1921.03.08.De Worms Bayonne.Au directeur de l’office des houillères sinistrées du Nord et du Pas-de-Calais

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Bayonne, le 8 mars 1921,

Monsieur le directeur de l’office des houillères sinistrées du Nord & du Pas de Calais
54, avenue Marceau
Paris

Charbons allemands
s/s "Gulhaug"

Monsieur le directeur,
Le 16 octobre 1920, le BNC a dirigé sur Bayonne le vapeur "Gulhaug" chargé à Rotterdam avec 1.743 tonnes de « traction » de la Ruhr. Le délégué du BNC désigna notre Maison pour recevoir la cargaison et la traiter suivant ses ordres.
Le 27 octobre, vous avez remis à notre siège social : 45 boulevard Haussmann à Paris, une facture n° 3.257 pour cette cargaison, à raison de : frs : 225.- la tonne.
Nous demandâmes aussitôt au BNC de fixer, conformément à la note du 9 octobre 1920, le taux de la ristourne applicable à cette cargaison, afin d’en permettre l’écoulement, et de nous indiquer les attributaires. Nous renouvelâmes nos démarches à maintes reprises, par lettre, ou verbalement à Paris, sans obtenir de solution, et c’est seulement par une lettre du 20 janvier dernier, 3 mois après la réception de la cargaison, que le BNC fixa la ristourne de 150 frs. Pendant cette période de prix en baisse, nous ne pûmes placer le charbon, dont le prix de revient était excessif (350 fr la tonne mise en stock pour le tout-venant et 394 fr. pour les criblés et les agglomérés). C’est pour ce motif que, le BNC ne nous donnant pas d'attributaires, nous dûmes surseoir au versement à votre caisse du montant de la cargaison.
A l’heure actuelle, il nous en reste encore 1.300 tonnes, composées comme nous allons l’expliquer ci-après, d’un lot considérable de schiste, 30 à 40 % de charbon classé, de diverses grosseurs, et le surplus de fines très bitumineuses destinées à l’agglomération. Nous ajouterons que, bien que le BNC nous ait notifié le 31 janvier dernier qu'il faisait une attribution de 1.000 tonnes à diverses en­treprises de pêche, les bénéficiaires paraissent peu enclins à le re­tirer, et nous n'avons encore pu leur livrer que 20 tonnes sur 1.000.
Ce charbon, étant donné le prix auquel on peut importer des charbons anglais ou des menus de Cardiff propres à l'agglomération, est devenu invendable, si le BNC ne lui attribue pas une ristourne plus élevée, et que nous évaluons devoir être actuellement de 220 à 225 frs que par tonne (au lieu de 150 fr). Mais cette question de prix n'est soulevée ici que pour vous faire ressortir toutes les difficultés que nous éprouvons pour réaliser la cargaison et vous en verser le montant.
L’objet principal de notre lettre est de vous signaler la proportion anormale de schiste que nous avons dû extraire du charbon criblé, par application des instructions administratives, en vertu des arrêtés en vigueur. Ces arrêtés allouent 55 frs d’indemnité par tonne de charbon gros et classé, extrait du tout-venant. Cette somme comprend les frais de stockage, de triage et d'épierrage, l’importateur devant prendre à sa charge le déchet provenant de l'é[illisible] de l’élimination des schistes et stériles. Or, le stockage seul, sans traitement de la marchandise, est tarifié 11 frs par tonne ; la manutention d'épierrage et de calibrage, faite à la main, nous coûte en sus 7 frs par tonne, soit en tout 18 frs sur la totalité de la cargaison.
S'il faut y ajouter la perte, par exemple, de 120 tonnes de schistes et stériles à 350 frs, les frais totaux de stockage, d’épierrage et le déchet atteindront frs : 73,374.-
Comme compensation de ces charges, il nous est alloué 55 frs par tonne sur la partie calibrée autre que les Fines, dans notre hypothèse 743 tonnes. Nous toucherons donc de ce chef :
743 x 55 soit : frs 40.865.-
d'où une perte de : 73.374 - 40.865 soit frs 32,509.-
Or, M. le délégué du BNC à Bayonne, peut témoigner de la quantité de schistes extraits de cette cargaison. Comme l’épierrage n'a lieu que sur les roches, le gailletin et la gailletterie, à l'exclusion des Noisettes et des Fines, c’est près de 20 % que l'on a dû extraire de la partie épierrée, soit le triple de ce que prévoyaient les règlements et l’expérience.
Nous observons pour votre gouverne, que cette cargaison paraît avoir été composée d'éléments très divers et notamment, de gros charbon de rebut. En effet, le produit épierré donne encore à la combustion un mâchefer considérable obstruant les grilles, à tel point que nous avons dû renoncer nous-mêmes à nous en servir ; et que nous ne consentirions pas à en recevoir d’autre à n'importe quel prix sous un régime de liberté.
Il résulte de ces constatations que nous éprouvons un préjudice anormal et imprévu du fait de la composition défectueuse de la cargaison du "Gulhaug" et nous venons vous demander formellement qu’il nous soit tenu compte de ce déchet anormal le charbon n’étant ni loyal ni marchand.
Notre réclamation repose en outre, sur ce fait que, agissant en réalité comme mandataire du BNC nous ne saurions endosser de responsabilités exceptionnelles pour une opération qui n’a pas été librement consentie ni débattue.
Nous comptons donc que vous voudrez bien faire instruire d’urgence notre requête tendant au remboursement de la perte évaluée ci-dessus à frs : 32.509.-, sous réserve de contrôle et de vérification, que nous sommes exposés à subir du fait de la très mauvaise qualité de la cargaison du s/s "Gulhaug".
Veuillez agréer, monsieur le directeur, l'expression de notre considération très distinguée.

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