1915.03.12.De Worms et Cie Bayonne

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Worms & Cie
Armateurs
Charbons anglais - Cokes & fontes - Anthracites - Briquettes
Lignes de vapeurs entre Bayonne et Bordeaux, Nantes, Rouen, Paris, Le Havre, et vice versa
Transit

Bayonne, les 12 mars 1915
Allées Boufflers, 8
Messieurs Worms & Cie - Paris

Nous avons reçu votre lettre du 10 courant.
Charte-partie Manuel Camara - Nous venons de recevoir une lettre de MM. Viuda Y Sobrinos Camara, armateurs du "Manuel-Camara" dont vous trouverez la copie sous ce pli. Ils dénoncent la charte-partie du 19 décembre dernier et invoquent le blocus allemand pour refuser d'effectuer le voyage de Swansea à Bayonne, que ce bateau devait faire pour nous à la fin du mois.
Il paraît que ces armateurs étaient hier à Bayonne et sont venus voir le courtier pour essayer d'annuler la charte-partie à l'amiable. Le courtier ne s'y est pas prêté de bonne grâce ; ils sont allés consulter un avocat qui leur a rédigé la lettre que nous recevons sous le couvert du courtier et sous la signature des armateurs.
Le courtier nous informe qu'en même temps ils ont écrit une lettre identique à M. Frois, négociant en poteaux de mines qui devait charger le vapeur dans une huitaine de jours pour Budd & Cie et qui devait le charger une seconde fois après avoir effectué le voyage qui nous intéresse, également en poteaux de mines pour le compte de Watts Watts. Pour que vous compreniez les mobiles auxquels obéissent ces armateurs, il faut, d'une part, vous signaler que notre charte-partie est au fret de 14 F, pour le charbon et que celles de Frois pour les poteaux de mines sont à 9/- alors que l'on cote maintenant 18/- pour ces mêmes transports.
Nous venons de voir notre avocat Me Laxague, qui a commencé par nous déclarer que dans le principe le blocus survenant après la conclusion du contrat d'affrètement, constitue évidemment un cas de force majeure, autorisant la résiliation du contrat.
Mais il s'agit de savoir et pour nous d'établir, si, dans le cas actuel, le blocus invoqué ne constitue pas simplement un prétexte ayant pour but de se soustraire à des engagements devenant onéreux, pour permettre à l'armateur de toucher temporairement des frets beaucoup plus élevés.
Il n'y a pas lieu, à notre avis, de s'arrêter longtemps sur la proposition des armateurs d'exécuter le voyage quand le blocus sera levé.
Nous avons signalé à notre avocat qu'en premier lieu les armateurs ont commis une faute lourde à notre égard, même si le motif invoqué par eux était valable, parce que le blocus allemand a été annoncé le 3 ou le 4 février, croyons-nous, pour être mis en pratique à partir du 18 février et que c'est aujourd'hui 12 mars seulement qu'ils nous font connaître leur intention d'invoquer ce blocus pour annuler leurs engagements. Or, nous pouvons faire valoir que s'ils nous avaient fait connaître leur intention il y a un mois ou 5 semaines, nous eussions pu, leur thèse admise, affréter en temps utile et dans de bien meilleures conditions que maintenant, un autre bateau pour exécuter nos propres engagements. Il y a donc là faute et faute lourde de leur part, à notre avis.
La position du "Manuel-Camara" est la suivante :
Il est actuellement devant la Barre avec une cargaison de charbon pour notre concurrent Depeaux et il entrera dans le port sans doute demain ou après-demain pour être déchargé dans le courant de la semaine prochaine. Le montant du fret qu'il aurait à toucher serait d'environ 25.000 F. Nous serions d'avis de commencer par faire saisir le fret entre les mains du détenteur et d'interdire à Depeaux ainsi qu'aux courtiers de s'en dessaisir. Nous ne savons pas si, en supposant que vous admettiez notre manière de voir, vous pensez qu'il y ait lieu ou qu'il soit légalement possible de prendre d'autres précautions, et, en principe, de faire saisir le bateau lui-même pour plus de sécurité, car nous ne serons pas les seuls à réclamer ; les acheteurs de poteaux de mines Budd et Watts Watts de leur côté vont avoir une différence de fret de 30 à 40.000 F à réclamer contre les armateurs.
Quant à la thèse du blocus, nous estimons qu'il est possible d'établir qu'il n'est pas effectif :
1° - parce que l'on affrète tous les jours des navires entre le Pays de Galles et les ports français,
2° - parce que l'on pourrait établir la matérialité de notre prétention en affrétant un bateau en remplacement pour le compte des armateurs défaillants s'ils persistent dans leur prétention.
Nous ferons remarquer encore (mais c'est surtout l'affaire des armateurs) que s'ils ne s'exécutent pas ils s'interdisent la possibilité d'envoyer leur bateau dans aucun port français ou anglais, sans démentir leur propre prétexte d'abord, sans s'exposer à faire saisir leur bateau en second lieu.
Comme il importe que notre voisin Depeaux ne se dessaisisse d'aucun acompte sur le fret avant que nous ayons pu prendre des mesures conservatoires et fait une opposition entre ses mains, il conviendrait que vous nous donniez d'urgence lundi prochain si possible, vos instructions sur la marche à suivre.
Si vous êtes d'avis d'effectuer la saisie du fret et que les armateurs venant à résipiscence déclarent qu'ils exécuteront le contrat, est-il possible et conviendrait-il d'exiger une garantie qu'ils tiendront leur promesse ? Dans ce cas le maintien de l'opposition jusqu'à ce que le vapeur ait effectué son chargement à Swansea s'imposerait peut-être.
Nous pensons vous avoir indiqué ci-dessus à peu près tous les points de vue et tous les faits utiles à connaître pour prendre une décision.
Agréez, Messieurs, nos sincères salutations.

[Signature illisible]

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