1929.01.00.De M. Ragot.Rapport de visite en Pologne

Copie de note

NB : La copie image de ce document, de mauvaise qualité, n'a pas été conservée.

Rapport de M. Ragot
Janvier 1929

Le but des différentes notes annexées n'est pas de recommencer une enquête faite par M. Vignet en 1926, mais de procéder à un nouvel examen de la question telle qu'elle se présente au début de 1929 et de rechercher quels sont, exactement, les moyens les plus propices pour améliorer nos méthodes de travail, en achetant aux meilleures sources, dans les meilleures conditions et avec le moins de risques possibles.
L'enquête à laquelle il a été procédé permettra, je l'espère, d'y arriver, bien que la chose ne soit pas aisée, tant à cause des difficultés de transport que par suite des ennuis rencontrés aux sources mêmes de production, chacun travaillant pour soi, sans s'occuper de ce que fait le voisin, s'il ne s'arrange pas pour entraver son essor.
Avant d'aller plus au fond de la question, il est utile de ne pas perdre de vue qu'en Pologne, la mésentente règne à l'état endémique dans toutes les sphères et que la méfiance la plus grande est pratiquée vis-à-vis des peuples voisins, plus spécialement l'Allemagne et la Russie ; ceci n'a, du reste, rien d'étrange, puisque la Pologne n'a aucune frontière naturelle, de sorte que tous les efforts sont concentrés sur son équipement militaire.
Le développement économique n'y est donc envisagé que comme un moyen de se procurer des capitaux pour faire face aux nécessités de la défense nationale.
Je m'excuse de cette digression ; je l'ai crue nécessaire pour pouvoir expliquer ce qui va suivre.
La production polonaise a été, en 1927, d'environ 38 millions de tonnes ; je n'ai pu obtenir un chiffre exact de celle de 1928, mais il m'a cependant été dit qu'elle avait été très inférieure. Cela ne tient pas aux moins bons rendements du travail, car il reste, en effet, d'environ 1 300 kilos en moyenne, par ouvrier et par jour, soit à peu près le double de celui de la France, et encore ne cesse-t-il d'augmenter constamment grâce au perfectionnement technique qu'ils introduisent de jour en jour.
Certaines sociétés ont d'ailleurs déjà une avance considérable à ce point de vue, notamment la Société fermière des mines fiscales dont cinq mines sur sept dépassent déjà le rendement de deux tonnes par ouvrier et par jour.
Cette société, autant que le permet la crise charbonnière et malgré les concessions qu'elle doit faire à la politique - le gouvernement polonais étant pour 50 % son actionnaire -, se trouve en tête des sociétés minières silésiennes, tant au point de vue de ses progrès techniques que de la prospérité financière. Il est facile de comprendre qu'un charbon obtenu dans des conditions aussi favorables pour le prix de revient puisse concurrencer avec succès n'importe quel autre charbon sur les marchés maritimes.
Si la production générale n'a pas été maintenue et, a fortiori, augmentée sur les années précédentes, c'est que les moyens d'évacuation des mines sont insuffisants et surtout parce que le charbon expédié sur la France occasionne aux mines et particulièrement à celles de Haute-Silésie, une perte de plusieurs schillings par tonne.
Il paraît, par contre, que les mines du bassin de Dombrowa, aux prix actuels, s'en tirent parfaitement et qu'il suffirait d'atteindre, pour les charbons de Haute-Silésie, le prix de 14/- à 15/- pour qu'elles puissent faire l'opération sans perte aucune.
D'un autre côté, la vente à l'intérieur est très rémunératrice, de même que celle pour les charbons d'exportation expédiés par voie ferrée plus spécialement sur la Tchécoslovaquie, l'Autriche, la Hongrie et l'Italie. Ceci permet, du reste, aux Polonais, d'arriver à présenter des bilans satisfaisants et non pas déficitaires comme ceux d'autres pays qui vivent surtout de l'exportation. À ce sujet, il n'est pas inutile de mentionner (la chose m'a été dite de différents côtés) que le résultat de la lutte entreprise plus spécialement par les mines polonaises en Scandinavie et en Baltique contre les mines anglaises doit, aux dires des premières, se terminer à leur avantage, car ajoutent-elles, les mines anglaises ne pourront certes pas - étant données les pertes qu'elles subissent - continuer longtemps la concurrence à outrance engagée par elles en Scandinavie.
L'issue de cette politique doit intervenir, disent les mines polonaises, en 1930, mais certainement avant la fin de 1931 ; sous la forme d'un cartel charbonnier européen auquel participeront la Pologne, l'Allemagne, l'Angleterre, la France (il n'a jamais été fait mention de la Belgique).
Les mines polonaises ajoutent que l'accord interviendra dès que les mines anglaises auront pu se grouper. Elles ajoutent que l'effort réel fait actuellement par ces dernières pourrait avancer cette échéance.
À ce sujet, il y a lieu d'observer qu'il y a en ce moment, en Pologne, deux organisations appelées conventions qui régissent l'extraction des charbons polonais en établissant les prix de leur production, ce sont : la Convention des bassins de Dombrowa et Cracovie et la Convention de Haute-Silésie.
Les décisions prises par ces deux conventions sont maintenues assez correctement mais les séances se terminent généralement par des conversations sans fin.
Ces deux organismes font partie de la Convention panpolonaise qui est l'embryon de ce que pourra être, plus tard, le Syndicat charbonnier polonais.
En attendant, comme dit plus haut, les organisations actuelles arrivent à établir des bilans bénéficiaires en conservant l'extraction de 1928 qui pourrait être doublée, voire même triplée, lorsque les circonstances permettront d'obtenir des prix plus intéressants pour les charbons destinés à l'exportation, ce qui devrait être facilité lorsque les conditions de transport et l'aménagement de l'outillage de Dantzig et surtout de Gdynia seront améliorés.
En ce qui concerne l'amélioration des transports par voie ferrée (comme il s'agit d'une affaire de gouvernement, disent entre eux les Français de Pologne) il est assez difficile de dire comment un résultat sera obtenu. Certains prétendent que ce sera chose faite dans environ deux ans et demi. En tous cas, la ligne, qui doit relier directement les bassins houillers à Gdynia, passera entièrement en territoire polonais ; la distance sera ramenée à environ 600 km alors qu'actuellement elle approche 700 km, il en résultera une économie sur le transport de 6 à 9 d. par tonne.
Quel sera le statut de cette ligne ? Il est difficile de le dire. Deux projets restent en face l'un de l'autre ; si c'est une organisation d'État qui exploite cette voie ferrée, on craint que le rendement soit insuffisant car il est très probable que, pour des raisons de politique, il sera nécessaire qu'elle assure également le trafic des voyageurs, ce qui réduira certainement le rendement.
Par contre, si cette ligne est concédée à une compagnie privée, formée par les houillères qui l'affecteraient exclusivement au charbon, le projet est très viable et permettrait, dit-on, d'atteindre un débit de 15 à 20 millions de tonnes par an, en assurant des transports réguliers.
Le projet gouvernemental paraît avoir le plus de chances, mais il est possible que pour des raisons de trésorerie, la ligne se trouve finalement affermée aux houillères.
À l'heure actuelle, toutes les expéditions passent par Dantzig, que les charbons soient chargés dans ce port ou à Gdynia, de sorte que, si le transport s'est effectué normalement jusqu'à Dantzig, il y a encombrement à partir de ce port, les voies de garage et de dégagement étant notablement insuffisantes.
En hiver, et plus particulièrement de décembre à mars, la neige vient compliquer la situation ; c'est ainsi que, pendant que j'étais à Dantzig, j'ai vu dans un journal (il est juste d'ajouter qu'il était allemand) que la neige avait immobilisé, dans toute la Pologne, 269 trains de marchandises et 150 trains de voyageurs ; les chiffres sont peut-être exagérés, car il a été parlé, le même jour, de 30 trains de charbons bloqués momentanément.
En réalité, le blocage n'est que partiel car les trains suivent dès que la voie est dégagée, ce qui occasionne un retard maximum d'un à deux jours, mais généralement de quelques heures.
D'autre part, pendant cette période de décembre à mars, la traction est très difficile et l'on ne charge les trains qu'à 300 tonnes au lieu de 1.000 tonnes, taux normal, et encore en mettant une locomotive à l'avant et l'autre à l'arrière. J'ajouterai enfin que, calquant en cela ce qui se fait ailleurs, les Chemins de fer polonais ne se gênent pas pour donner une large publicité à ces incidents, ce qui leur permet d'invoquer le cas de force majeure et de na pas payer d'indemnités pour retard.
Avant d'examiner l'organisation de Dantzig et de Gdynia, je ne crois pas inutile de donner la décomposition, tout au moins approximative, des prix actuels.
Un charbon coté 12/6 fob de Dantzig est payé 7/3 à la mine, par tonne sur wagon départ ; le transport par voie ferrée calculé en Zloty revient un peu en dessous de 4/- par tonne, les frais de transit au port d'embarquement y compris le chargement s'élèvent à 1/3.
Dantzig
Pendant la grève anglaise, il a été fait un essai d'acheminer par voie mixte, ferrée et fluviale, des charbons polonais sur Dantzig. Les combustibles venaient à Tcew (Dirchau) par voie ferrée, puis étaient transbordés sur chalands, d'où ils étaient acheminés sur Dantzig ou sur certains ports de la Baltique. L'essai a été malheureux et l'entreprise polonaise qui avait organisé l'opération a fait faillite.
On est donc revenu au transport par voie ferrée des bassins houillers sur Dantzig et Gdynia. À l'heure actuelle, le plus grand tonnage est chargé à Dantzig, bien que la préférence des Polonais aille à Gdynia.
Il paraîtrait que, mensuellement, 500.000 tonnes partent de Dantzig et 150.000 seulement de Gdynia.
Le travail est ininterrompu jour et nuit, depuis lundi 6 heures jusqu'au samedi soir minuit. On arrive ainsi à faire, sur un bateau, environ 300 tonnes par huit heures de travail, soit un maximum de 900 tonnes par 24 heures. En s'adressant à la police et en sollicitant une autorisation, il est possible de travailler les dimanches et jours fériés, mais il faut naturellement payer des heures supplémentaires à tarif double.
Tout endroit qui à Dantzig dispose de grues est, suivant les circonstances, mis à la disposition des maisons qui ont des charbons à embarquer, mais il y a lieu de noter que les expéditions ont lieu plus particulièrement des endroits suivants :
Rive gauche.
Weichselbahnhof. Ce poste charge, en principe, les grands vapeurs dont le tirant d'eau peut aller jusqu'à 18 pieds. Il dispose de 10 grues de 7 tonnes pour 5 postes à quai.
En principe, les postes à quai de Dantzig comportent 2 grues chacun. Étant donné que le charbon polonais est excessivement dur, il faut compter qu'une grue de 7 tonnes est obligée de s'y reprendre à plusieurs fois pour pouvoir décharger le contenu entier des wagons dont le poids varie entre 15 et 30 tonnes et encore est-il que, pour les dernières bennes, des ouvriers doivent, à l'aide de pelles, mettre le charbon dans les bennes.
Frei Bezirck. Ce poste, situé à Neufahrwasser, qui est un faubourg de Dantzig, est le poste où le travail est le plus important ; on peut y charger des vapeurs allant jusqu'à 3.000 tonnes. Pour 13 places à quai, on dispose de 26 grues.
Rive droite
Alldag. Ce poste est ainsi appelé parce qu'il est outillé par la maison Alldag (inclus une petite notice sur la maison en question).
Ces transitaires travaillent pour MM. Mory & Cie ; le poste dont ils disposent est équipé par 6 grues environ, il n'est pas facilement accessible à l'époque de l'importation des bois, car ce sont les mêmes voies qui desservent les postes affectés au charbon et au bois. Ces voies dépendent toutes de la gare régulatrice de Kaiserhafen.
Kaiserhafen. Ce poste est, en réalité, réservé en principe aux marchandises diverses. Deux maisons y possèdent des installations, ce sont Prow et nos amis de la Bergenske.
Le trafic de diverses n'étant pas actuellement très important, sauf toutefois les bois, ce poste sert donc également à l'expédition des charbons et est outillé avec des grues de puissance variant de 2 à 7 tonnes. Les places à quai sont au maximum de 4.
Hefenbecken. C'est sur cette installation que les Dantzigois comptent le plus. Elle est située également sur la rive droite et aura, en dehors de plusieurs grues de 7 tonnes, 2 kippers qui permettront de décharger les wagons en les faisant basculer, comme cela a lieu dans d'autres pays.
Le bassin doit être prêt en trois mois et l'outillage vers le mois de juin ou juillet.
L'idée qui a présidé à l'installation de ce port était très bonne. Je crains qu'à la pratique, il y ait une grosse désillusion ; en effet, toute la rive droite de la Vistule est desservie par un seul pont qui est le Eisenbahnbrücke. Le trafic est déjà très fort. Pourra-t-on l'intensifier sans élargir le port ?

Gdynia

Quand les Polonais s'aperçurent que, si Dantzig était ville libre, l'influence allemande y était prépondérante et qu'ils ne pourraient y monter des installations puissantes sans se heurter continuellement aux difficultés qui leur étaient créées par les maisons allemandes y installées, ils cherchèrent un endroit protégé sur la côte qui leur était attribuée et c'est ainsi que naquit Gdynia.
La construction du port a commencé en 1921 ; il n'y avait, à ce moment-là, absolument rien. Le site était vierge de toute habitation. Actuellement, 3 quais sont construits, l'un dans le premier bassin où vont tous les bateaux des Chargeurs réunis, les deux autres au South Pier. C'est à ce dernier endroit, qui est affecté plus particulièrement au charbon, qu'est commencé l'embryon du gros outillage moderne projeté tant par le gouvernement polonais que par les sociétés houillères.
La côte occidentale du South Pier possède 2 grands portiques électriques appartenant à l'état polonais. Leur rendement n'est pas très grand puisque l'on parle d'une moyenne de 40 tonnes par heure ; ce poste est à la disposition de n'importe quelle maison.
À côté de cette installation, Robur a également deux appareils du même genre, plus petits et plus modernes ; le rendement est supérieur puisqu'ils font 60 tonnes par heure.
Robur est en train d'installer, immédiatement après ces deux portiques, un appareil qui permettra de déverser le charbon directement du wagon dans le vapeur. Il s'agit d'appareils d'un type tout à fait nouveau ; je crois, en étant optimiste, qu'on peut espérer que l'appareil fonctionnera à Pâques et qu'il pourra faire 2 à 300 tonnes par heure.
Ce quai offre des postes de chargement très bons pour les vapeurs, car il est protégé des vents du large par une digue qui est actuellement terminée.
Il n'en est pas de même de la face orientale qui, elle, ne possède pas encore d'appareils de chargement.
Les bateaux y chargent avec leurs treuils et exposés au vent du large, de sorte que l'opération y est longue, coûteuse et non exempte de dangers.
À noter, d'une façon générale, que ce soit à Dantzig ou à Gdynia, que, si un vapeur fait usage de ses treuils, ce sont toujours les hommes de l'entrepreneur qui actionnent lesdits treuils, le navire payant pour ce faire et ceci pour éviter des accidents.
En dehors de Robur, actuellement installé, d'autres maisons ont obtenu des concessions pour aménager des postes de chargement à Gdynia, ce sont : Skarboferme, Progress, Giesche, Elibor. Les trois premières installations travaillent au chargement des charbons appartenant aux mines en question. Elibor appartient à un groupe polonais dans lequel est un M. Hillchen, connu déjà pour d'autres affaires.
Le gouvernement polonais donne aux sociétés qui s'installe à Gdynia toutes les facilités possibles. Elles profitent entre autres choses d'une exonération de taxes pour un minimum de dix ans, mais doivent par contre s'engager à faire un tonnage minimum mensuel et à acheter ou faire construire des vapeurs naviguant sous pavillons polonais.
Le tonnage à exporter et les vapeurs à faire naviguer sous pavillon polonais sont fonction de la longueur de quai concédée.
Skarboferme, Progress et Gische ont déjà commandé leurs outillages. Ces maisons espèrent qu'elles seront prêtes à fonctionner dans deux ans et demi. En attendant, on continuera à se débrouiller comme on le fait actuellement. On escompte du reste, à partir de l'été prochain, une amélioration très sensible dans les expéditions, par suite de l'entrée en fonction du Hafenbecken.
Avant de rendre compte des visites aux mines, il n'est pas inutile de relater les conversations que j'ai eues à Dantzig.
Bergenske. M. Ejbol était absent, en voyage ; j'ai donc vu M. Nielsen et M. Dethloff.
M. Nielsen est directeur de la Bergenske à Dantzig au même titre que M. Ejbol. Il aurait même, paraît-il, plutôt un rôle prépondérant parce qu'il est Norvégien d'origine et consul de Norvège à Dantzig. Il représente dans cette société l'élément norvégien et s'occupe plus que M. Ejbol de la question charbon dans la direction effective est assurée par M. Dethloff, qui est un homme charmant, connaissant très bien son affaire.
Le département charbon de la Bergenske date de 1926. Cette année qui est, en quelque sorte, l'époque florissante des charbons polonais, la Bergenske a fait de grosses expéditions sur la Scandinavie, spécialement sur la Suède, mais depuis, ses affaires ont diminué dans cette région, cependant elle n'en continue pas moins ses exportations tant sur le Danemark que sur la Suède, la Norvège, la France, etc.
La Bergenske effectue également des fournitures de soutes à Dantzig, ce qui lui permet, dans certains cas, de pouvoir compléter les bateaux si des rames ou des wagons se trouvent retardés et de mettre en chalands l'excédent des quantités qu'elle peut recevoir lorsqu'elle a des bateaux en charge.
À la pratique, l'excédent en question n'est guère important, surtout si l'on a, au préalable, pris soin de se mettre d'accord avec l'armateur, comme cela se fait couramment à Rotterdam pour les charbons de la Ruhr.
La Bergenske a des relations très très bonnes avec certains représentants des mines et plus particulièrement avec M. de Rosset, représentant à Varsovie de la mine Renard (Reden) et avec M. Kozlowski, représentant à Varsovie de la mine Parys.
Ce sont, du reste, à ses deux mines que la Bergenske s'adresse le plus souvent.
Je crois savoir que lesdits représentants, pour des raisons particulières, donneront toujours la préférence à la Bergenske. Ils l'ont prouvé dans le passé. Ils le prouvent encore à l'heure actuelle, puisque la Bergenske a pu expédier des charbons Parys sur la France, malgré que MM. Mory aient un contrat avec la mine. C'est ce qui explique pourquoi la Bergenske nous a priés de ne pas mentionner que les charbons qu'elle nous livrait provenaient de la mine Parys.
À mon avis, quelle que soit la solution que nous adoptions par la suite, il y a un intérêt majeur à ne pas entrer en lutte avec la Bergenske sur ce terrain. Je ne crois pas que nous serions mieux placés auprès de l'une ou l'autre des deux mines ci-dessus et la Bergenske nous sera toujours d'un précieux concours en raison de la nature et du volume des affaires qu'elle traite en charbons polonais.
Il faut croire que la concurrence l'a parfaitement compris, car il ne se passe pas de jours que la Bergenske ne reçoive des demandes de prix de nos concurrents.
Les établissements Châtel & Dolffus, dans le but naturel de s'assurer les faveurs de nos amis, surcotent nos prix : M. Dethloff nous a montré des lettres et télégrammes qui confirment ce qui précède.
À noter qu'entre autres choses, nous avons aperçu, dans le bureau de M. Dethloff, une carte murale de France et Belgique donnant l'emplacement des différentes mines et celles des villes où se trouvent des succursales, agents ou correspondants des établissements Châtel & Dolffus, leur nombre paraît très imposant.
Par délicatesse probablement, les jours où nous allâmes à la Bergenske, nous avons remarqué que le nom de la firme en question était recouvert d'un papillon blanc.
Les instructions qui sont données à M. Dethloff sont très précises : c'est de nous traiter sur le pied de la nation la plus favorisée, ce qui ne veut pas dire que ces messieurs poussent l'esprit du sacrifice jusqu'à travailler sans bénéfice, mais il est bien certain qu'ils le réduisent au minimum.
Si nous décidons de nous adresser éventuellement à la Bergenske pour des contrats sur une certaine période, nous pourrions vraisemblablement nous couvrir, non seulement pour le charbon, mais également pour le fret et lui demander de prendre, pour ses soutes, l'excédent de gros charbon dont nous ne saurions que faire, puisque la plupart de nos maisons, à l'exception de Dieppe toutefois, ne veulent recevoir que de très petites quantités de charbon dépassant 80/120 m/m.
J'ai pu également avoir, à Dantzig, un entretien avec M. Franz Reich, directeur de la Polskarob. L'entretien a été excessivement courtois car il était prévenu de ma visite par une lettre de M. Max Singer.
M. Franz Reich voulait absolument mettre l'une des voitures de la Polskarob à ma disposition pour visiter Dantzig et Gdynia ; j'ai décliné l'invitation sans cependant négliger la visite des installations de Robur dans les deux ports indiqués ci-dessus.
Je dois avouer que c'est à l'heure actuelle l'organisation la meilleure, ce qui ne veut pas dire que ce soit parfait, mais ce groupe a une avance considérable sur ses concurrents. J'aurai l'occasion de revenir, du reste, sur cette maison et ses méthodes de travail lorsque je rendrai compte un peu plus loin de ma visite à Robur à Katowice.
Pour donner un certain relief à son affaire de Dantzig, Robur a pris comme codirecteur de la Polskarob, M. Napoléon Korzon, consul de Suède. C'est un gros personnage venant rarement au bureau mais usant très largement, au profit de Robur, de l'influence qu'il a en Scandinavie. Il faut croire qu'il apporte, à sa maison, des affaires très rémunératrices puisque l'on dit qu'il encaisse 3.000 [dollars] par mois.
Avant d'en terminer avec Dantzig, j'ajouterai que deux maisons françaises de charbon ont des représentants dans cette ville, ce sont MM. Mory & Cie et Balland-Brugneaux.
MM. Mory & Cie sont représentés par M. Bailly. Ce monsieur est constamment en route entre Dantzig, Varsovie et la Haute-Silésie ; son bureau de Dantzig se compose seulement d'une dactylographe.
MM. Mory & Cie sont agents, à Dantzig, de la société les Armateurs français. C'est un courtier qui fait le travail dont MM. Mory semblent tirer un large profit puisque cela leur permet, entre autres choses, d'affréter au Armateurs français des vapeurs qu'ils sous-affrètent à des tiers à des conditions généralement supérieures.
Le s/s "Louis Mercier", qui était en charge à Dantzig, le mois dernier, pour y charger une cargaison de charbon à destination de Nantes pour MM. Balland-Brugneaux était affrété par ces derniers à 7/3 alors que MM. Mory l'avaient obtenu dans les environs de 7/-.
S'il y avait un moyen d'obtenir l'agence des Armateurs français à Dantzig, pour notre Maison, je crois que l'armement en question n'y perdrait pas, tout au contraire.
M. Bailly aurait dit, paraît-il, il y a quelque temps, que l'entrée de la maison Worms dans l'importation des charbons polonais l'avait gêné considérablement, car avant que nous nous occupions de la question, sa maison gagnait environ F 30 par tonne, alors que maintenant, elle joint à peine les deux bouts et que, personnellement, il a perdu la commission de 3 à 6 d. par tonne qu'il avait réussi à obtenir comme intermédiaire des mines traitant avec MM. Mory. Inutile d'ajouter que la sympathie qu'il a pour nous est en fonction directe de la perte qu'il a éprouvée.
Pour faciliter à MM. Mory leurs affaires en France, ces Messieurs ont travaillé, paraît-il, avec succès, si l'on en croit le nombre d'expéditions, le marché scandinave. Malgré mes recherches, je n'ai pu savoir quels étaient leurs agents dans ce pays.
MM. Balland-Brugneaux sont représentés à Dantzig par M. Amphoux qui s'occupe surtout de la surveillance des charbons expédiés par Skarboferme puisque MM. Balland-Brugneaux, comme nous l'expliquerons plus loin, sont agents de Skarboferme pour une grande partie de la France.
Il est toujours en rapport avec la filiale de Skarboferme à Dantzig, c'est-à-dire Skarbopol.
Il arrive que MM. Balland-Brugneaux, n'ayant pas suffisamment de charbon, demandent à M. Amphoux de leur en trouver, ce qui justifie également une partie de ses déplacements et des frais qu'ils occasionnent.
Je dois également mentionner une visite que j'ai faite à M. Hervé Laroche (fils de l'ambassadeur de France à Varsovie). Il est attaché à la direction de la succursale de la Banque franco-polonaise à Dantzig.
Ce monsieur ayant été à Katowice pendant plus de deux ans, je lui avais demandé s'il lui serait possible de me donner quelques renseignements sur la ville en question, ainsi que la meilleure façon de procéder pour pouvoir faire une enquête rapide, aussi bien en Haute-Silésie que dans la région de Dombrowa.
M. H. Laroche m'a fourni quelques indications en me recommandant d'aller voir le directeur de la Banque franco-polonaise, Monsieur Le Roy Ladurie.
Je n'ai pas fait cette dernière visite car j'ai pensé que si, personnellement, je pouvais me permettre de demander quelques indications à M. Laroche, en raison de ses liens de parenté avec notre sieur Michel Goudchaux, il était peut-être risqué qu'un représentant de la maison Worms & Cie se mît en rapport avec le directeur de la Banque franco-polonaise à Katowice.

Varsovie

Avant de partir de Dantzig, j'avais pris soin de demander à M. Brieule de téléphoner à M. Vincent Broustra, pour solliciter de lui un rendez-vous pour le début de la semaine suivante.
Arrivé le lundi matin, j'appris que l'entretien devait avoir lieu le même jour à midi et demi. Pour ne pas risquer une attente assez longue, il fut demandé à M. Broustra, vers 11 heures, s'il n'y avait pas contre-ordre mais ce dernier répondit qu'il était précisément sur le point de téléphoner pour reporter l'entretien le même jour à 17 heures.
Je m'aperçus, au début de la conversation, que M. Broustra n'avait pas compris le but de notre enquête en Pologne, puisqu'il me déclara qu'il regrettait de ne pouvoir me donner des lettres d'introduction auprès des différentes mines, mais qu'il s'était adressé à un M. Michel pour avoir quelques renseignements et que ce dernier, qui était actuellement à Varsovie, pourrait me voir le lendemain à 11 heures.
Il me lut un fragment d'une lettre de M. Michel de laquelle il ressortait que Skarboferme (car j'appris alors que M. Michel appartenait à cette société) pouvait mettre à notre disposition, à Dantzig, tous les charbons dont nous pourrions avoir besoin pour les soutes de nos bateaux au Havre, et ce au prix de 16/- fob Dantzig, garantissant que le charbon fourni était l'égal des meilleurs de Cardiff.
Il y a lieu de ne pas perdre de vue que les charbons qui servent aux soutes des bateaux à Dantzig sont cotés 12/6 fob. Je répondis que là n'était pas la question et lui expliquai exactement le but de l'enquête à laquelle nous procédions.
M. Broustra me rappela que le chargé d'affaires français à Katowice (le nouveau consul n'étant pas arrivé) se tiendrait à ma disposition pour me donner tous les renseignements dont je pourrais avoir besoin, en ajoutant toutefois, qu'il ne pourrait m'être que de peu d'utilité étant donné qu'il était nouvellement arrivé dans la région. « Par contre, me dit-il, vous aurez certainement, de M. Michel, au cours de l'entretien projeté, tous les éclaircissements que vous pouvez désirer. »
M. Brieule, connaissant M. Michel, me dit qu'il allait essayer de lui téléphoner pour nous ménager un entretien dans la soirée, de façon à ce que nous puissions partir le soir même pour la Haute-Silésie. Malheureusement la chose n'a pu se faire. Je vis donc M. Michel le lendemain à 11 heures.
Il me parut très fatigué et me donna l'impression d'avoir mal ou peu dormi, la conversation s'en ressentit.
Je me rendis compte, tout de suite, qu'il était loin d'approuver ce que faisait Skarboferme.
M. Broustra, m'ayant dit que M. Michel était le personnage important de cette société et que la situation de directeur général de M. Reumeaux n'avait pas été renouvelée depuis le mois d'août, bien qu'il fût encore dans la société, c'est donc prudemment que j'abordai la conversation.
Je ne tardai pas à me rendre compte que, si M. Michel avait des vues d'ensemble, par contre, il n'était nullement au courant de ce que faisait Skarboferme pour la France et ses possibilités de vente, mais il ne me cacha pas qu'il n'approuvait nullement les engagements pris par Skarboferme en France, avec ses différents agents.
M. Michel ajouta que j'aurais intérêt à discuter de cette question avec le directeur commercial de Skarboferme, M. Knoté ; il me pria d'aller le voir et qu'il allait lui téléphoner pour lui demander de me recevoir le lendemain.
Il me dit également que les hôtels de Katowice où je devais établir mon pied-à-terre étaient inconfortables et que le mieux était qu'il nous fasse retenir des chambres à Skarboferme. Cette société a l'habitude, paraît-il, de tenir à la disposition des visiteurs des chambres, sinon luxueuses, en tout cas beaucoup plus confortables que ce qu'il est possible d'obtenir à Katowice.
Au dire de M. Michel, dans les groupes de Haute-Silésie, c'est, au point de vue foyer domestique, Giesche qui fournit les meilleurs charbons et le plus important des groupes est Robur. Il ajouta, du reste, que dans un avenir prochain, il est probable que les principaux groupes de Haute-Silésie auraient une organisation commerciale commune, c'est-à-dire Giesche, Robur, Skarboferme et Progress.
En ce qui concerne sa société, me dit-il, la chose n'a qu'une importance très relative pour le marché français auquel nous ne nous intéressons que peu ou prou.
Je ne cache pas que je sortis assez désappointé de cette entrevue et me demandai comment je pourrais faire pour rencontrer à Krolewska Hüta, M. Reumeaux, que je voulais voir malgré tout.
Skarboferme
Je partis donc pour Katowice. À la descente du train, j'y rencontrai M. Fontaine, chef des services techniques de Skarboferme. Il était chargé par M. Michel de venir me prévenir que Skarboferme, ayant des visiteurs polonais, ne pourraient mettre à notre disposition les chambres dont M. Michel m'avait parlé, mais que ce n'était que partie remise et que nous pourrions en profiter le lendemain.
M. Fontaine nous informa également que M. Knoté était grippé et que nous serions reçus par M. Reumeaux le lendemain, ce qui nous allait beaucoup mieux.
Le lendemain matin, M. Marin-Darbel, attaché à la direction de Skarboferme, vint nous prendre en automobile et nous dit que M. Reumeaux nous recevrait vers 10 heures et quart.
La distance de Katowice à Krolewska-Hüta est d'environ une dizaine de kilomètres, ce qui nous demanda une demi-heure d'automobile, étant données la neige et la nécessité où nous fûmes de prendre des routes situées sur la hauteur.
Au cours du voyage, je me hasardais à demander à M. Marin Darbel, quelles étaient les situations respectives de M. Michel et de M. Reumeaux à Skarboferme.
J'appris que M. Michel était directeur général de Skarboferme (branche industrie) et que M. Reumeaux était, lui, directeur général de la branche charbon, mais que, s'il occupait le poste, sa situation n'avait pas été renouvelée depuis le mois d'août dernier.
À l'arrivée à Krolewska Hüta, M. Marin Darbel se fit renseigner pour savoir à quelle heure M. Reumeaux pourrait nous recevoir. Nous attendîmes quelques instants dans le bureau de M. Michel puis fûmes conduits dans le bureau de M. Reumeaux dans lequel M. Marin Darbel ne pénétra pas, en nous disant qu'il nous verrait à la sortie.
Je remis à M. Reumeaux la lettre de M. Barnaud. Il la lut rapidement et après avoir échangé quelques paroles, il me demanda sous quels auspices je m'adressais à lui. Était-ce envoyé par l'ambassade et sur sa recommandation ou d'une autre façon ? Je répondis que c'était comme représentant de la maison Worms & Cie et sur la recommandation de M. Barnaud.
Immédiatement il me dit : « Puisqu'il en est ainsi, je vais vous parler, non pas comme à un client, mais comme un Français à un autre Français. »
J'appris alors que Skarboferme n'avait actuellement aucun disponible pour la France et n'en aurait pas de tout 1929 car son contingent de 7.000 tonnes par mois est vendu tout entier par les agents de Skarboferme qui sont : M. Bosquillon de Jenlis à Nantes, pour la région de l'Atlantique, et MM. Balland-Brugneaux pour le reste de la France.
Ces agents donnent, paraît-il, toute satisfaction à Skarboferme et il n'entre nullement dans les intentions de M. Reumeaux de changer quoi que ce soit à la manière de faire actuelle. Skarboferme pourrait certainement livrer des quantités plus importantes pour le marché français si cette société obtenait des prix plus rémunérateurs, mais, à l'heure actuelle, elle perd plusieurs schillings par tonne. Elle n'exporte donc, sur la France, que la quantité minima nécessaire à lui permettre de prendre place pour le jour où l'entente interviendra.
Au dire de M. Reumeaux, cette entente sera chose faite certainement en 1931, son opinion c'est qu'elle interviendra l'année prochaine.
La situation, pour Skarboferme, changera le jour où la ligne directe sera établie car le prix du transport qui est actuellement de Zloty 8,40 sera ramené à Zloty 7,50, sinon plus bas.
La Pologne consomme, paraît-il, actuellement, 50 % de sa production dans l'intérieur, 20 % sur place et en exporte 30 % dont seulement 14 % par voie maritime.
J'ai expliqué à M. Reumeaux qu'il se pourrait que, dans un laps de temps indéterminé, nous soyons amenés à traiter certaines fournitures avec le gouvernement polonais et qu'une partie de ces fournitures soit payable en charbons. Il nous était donc apparu que la Société fermière des mines fiscales de l'État polonais en Haute-Silésie était la plus indiquée pour faire les fournitures de charbon, tant à cause de sa puissance, que de la qualité de ses combustibles et de son organisation. Il nous serait donc agréable de prendre contact avec elle dès maintenant, de façon à pouvoir augmenter la cadence de nos achats jusqu'à un chiffre qui pourrait être très important.
Pour en donner un exemple, j'ai indiqué à M. Reumeaux qu'au cours de 1928 qui était pour nous une année de début pour l'importation des charbons polonais, nous avions reçu environ 40.000 tonnes, mais qu'il était très vraisemblable que nous aurions pu mieux faire si nous avions obtenu ce que nous désirions au moment où nous en avions besoin.
Du reste, c'est uniquement pour le foyer domestique que nous avons importé ce tonnage mais rien ne s'opposerait, si nous pouvions obtenir des charbons à des conditions intéressantes, que nous essayons également de faire des livraisons à l'industrie.
M. Reumeaux m'arrêta et me dit qu'il savait que nous postulions pour des constructions navales pour la Pologne et qu'il pensait que c'était en contrepartie d'un pourcentage de la valeur de ces constructions que nous envisagions la question, mais qu'il tenait à nous prévenir que l'affaire, au point de vue charbon, ne serait pas aisée, étant donné que, si le gouvernement polonais envisageait ce mode de paiement, pour une partie de la fourniture, c'est qu'il avait des difficultés de trésorerie et qu'il pensait amener ainsi les houillères à se substituer à lui, dans une certaine mesure, pour le paiement à faire aux constructeurs.
Or, cette solution, Skarboferme ne pourrait l'accepter, car il tient à être payé dans des délais assez rapides et n'étudierait la question que si le gouvernement polonais l'y contraignait. En tout cas, il serait nécessaire d'obtenir que les houillères ne restent pas à découvert du montant de leurs fournitures pendant un laps de temps indéterminé.
La conversation se termina après que M. Reumeaux m'eût dit de faire très attention sur la façon de traiter les affaires en Pologne qui est bien différente de la méthode de travail française.
Je retrouvai M. Marin Darbel quelques instants plus tard ; il me donna quelques conseils sur la façon de visiter les différentes houillères de la région et il ajouta que Skarboferme tenait à laisser à notre disposition la voiture automobile qui nous avait conduits à Krolewska Hüta. Il désirait même que je garde la voiture pendant tout le temps de mon séjour en Haute-Silésie.
J'ai décliné la proposition mais ai cependant profité de son aimable invitation pour le même jour. Je dois avouer que cette voiture et surtout le chauffeur qui connaissait la région ont été d'un précieux concours car étant donnée la neige qu'il y avait, il est probable que j'aurais été obligé de rester au moins une huitaine de jours.
Avant d'en terminer avec Skarboferme, je ne crois pas inutile de rappeler que la Société fermière des mines fiscales de l'état polonais en Haute-Silésie, appelée par abréviation Skarboferme, du nom de son adresse télégraphique, est une société par action dont la moitié se trouve entre les mains du gouvernement polonais et l'autre moitié est répartie parmi un groupe formé les principales mines du Nord et du Pas-de-Calais.
Comme il est dit ci-dessus, la Société fermière dispose de plusieurs centres d'extraction et les méthodes de travail sont très perfectionnées.
Pour des raisons qu'il est facile de comprendre, il est vraisemblable qu'elle ne sera jamais un gros importateur en France, tout au moins tant qu'il n'y aura pas une entente internationale du charbon, car son côté français ne désire nullement faire concurrence au charbon du Nord et du Pas-de-Calais dans les régions où ces dernières peuvent pénétrer.
Le président du conseil d'administration est Polonais ; l'organisation commerciale est française, mais les décisions doivent être soumises à la ratification du conseil d'administration ; son essor se trouve entravé bien souvent du fait de l'intransigeance de la partie polonaise du conseil d'administration.
Sans que j'aie pu vérifier la chose, il paraîtrait que l'instigateur de la société a été M. Millerand qui était, à l'époque, le conseil du Comité des Houillères.
Société Comte Renard à Sosnowice
Avant de rendre compte des renseignements obtenus sur place, il n'est peut-être pas inutile d'expliquer que les charbons de cette mine sont les seuls du groupe qui soient exportés et que c'est par erreur qu'il a toujours été fait mention dans la correspondance du charbon Reden/comte Renard.
La mine Reden appartient aux Forges et Aciéries de Hüta-Bankowa dont les usines sont situées à Dombrowa et dont le siège social est à Paris, 91, rue Saint-Lazare.
Une entente est intervenue entre la mine Comte Renard et la mine Reden, sous les auspices de Hüta-Bankova de sorte que c'est la mine qui est située auprès des Forges & Aciéries, qui fournit aux usines tout le charbon dont ces dernières ont besoin. Aucun charbon n'est exporté ; le surplus de la production est consommé sur place.
Le charbon Reden est de qualité inférieure au Comte Renard. Si, jusqu'à maintenant, il a été mentionné par la Bergenske dans ses propositions qu'elles nous offraient des charbons Reden/Comte Renard, c'est que les deux mines sont représentées à Varsovie par le même agent M. de Rosset.
La raison pour laquelle la Bergenske n'a pu nous offrir, un certain moment, de charbon Comte Renard provient d'abord de ce que la Bergenske, nous ayant interrogés pour nous faire des propositions et ayant appris que nous n'étions pas acheteurs - c'était au cours de l'été dernier - n'a pas voulu prendre ces charbons en spéculation et a laissé M. de Rosset libre de traiter par ailleurs. C'est ainsi que les établissements Thouvenin ont pu avoir des charbons Comte Renard dont ils ont rétrocédé, croyons-nous nous rappeler, une cargaison à MM. Rémy & Meunier, concurrent de notre maison du Havre.
D'autre part, il a été dit, à un moment donné, que les affaires avec la mine étaient impossibles du fait que le directeur de la mine était mort et que Mme de Rosset, qui dirige l'affaire, avait un caractère difficile.
Il est exact que le directeur de la mine Renard soit mort ; il est remplacé actuellement par M. Dupanloup mais Mme de Rosset n'est que la femme de l'agent de vente à Varsovie et, si elle s'est occupée de charbon, c'est parce que son mari était malade, réellement ou diplomatiquement. Il y a de fortes chances de croire que cette dernière raison est la bonne, car son fils, qui est officier dans l'armée polonaise, a eu d'assez grosses difficultés à la suite de duels et il y a eu, à un moment donné, intérêt à ce que la famille de Rosset ne fasse pas parler d'elle.
Les choses sont maintenant rétablies puisque M. de Rosset fils, l'auteur des incidents dont nous parlons ci-dessus, entre à partir de maintenant comme associé dans la maison de son père.
La mine Comte Renard est située sous la ville de Sosnowice ; son extraction, de ce fait, est soumise à certaines difficultés. C'est ainsi qu'elle doit, à l'aide de sable, combler les puits qui ne lui servent plus. L'été dernier, les transports de sable étant très difficiles, elle a dû marcher au ralenti. C'est encore une des raisons pour lesquelles il n'y avait pas beaucoup de charbon Comte Renard sur le marché au début de l'hiver.
Son contingent exportation est de 6 à 7.000 tonnes par mois. C'est monsieur de Rosset qui est chargé de la vente ; les rapports de ce monsieur avec la Bergenske sont très intimes. Si nous voulions nous adresser à M. de Rosset pour lui acheter des charbons directement, il est très vraisemblable que la Bergenske le saurait. Il n'y a donc pas intérêt à entrer en concurrence avec nos amis, surtout que, si la qualité du charbon a été appréciée par nos diverses succursales, il y a lieu de ne pas perdre de vue que, même en faisant un contrat avec cette mine, nous pourrions nous trouver, à un moment donné, à ne pas avoir les charbons que nous désirons.
D'autre part, la mine Comte Renard ne vend ses calibres qu'en y comprenant une proportion de gros. Approximativement, il m'a été dit que les ventes devaient se composer d'environ 35% de gros, 15 % de 60/80, 25 % de 40/60 et 10 % de 25/40. La Bergenske faisant des soutes à Dantzig, a toujours pris pour elle le gros charbon dont nous ne voulions pas, ce qui fait qu'elle a pu nous donner à peu près les calibrages que nous désirions.
Enfin, la mine Comte Renard ne vend que sur wagon départ mine, après ouverture d'un accréditif en banque, M. Dupanloup paraît avoir apprécié beaucoup la méthode de travail de la Bergenske et nous serions étonnés qu'il ne lui donne pas la préférence.
La mine Comte Renard ne peut pas faire d'expéditions journalières de plus de 700 tonnes à 1.000 tonnes maximum. Si nous lui achetions, il faudrait donc que Dantzig combine pour l'acheminement des quantités.
Société française et italienne des houillères de Dombrowa
Cette société, appelée communément Frankital, est située à Dombrowa-Gornicza ; son siège administratif est à Lyon, 3, rue de l'Arbre sec, ce dernier n'a absolument rien à faire dans la vente des charbons qui est assumé par M. Cabane, directeur commercial de Frankital.
M. Cabane, qui connaissait très bien notre maison et qui paraissait surtout renseigné sur les affaires faites par notre succursale de Marseille, ne nous a pas caché qu'il avait chargé M. Kozlowski, son agent de Varsovie, de la vente de tous ses charbons, aussi bien pour l'intérieur que pour l'exportation.
M. Kozlowski est constamment en route entre Varsovie et Dantzig. Les rapports de la Bergenske avec ce monsieur sont très bons et si la Bergenske a éprouvé des difficultés à obtenir des charbons Parys, à un moment donné, cela tient à ce que Frankital avait un contrat avec MM. Mory & Cie. Son contrat a expiré à fin décembre de l'année dernière ; il n'a pas été renouvelé et n'a probablement pas de chance de l'être car, pendant l'été, MM. Mory n'ont pas pris livraison des charbons qui leur étaient vendus, parce qu'ils ne trouvaient pas de débouché ; c'est ce qui explique qu'à un certain moment, nous ayons pu en avoir par l'intermédiaire de la Bergenske.
Les charbons de la mine Parys, sans être aussi bons que les charbons Reden, se présentent très bien. Ils suffisent pour le foyer domestique et cette mine a l'avantage d'avoir un très bon pourcentage de charbons calibrés ; elle est beaucoup moins stricte que Renard pour la prise en charge des gros charbons. Tous les charbons Parys sont lavés jusqu'à 60 m/m et triés à la main pour les calibrages supérieurs.
Les conditions de vente de Frankital sont paiement à trente jours de la date du connaissement.
La mine est disposée à traiter fob Dantzig ou loco mine, au choix du client. Son contingent exportation est l'un des plus forts des mines du bassin de Dombrowa. Il dépasse 10.000 tonnes. M. Cabane prétend que les conditions actuelles du marché, sans être excellentes, sont satisfaisantes et que, si les moyens de transport étaient meilleurs, il envisagerait volontiers l'augmentation de ses affaires sur l'étranger.
Société des charbonnages, mines et usines de Sosnowice
Cette société est établie à Sosnowice. Le directeur général est M. Marius Malplat. Nous n'avons pu le rencontrer car il était en voyage mais avons été reçus par son adjoint, M. Brocard. Ce dernier nous a confirmé ne pouvoir rien faire pour nous, tout au moins en ce qui concerne le foyer domestique car son contingent d'exportation, qui est de 4 à 5000 tonnes mensuelles pour la France, est complètement acheté par les établissements Neuerburg qui se trouvent, de ce fait, être agents de Sosnowice.
La mine paraît regretter que nous n'ayons pu nous entendre avec elle lorsqu'elle nous a approchés, il y a quelques années.
Si elle ne peut rien faire pour le foyer domestique, elle serait, par contre, peut-être disposée à examiner la vente directe des charbons pour l'industrie et les soutes.
Il paraîtrait que les charbonnages de Sosnowice livrent actuellement en France des grains non lavés 10/25 m/m faisant 6 à 7 % de cendres ; 30 % de matières volatiles et environ 10 à 12 % d'humidité, à des usines électriques et que ces charbons donnent satisfaction.
Le prix était, il y a une dizaine de jours, de 9/6 fob Dantzig/Gdynia.
J'ai fait comprendre à M. Brocard que si nous achetions éventuellement des charbons pour l'industrie, il faudrait d'abord que la mine accepte de nous les vendre directement, sans passer par un intermédiaire quelconque et qu'il soit également bien entendu qu'en contrepartie, on devrait nous donner certaines facilités pour les livraisons pour le foyer domestique.
Société des mines de Czeladz
Cette société est située à Piaski, près de Sosnowice. Le directeur général, M. Viannay, était absent. C'est avec M. Herdebaut que l'entretien a eu lieu. Ce monsieur est le chef des services techniques.
M. Herdebaut nous a confirmé que toute la question commerciale était centralisée par le siège social, situé à Paris, 76, rue de la Victoire et que Piaski n'était chargé que de l'exécution des commandes prises à Paris. M. Tezenas du Monteil et M. Keller s'occupent à Paris plus spécialement de la question, mais d'après M. Herdebaut il n'y aurait aucun disponible, la totalité du contingent exportation fixé à 10.000 tonnes mensuelles étant absorbée par les concessionnaires et agents de la mine. Pour mémoire, nous rappelons que ce sont MM. Catoire Frères pour Rouen et la région parisienne ; la société de houilles Delmas Vieljeux Graigola pour Dieppe et certains ports de l'Atlantique, concurremment avec les établissements Châtel & Dolffus pour cette dernière région.
M. Herdebaut nous conseille de nous mettre en rapport avec Paris tout en me rappelant qu'il est regrettable que nous n'ayons pu nous entendre lorsque M. Tezenas du Monteil était venu nous trouver, il y a plusieurs années.
Société minière industrielle Saturn à Sosnowice
Cette société n'a rien de disponible car elle a vendu son contingent exportation à M. Klöckner & Cie ; l'entente première qui a été faite l'année dernière est en voie de renouvellement.
J'ai appris, depuis, par M. Broermann que la chose était en règle ; je crois savoir que c'est à 12/6 fob pour toutes qualités, sans toutefois connaître les calibrages mais je suis certain qu'il y a une certaine proportion de gros, car MM. Klöckner ont des difficultés pour vendre ce charbon.
Ce prix de 12/6 et de 6 d. supérieur à celui du dernier contrat.
M. Broermann me précédait de 24 heures dans la région de Sosnowice.
À Dantzig, c'est la Saturn Export Gmbh qui représente ce groupe mais c'est la maison Warta qui fait les chargements pour le compte de MM. Klöckner & Cie. Ces derniers m'avaient promis lors de mon passage à Duisbourg qu'ils verraient s'ils pouvaient nous donner la consignation de leurs bateaux à Dantzig.
Charbonnages Flora
Le siège administratif de cette société est à Paris, 29, rue Tronchet ; l'agence de vente à Varsovie, Senatorska, nº 30.
Cette société a cessé pour le moment toutes ses exportations.
Warszawskie Towarzystwa Kopaln Weglai Zarladon Hutniczych Spoeka Akcyjna
Société varsovienne de charbonnages et de l'industrie S.A.
Cette société n'a fait que peu d'affaires en France et celles qu'elle a traitées l'ont été par l'intermédiaire d'un frère Natanson ; l'adresse de ce monsieur est la même que celle des affaires Loucheur (56, rue du faubourg Saint-Honoré). Il est paraît-il, du reste, en très bons rapports avec M. Loucheur.
C'est monsieur Natanson qui a traité la première affaire de charbons polonais avec les Chemins de fer de l'État, il y a deux ou trois ans. Le charbon livré a été insuffisant.
La Société varsovienne avait fourni des charbons de la mine Kazimierz qui lui appartient et des combustibles de Sosnowice et de Czeladz, tous charbons du bassin de Dombrowa, par conséquent peu aptes au chauffage des locomotives. Les principaux reproches adressés à la Société varsovienne, qui a dû payer des pénalités, c'est que la consommation était trop rapide et les cendres trop fusibles.
Cette affaire qui possède deux mines, dont la mine Kazimierz dont il est fait mention ci-dessus, essaie de faire un consortium de ventes dans lequel entreraient d'autres mines et dont le but serait de créer une exportation active pour la France.
Charbons Unitas et Pless
Le siège de la société est à Katowice, Ulica Powstancow, nº 46. Le directeur, le Dr Falke était absent. C'est par le chef du département charbon, M. Schlausske que nous avons été reçus. L'entretien a été cordial.
Ce monsieur nous a expliqué que Pless expédie actuellement 40.000 tonnes dont 25.000 tonnes pour les pays scandinaves, la Suède plus particulièrement, et 15.000 tonnes pour l'Italie. L'exportation pour la France ne l'intéresse pas, les prix n'étant pas suffisamment élevés.
Il conseille de se mettre, cependant, éventuellement, en rapport avec M. Treischke, directeur à Dantzig.
Les charbons de Pless sont, du reste, pour le foyer domestique, inférieurs à ceux des autres groupes de Haute-Silésie.
Cette société est allemande, voire même prussienne. Ces bureaux sont situés dans un immeuble très imposant qui lui appartient et qui dénote la richesse de l'affaire.
Progress
Cette affaire allemande est située Ulica Stawowa, nº 13, à Katowice. C'est un consortium de ventes dans le genre de Robur, mais moins important. La maison César Wollheim de Berlin est l'animatrice du groupe en question, mais la Société des mines et usines des zinc de Haute-Silésie, 31, rue Lafayette, à Paris, est actionnaire pour un tiers dans le groupe Progress. C'est elle qui est chargée de la vente des zincs en France et lorsque le groupe Progress a voulu vendre des charbons dans notre pays, la Société des mines et usines des zincs de Haute-Silésie a obtenu, de ce fait, l'exclusivité de la vente des charbons polonais en France produits par le groupe Progress. C'est un M. Dupont qui s'occupe de l'affaire.
En l'absence du directeur, M. Waclawek, c'est le directeur du département charbon à Katowice, M. Striese qui connaît parfaitement, du reste, la maison Worms & Cie, qui nous a reçus.
Ce monsieur nous a dit qu'il n'avait aucun renseignement précis sur la façon dont travaillaient ses agents de vente à Paris. Il ne paraissait qu'à moitié satisfait, mais s'est empressé d'ajouter que nous devions comprendre, cependant, pourquoi il était difficile d'apporter une modification quelconque à l'organisation en question.
Le contingent de Progress pour la France est actuellement de 5 à 8.000 tonnes mensuelles, mais ce groupe, ayant obtenu une concession de 200 mètres de quai à Gdynia, concession pour laquelle il a déjà commandé l'outillage qui se composera de 3 grues, pense, lorsque l'installation sera prête - c'est-à-dire en 1930 - augmenter très sensiblement son contingent, surtout si, comme il espère, il peut obtenir des prix supérieurs à ceux qui étaient pratiqués il y a quelque temps.
M. Striese m'a dit avoir reçu, la veille, la visite d'un représentant de MM. Klöckner & Cie ; il me demanda si je connaissais la maison, ce qui m'autorisa à lui demander le nom du représentant en question. Il me montra alors la carte de M. Broermann et celle d'un de ses agents de Paris, M. Boisseau.
Fulmen
Les bureaux de ce groupe sont toujours situés à Katowice, Julusza Ligonia, nº 3 à 7. Le groupe Fulmen n'est nullement intéressé par les ventes en France, étant donné que tout son disponible est vendu en Suède par l'intermédiaire d'une maison Johnson de Gothenbourg et il paraît que, si Fulmen était amené à vendre des charbons en France, il passerait par le même intermédiaire.
Cette affaire est allemande et c'est le Dr Blatt qui nous a reçus.
Gische
C'est une société charbonnière et métallurgique ; son adresse à Katowice est Podgorna, nº5.
Ces bureaux sont moins imposants que ceux des autres groupes de Haute-Silésie mais mieux meublés, on sent le goût germano-américain.
Le directeur gérant, M. Brooks était absent, comme j'avais, cependant, remis la lettre de M. Rossi, il faut croire qu'elle a produit son effet, car à peine cinq minutes après notre arrivée, nous étions reçus par le Dr Lowitch, assisté du directeur commercial (Geschäftfuhrer) Gorowsko.
Le Dr Lowitch très aimable nous dit, de prime abord, que l'époque est très mal choisie pour faire quelque chose de définitif en Pologne et que, pour nous éclairer sur la situation, il allait, si nous l'y autorisions, nous parler tout à fait amicalement.
Nous apprenons ainsi un certain nombre de renseignements. Il nous donne la classification suivante des groupes de Haute-Silésie au point de vue disponibilités :
Robur 40 %
Progress 20 %
Giesche, Skarboferme, Fulmen - chacun 10 %.
Il est à remarquer qu'il ne mentionne pas les autres groupes et, à la question précise que nous lui posons sur Pless, il nous répond qu'il s'agit d'un charbon de qualité très inférieure à ceux des groupes précédents.
Giesche a obtenu du gouvernement polonais une concession à Gdynia. Il a commandé les appareils de manutention et étudié la question du tonnage à mettre sous pavillon polonais. Le gouvernement polonais en échange a donné la garantie que les marchandises qui seraient exportées par Gdynia seraient exonérées des droits de quai pendant au moins dix ans.
M. Lowitch confirme que, s'il n'y a pas de changement d'ici là (il me disait cette dernière phrase en souriant) le gouvernement polonais donnera tous les avantages possibles au-delà de la période en question, si cela est nécessaire, pour assurer la prospérité de Gdynia.
Giesche exporte, actuellement, 39.000 tonnes de charbon. Le tout va dans les pays scandinaves, et, sur ce tonnage, il y a environ 7.000 tonnes pour les soutes.
Giesche espère pouvoir être prêt l'année prochaine pour ses affaires en France. M. Lowitch prend bonne note de notre démarche et doit en écrire à la direction de Berlin, c'est-à-dire à : George von Giesche's Erben Handelsges Gmbh, Berlin, W 35, Postdamerstrasse 121 c, qui est l'âme du groupe en question (inclus, du reste, copie de la fiche de renseignements que nous avons obtenus sur cette maison). Il s'agit d'une affaire très puissante, surtout depuis qu'elle est épaulée, pour la branche métallurgique, par Harriman.
A son avis, rien ne s'opposerait à ce que ce groupe entrât en rapports plus intimes avec nous. S'il devait en être ainsi, je crois qu'il serait bon de s'assurer que notre visite a été transmise à qui de droit.
J'ai dit au Dr Lowitch que nous avions déjà été touchés par un M. Frédéric Sattler, de Strasbourg, qui se disait représentant en France du groupe Giesche, mais nous a répondu M. Lowitch, il ne peut s'agir que d'une représentation de sa maison de Berlin, représentation sans importance, car en réalité, nous n'avons pas encore eu de rapports avec le marché français.
Les charbons de la mine Cleophas, qui appartient au groupe Gische, sont de premier ordre pour le foyer domestique et pour les locomotives. Il s'agit de charbons non lavés.
À Vienne, où le groupe Giesche expédie beaucoup de charbons, il obtient des prix très supérieurs à ceux des autres mines, ce qui fait dire à Giesche que son charbon fait prime.
Cette opinion du Dr Lowitch m'a été confirmée de différents côtés et notamment à Skarboferme où il m'a été dit que, pour le foyer domestique, le premier de tous les groupes de Haute-Silésie était Gische.
Giesche vend des charbons en Pologne par l'intermédiaire d'une société distincte dont le nom est Podolia, Ulica Stawowa, n°5, c'est à cette adresse que nous étions allés tout d'abord.
Robur
Ces bureaux sont situés Ulica Powstancow, nº49, à Katowice dans un immeuble qui confirme la puissance de l'affaire et surtout l'importance de la maison Emanuel Friedländer & Cie, négociant en charbons, Berlin W. 8, Under den Linden (inclus la fiche de renseignements sur l'affaire en question qui est des plus puissantes outre-Rhin).
La raison sociale de cette firme est la suivante : Union des houillères de Haute-Silésie (Robur). C'est un consortium de ventes formé de 8 comités possédant 18 mines, 3 cokeries et des fabriques de boulets.
Ce groupe contrôle l'extraction et la vente de 40% des charbons de Haute-Silésie. Il a des charbons de très bonne qualité et d'autres de qualité inférieure.
L'affaire est dirigée par M. Alfred Falter, ingénieur diplômé, directeur général de l'affaire avec M. Charles Broda, qui a également le titre de directeur.
Le poste de sous-directeur est confié à M. Jan Lieber, docteur en droit ; celui du service d'exportation est entre les mains de M. Otto Kaldeck qui est également fondé pouvoir de la firme Robur, c'est ce dernier qui nous a reçus.
M. Alfred Falter est le personnage influent, celui dont se sert la maison Friedländer ; il se flatte d'être Polonais ; il a, du reste, appris le polonais et parle cette langue couramment ; il a un siège au conseil d'administration de la Banque de Pologne.
M. Alfred Falter joue un rôle très important dans son pays, comme il le ferait, du reste, dans toutes autres si le hasard de la vie amenait un nouveau changement en Pologne. C'est un commerçant dans toute l'acception du terme. Il n'y a que le résultat qui compte.
Il a parfaitement réussi, du reste, puisqu'ayant fait fortune en un laps de temps assez court, il songe à se retirer, non pas en Pologne, mais il a jeté son dévolu sur la France où il possède, en Normandie, à Sainte-Geneviève-en-Bray, un riche domaine. Il prétend que ce choix lui a été dicté par la santé de Mme Walter mais de mauvaises langues disent qu'il craint des ennuis et que c'est la raison pour laquelle il songe à la retraite.
Robur a son organisation propre dans tous les pays européens et il fut, en 1926, le principal exportateur sur l'Angleterre des charbons de Haute-Silésie. Sa richesse, sa puissance et son esprit commercial lui ont permis de réussir là où d'autres échoueraient.
Ce groupe a une avance considérable sur les autres. Il doit donc normalement la conserver, car il se trouve dans une région où la méthode employée a moins d'importance que le succès remporté.
Comme c'est un consortium de ventes, il n'a pas à endosser les conséquences des contreparties qu'il peut accepter, son bénéfice étant certain, cela lui permet de réussir là où d'autres seraient moins heureux.
Les quelques cargaisons reçues par nous de chez Robur n'ont pas été aussi bonnes, il s'en faut, que celles achetées à la Bergenske par exemple. Cela tient à ce que nous n'avions pas pris soin, au préalable, de spécifier les mines dont nous désirions recevoir les charbons. Il y aurait lieu de faire, éventuellement, une sélection et, d'après ce que nous a dit M. Otto Kaldeck, à qui nous avions posé la question, Robur serait disposé à nous garantir la provenance de ses charbons. À la pratique, la chose sera probablement difficile, sinon impossible, en tout cas, il sera toujours nécessaire, avec le groupe en question - si l'on continue à travailler avec lui - de se montrer très fermes.
Les quelques anecdotes qui suivent viennent illustrer les renseignements que nous avons donnés ci-dessus au sujet de la façon de procéder du groupe dont nous parlons.
Lorsque nous avions acheté à Robur une cargaison pour livraison fin octobre début novembre et que nous n'avons reçue qu'en décembre, Robur a prétendu qu'il avait été empêché de l'exécuter par suite de grèves à Dantzig et à Gdynia.
Pour Dantzig, la chose est en partie exacte bien qu'il y ait lieu de remarquer que jamais le travail n'a été interrompu complètement et que les charbons destinés à la Scandinavie par exemple, partaient normalement. A Gdynia, par contre, où il n'y a, en principe, que le groupe Robur qui ait une installation, le travail a été interrompu, mais il paraît que c'est Robur qui l'a voulu, car il se trouvait, à cette époque, en Pologne, et dans les pays limitrophes, des prix très supérieurs à ceux pratiqués pour la France. Il y avait une plus-value d'environ 50 à 60%.
Il est interdit d'expédier des charbons polonais en Allemagne, mais il faut croire qu'il y a toujours des accommodements possibles puisque le jour où nous étions chez Robur, nous avons entendu M. Otto Kaldeck qui téléphonait à un tiers au sujet de livraisons de charbon pour l'électricité de Berlin et le hasard de la conversation téléphonique nous a fait apprendre que les charbons en question étaient expédiés de Haute-Silésie sur Tetschen (Tchécoslovaquie) puis, de là, réexpédiés sur Berlin.
Nous ne rappellerons que pour mémoire les moyens employés par le groupe en question pour obtenir, lors de la dernière adjudication, la fourniture de grains lavés aux Chemins de fer algériens de l'État.
En donnant les exemples ci-dessus, nous avons voulu montrer que Robur saurait toujours faire le nécessaire pour se tirer d'une mauvaise situation et que, si le résultat en vaut la peine, c'est le seul qui soit capable de prendre des engagements qui feraient hésiter ses confrères.
Les chemins de fer de l'État, en France, reçoivent, actuellement, des charbons polonais par Robur et sont satisfaits de la qualité, mais, nous a dit le chef du service en question, il est essentiel d'établir un cahier des charges très ferme et de veiller à ce que les livraisons soient conformes, si l'on ne veut pas risquer de recevoir du combustible de qualité inférieure.

Conclusion

Je m'excuse de ce long (peut-être trop long) exposé. En le faisant, je n'ai eu qu'un but : essayer de montrer ce qu'était la situation des charbons polonais au début de 1929 et essayer d'en tirer un enseignement pour l'avenir.
Ce qui apparaît tout d'abord, c'est que dans les circonstances actuelles, sauf pour Robur, qui est dans une situation spéciale, nous l'avons vu, ce sont les mines du bassin de Dombrowa qui alimentent le marché français puisque, jusqu'à maintenant, tout le charbon polonais a été importé pour les besoins du foyer domestique.
Les mines de Haute-Silésie ne s'y intéressent que dans une faible mesure parce que les prix obtenus ne sont pas suffisamment élevés et qu'elles peuvent trouver facilement le placement de leurs extractions actuelles, soit en Pologne, soit dans les pays limitrophes.
La chose peut se modifier s'il y a une entente internationale sur les charbons, soit parce que des meilleurs moyens de transport ou de transbordement seront mis à la disposition des mines (cela peut encore demander un an ou deux) soit enfin parce qu'une hausse générale interviendra dans le prix des charbons. Reste à savoir si au prix élevé du charbon ne correspondra pas une hausse égale dans le prix des salaires.
Devons-nous attendre ce moment pour nous lier en Pologne ? Je ne le crois pas parce que ce serait se priver de charbons polonais pendant un certain laps de temps, peut-être pendant la seule période où ce charbon sera rentable en France.
Rien ne dit en effet que les mines polonaises, s'il y a entente, ne devront pas abandonner le marché français aux mines anglaises pour avoir la liberté qui leur tient tant à coeur, de livrer dans les pays scandinaves.
Il ne faut pas oublier non plus que l'URSS et l'Allemagne n'ont pas, actuellement, de traité de commerce avec la Pologne et que, lorsqu'il y aura une entente, la question charbon y sera certainement l'un des articles importants.
Il y a disette de charbon en URSS et dans le territoire allemand voisin de la Pologne. Le charbon y est 60% plus cher qu'en Pologne même, ce dont souffre la population comme l'industrie allemande de ces régions.
Il apparaît donc que nous devrions nous approvisionner dans le bassin de Dombrowa, mais la chose est rendue difficile parce que les mines sont engagées, d'une façon ou d'une autre, et celles qui ne le sont pas encore ne tarderont pas à l'être. Ne signale-t-on pas la formation d'un comptoir d'achat du charbon polonais composé des établissement Châtel & Dolffus, de la Société de houilles Delmas Vieljeux Graigola, des Fils Charvet et de Sentuc, qui veut essayer de truster à son profit l'importation des charbons en question ?
De tous côtés, nous apprenons également que des achats ont eu lieu ces temps-ci et que les Établissements Thouvenin ont traité 35 à 40.000 tonnes livrables d'avril à octobre ; MM. Mory sont couverts pour la même période ; Châtel & Dolffus se seraient engagés déjà pour 4.000 tonnes par mois d'avril à octobre ; enfin, nos amis Klöckner n'ont pas hésité à s'engager pour deux ans avec Saturn et essaient de faire la même chose avec Progress.
Cette politique de s'engager à prendre un certain contingent pendant la période estivale n'est pas sans risque étant donnée la prédisposition des charbons polonais à la combustion spontanée, mais c'est, en tout cas, la seule façon d'avoir du charbon à l'entrée de l'hiver. Le tout est de savoir si les avantages dépassent les risques.
En ce qui concerne MM. Klöckner, ils ont l'intention de stocker leurs charbons et d'attendre l'entrée de l'hiver pour l'écouler.
À noter (cela m'a été confirmé par plusieurs mines) que, si l'on veut éviter la combustion spontanée des charbons polonais, il est indispensable de ne pas les stocker à des hauteurs supérieures à 1,50 m à 1,80 m, en tout cas, inférieures à 2 m.
Devrons-nous faire la même chose ? Il ne m'appartient pas de répondre à cette question mais ce que je me permets de signaler, c'est que, si nous voulons avoir du charbon, il nous faudra aller assez rapidement sur le marché en Pologne soit que nous achetions fob, soit que nous achetions caf. Chacune des deux méthodes a ses avantages et ses inconvénients.
En achetant fob, nous sommes libres d'expédier le charbon où nous voulons suivant les besoins à alimenter mais nous risquons des ennuis au point de vue surestaries, acheminement, etc.
Si nous adoptions cette dernière façon de procéder, il serait nécessaire, pour habituer la maison de Dantzig, qui peut très bien se charger de l'opération, de commencer l'acheminement de la fin de l'été.
Si nous achetions caf, il nous faudra passer par un intermédiaire qui, fatalement, nous prendra une commission. Par contre, nous aurons des prix sur lesquels nous pourrons tabler avec, comme contrepartie, l'obligation de prendre des charbons aux époques et pour les ports prévus, quels que soient nos besoins.
Quelle que soit la méthode que nous adoptions, soit que nous continuions à acheter à la Bergenske ou à tout autre, soit que nous essayons de traiter directement avec les mines, il y aurait intérêt à grouper le plus tôt possible les besoins approximatifs de nos maisons.
Il ne serait pas inutile, non plus, de faire remarquer à ces dernières qu'alors qu'elles ne voulaient recevoir que des calibrés 40/60 et 60/80, la concurrence a pris des 25/40, et des 80/120 et au-dessus et quelquefois des grains inférieurs à 25 m/m. Cela permet d'avoir des charbons plus facilement et à de meilleures conditions, quoique, dans l'ensemble, je ne pense pas que nous ayons été mal servis.
Il y a ensuite la solution qui consisterait à voir, si MM. Klöckner font l'entente avec Progress, s'il n'y a pas moyen de faire un accord avec MM. Klöckner mais ceci est un peu anormal d'être obligés de passer par une maison allemande pour acheter des charbons en Pologne.
Il reste enfin, si aucune des solutions ci-dessus n'était possible, celle de s'adresser à Robur qui, lui, sera toujours disposé à faire des affaires. Nous pouvons du reste, si nous ne traitons pas avec lui, le garder en réserve comme nous le faisons de MM. Raab Karcher en Allemagne, en lui achetant, de temps à autre, une cargaison de façon à ne pas être complètement dépourvus si l'une ou l'autre, ou les autres sources d'approvisionnement indiquées ci-dessus venaient à se tarir.
En ce qui concerne l'avenir, Giesche me paraît tout à fait indiqué, si rien n'est possible avec Skarboferme.

Janvier 1929

Fiche de renseignements

Emanuel Friedländer & Cie
Négociant en charbons, Berlin W. 8, Inter den Linden. Inscription au registre du commerce, tribunal de Berlin Central comme société en commandite.
Associés gérants : Dr Franz Oppenheimer ; ancien directeur de charbonnage, Dr Karl Dantz.
Commanditaires : Marie Anna von Goldschmidt-Rothschild, née von Friedländer, avec 7 millions.
Cette société provient de la transformation en société en commandite, en 1905, de la société existant depuis de nombreuses années et fondé par Emanuel Friedländer. Le Dr Fritz von Friedländer-Fuld était le seul commanditaire avec 7 millions. Quand il mourut, en 1917, il fut remplacé par sa femme, commanditaire actuelle. Les deux associés gérants étaient jadis fondés de pouvoirs de la société. Ils passent pour des hommes d'affaire habiles et corrects, jouissant d'une excellente réputation.
La société fonctionne comme société de ventes de charbon de première importance. La société s'est particulièrement développée sous la direction énergique et intelligente de Fritz von Friedländer. Aujourd'hui, cette maison est une des principales organisations de ventes de charbons de l'Allemagne. Elle est intéressée financièrement à un grand nombre de sociétés charbonnières de l'Allemagne et de l'étranger et elle constitue le noyau d'un konzern dont la majorité des intérêts se trouve en Haute-Silésie.
Le siège social est situé à Berlin, Inter den Linden, 8, et des succursales importantes existent à Gleiwitz et à Katowice. A Cosel, la société possède un chantier de construction ainsi qu'un armement s'occupant du transport des charbons.
Le chiffre d'affaires de la société en question serait de 400 à 500 millions de marks annuellement.
L'entreprise est parfaitement considérée. Le capital engagé dans les affaires serait environ 40 à 50 millions de marks. La société Friedländer entretient des relations bancaires avec la Deutsch Bank et avec la Farmztadter & Nationalbank.
Le capital responsable, après déduction de tous les engagements, peut être évalué à 5 millions.
En tenant compte de tous les facteurs, on peut considérer le crédit de la société comme très bon. La société peut être considérée comme une des entreprises charbonnières les plus importantes de l'Allemagne et de l'étranger.
Georges von Giesche's Erben
Handelsges. mbh Berlin, W. 35, Postdmerstrasse 121 c.
Inscription au registre du commerce, tribunal de Berlin Central, le 9 janvier 1924 comme GmbH.
Capital 5.000 marks
Directeurs : Karl Buschmeyer, conseiller au tribunal de commerce de Berlin ; Dr Lothar Simon, ancien juge d'instruction au tribunal de Berlin.
Sociétaires : Bergwerksellschaft Georg von Giesche's Erben Breslau.
L'activité de la société est principalement la vente des charbons des mines de la Bergwerksellschaft Georg von Giesche's Erben Breslau. La société en question a le monopole de la vente des charbons von Giesche et en Allemagne et dans les pays du Nord.
La Bergwerksellschaft Georg von Giesche's Erben possède en Haute-Silésie des importants gisements de charbons, de zinc, de plomb, des aciéries et des hauts-fourneaux. Sa réputation est mondiale.
Le directeur, M. Karl Buschmeyer, est également directeur de la maison Karl Buschmeyer & Cie GmbH à la même adresse. M. Buschmeyer possède une grosse fortune et jouit d'une grosse considération.
Le Dr Lothar Simon est syndic de la Bergwerksellschaft Georg von Giesche's Erben, à Breslau.
La société en question ne possède pas de capitaux spéciaux. Elle n'a d'ailleurs pas besoin de crédit de par les affaires qu'elle traite. Cependant, si elle avait besoin de crédit, il lui serait facile d'en obtenir, étant donnée sa réputation.
Alldag
Société fondée avec l'appui financier de Strohmeyer, à Constance, d'autres associés sont hollandais et (dernièrement) hambourgeois.
La société possède un magasin à Dantzig de 8.000 mètres carrés, une place à quai pour les grumes de chêne (20.000 mètres carrés) et les manutentions de charbon, 3 grandes grues pouvant manutentionner 100.000 tonnes de charbon par mois.
Le coût de l'installation est de 4 millions de florins dantzigois et l'entreprise n'est pas rentable. C'est pourquoi cette société s'installera prochainement à Gdynia où elle espère faire mieux.
Cette société fournit un travail exact et satisfaisant.

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