était d’ailleurs à cet égard beaucoup plus généreux que M. Jean Marie qui avait chiffré seulement à un peu plus de deux millions de francs les majorations auxquelles nous pourrions avoir droit.
Cependant comme sur les quatre millions de francs il y a deux millions qui dépendent de la semaine de 40 heures dont la date d’application n’est pas encore fixée, le directeur m’a déclaré son intention de ne demander pour le moment à la commission du crédit maritime qu’une rectification de deux millions du chiffre des allocations.
A la suite de cet exposé j’ai demandé à M. Haarbleicher s’il ne trouverait pas plus simple d’en terminer tout de suite par un forfait, me réservant d’examiner avec mon siège social et Schneider si le chiffre de quatre millions déclaré admissible par lui-même ne pourrait pas constituer la base d’un règlement.
A cela M. Haarbleicher a répondu que nous nous heurterions d’une manière absolue à la résistance des Finances qui refusent de traiter les corrections de prix par la méthode forfaitaire et exigent des justifications en vue d’établir des chiffres exacts. J’ai objecté que notre cas n’était pas du tout assimilable à la révision d’un marché en cours puisque le navire Dreyfus était traité en vertu d’une décision ministérielle comme une affaire neuve et que cela ne paraissait pas contraire aux exigences des Finances de rectifier le prix du marché de manière à le faire cadrer avec un supplément forfaitaire d’allocations de quatre millions, d’autant plus que lorsqu’un constructeur viendra demain présenter un nouveau contrat au crédit maritime celui-ci sera très vraisemblablement établi à un prix forfaitaire et ne dépendra pas d’une formule de révision.
Tout en refusant d’appliquer cette méthode j’ai l’impression que M. Haarbleicher n’a pas dit son dernier mot à cet égard et qu’on parviendra peut-être par un nouvel effort à lui faire adopter le point de vue du règlement forfaitaire, si du moins nous estimons ce règlement aussi avantageux pour nous que l’autre méthode.
3° - A ma demande M. Haarbleicher m’a précisé qu’il y avait lieu de poursuivre tout de suite avec la Caisse des dépôts & consignations les négociations en vue de financer la première tranche d’allocations déjà accordées ; des avenants seront passés ultérieurement et notamment pour deux millions après la prochaine décision de la commission du crédit maritime.
Ayant fait allusion à M. Haarbleicher à certains bruits qui m’avaient été rapportés par les Chantiers de France et d’après lesquels la Caisse des dépôts & consignations refuse maintenant de financer le crédit maritime, M. Haarbleicher m’a dit qu’en effet celle-ci avait manifesté des intentions défavorables mais que les Finances avaient promis d’intervenir.

Depuis que j’ai dicté ce qui précède nous avons reçu la dépêche ministérielle dont vous trouverez ci-joint copie qui fait suite à ma conversation avec M. Haarbleicher mais qui me paraît présenter des insuffisances sur les points suivants :
1° - Pas d’allusion aux droits de Schneider,
2° - Définition défectueuse et très vague en ce qui concerne la main-d’œuvre des frais généraux.

Par contre cette lettre est très bonne dans son premier paragraphe qui est d’une très grande netteté.
Dans tous les cas elle exige une réponse et une mise au point approfondies et je compte vous en parler mardi ou mercredi.
Veuillez agréer, Cher Monsieur, l’assurance de mes sentiments les plus dévoués.

[Signé :] H. Nitot

 

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