1933.12.22.De L'Humanité.Article dockers Worms

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Le lock-out de Dunkerque
Le 28 décembre
Grève dans tous les ports
Mauvais, secrétaire de la CGTU, est traduit en correctionnelle par le maire SFIO de Coudekerque-Branche

Dunkerque, 21 décembre. (Humanité). Nous avions laissé prévoir des manœuvres de toutes sortes de la part du patronat pour essayer de désagréger le bloc des dockers. Aujourd’hui, des camarades travaillant habituellement pour la maison Worms ont reçu des lettres individuelles dans lesquelles, après leur avoir posé brutalement la question : « Qu’attendez-vous pour reprendre le travail ? », on les invite à aller se faire inscrire, soit directement au bureau de la maison, soit en s’adressant à leur contremaître habituel.
Nous sommes d’ores et déjà avertis que d’autres maisons se disposent à envoyer les mêmes lettres individuelles. Le patronat compte beaucoup sur les fêtes de Noël pour essayer d’aboutir dans son œuvre de division.
Mais les dirigeants ouvriers du lock-out, qui avaient prévu cette manœuvre, ont eu justement l’excellente idée d’organiser une grande fête le jour de Noël, avec distribution de jouets, vêtements et vivres.
Plusieurs camarades de la maison Worms sont venus spontanément apporter leur lettre au syndicat, en demandant que l’assemblée générale en soit saisie.

L’assemblée

Dans l’assemblée, deux camarades de cette maison sont venus faire des déclarations. Ils se refusent à faire les jaunes. L’un d’entre eux a même déclaré :
- La maison Worms était la plus acharnée pour déclencher le lock-out, et maintenant elle est la première à nous appeler individuellement à reprendre le travail. Les patrons sont dans la panade. Laissons-les se débrouiller. Il faut tenir et rester unis. Et puisque les patrons critiquent nos organisations : vive notre syndicat unitaire et vive la CGTU !
Citons encore l’intervention de ce docker qui s’est étonné que le travail aille si bien au port, comme le claironne sur tous les toits la presse bourgeoise et que les patrons soient dans l’obligation de faire des appels multiples aux dockers dunkerquois.
Après qu’un vieux docker eut expliqué longuement une conversation qu’il eut avec le représentant d’une banque, conversation au cours de laquelle il défendit avec fermeté le vieux syndicat auquel il est adhérent depuis sa formation, l’assemblée vota à l’unanimité un ordre du jour qui sera publié en affiche, et qui dénonce les dernières manœuvres patronales.
Signalons en outre, malgré de multiples appels qu’aucun scissionnistes – comme disent les manœuvres calomnieuses – non seulement n’a osé se présenter à la tribune mais aussi n’a osé lever la main contre l’ordre du jour présenté. Ils préfèrent travailler dans l’ombre mais ils n’éviteront pas que les dockers ne leur fassent sentir la vive indignation qu’ils ressentent à la dénonciation de cette sale besogne.

Mauvais est poursuivi

Faisant écho aux manœuvres patronales, les pouvoirs publics développent diverses manœuvres d’intimidation. C’est ainsi, qu’outre notre camarade Papegay, le gérant du Cri du lock-outé, inculpé une seconde fois et devant passer en correctionnelle après demain samedi, notre camarade Mauvais s’est vu signifier aujourd’hui une citation l’enjoignant à se présenter le samedi 30 décembre devant la correctionnelle.
Il est inculpé, comme nous l’avons déjà dit, d’outrages envers le maire SFIO de Coudekerque-Branche, pour une phrase qu’il n’a jamais prononcée. La citation précise que le fait qu’on lui impute est prévu et puni par l’article 222 du code pénal.
Les dockers ont élevé de véhémentes protestations contre toutes ces inculpations. Ils en demandent la cessation. Ils n’entendent pas, d’ailleurs, se laisser intimider et poursuivront avec vaillance leur lutte contre le patronat, soutenu par le gouvernement « de gauche » et le parti SFIO.
La fédération réformiste aurait décidé un arrêt dans tous les ports pour le 28 décembre.
Le Nord maritime de ce soir annonce qu’une délégation de la fédération réformiste des ports et docks, composée de Loriot et le Gueff, aurait été reçue, présenté par le mou Marquet, par M. Lamoureux, ministre du travail. La discussion aurait eu pour base « le chômage dans les ports et autres questions intéressant les dockers ».
Mais le même journal annonce aussi en première page que la fédération réformiste a décidé d’arrêter le travail dans tous les ports le 28 décembre pour protester en général contre la situation faite aux dockers et particulièrement contre l’état de choses résultant du lock-out de Dunkerque.
Tout laisse supposer que ce fut le lock-out de Dunkerque qui fut l’objet véritable de l’entrevue avec le ministre. Les chefs réformistes tentent certainement un mauvais coup, de complicité, avec les pouvoirs publics.
On sait, en effet, qu’ils firent charger et décharger les navires déroutés à Calais, qu’ensuite ils s’offrirent servilement, par la lettre rendue publique de se mettre à la disposition des patrons du port de Dunkerque.
Leur sale besogne leur ayant fait perdre le peu de crédit qu’ils avaient encore dans quelques ports, les chefs réformistes essaient maintenant de tromper les travailleurs en lançant un mot d’ordre de grève de 24 heures. Ils ne tromperont personne car chacun se rappelle qu’en leur dernier congrès ils ont pris la décision de diviser les travailleurs des ports et, sans nul doute, leur décision actuelle a pour but de parvenir à ce résultat.
Les lock-outés de Dunkerque lancent un vigoureux appel à tous leurs frères des autres ports, unitaires, confédérés, autonomes et inorganisés pour qu’ils réalisent leur unité d’action pour la défense de leurs propres revendications, pour les aider à battre les employeurs du port de Dunkerque. La journée du 28 décembre doit être une journée de démonstration sous toutes les formes dans tous les ports sous le signe du front unique.

Gautier

 

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